Une équipe de chercheurs français, sous la direction de Romain Teyssier, astrophysicien au CEA (Service d'Astrophysique, CEA-DAPNIA), a mené à terme, dans le cadre du “Projet Horizon ”, la plus grande simulation jamais réalisée de la formation des structures de l’Univers. Cette simulation, qui s’est appuyée sur le nouveau supercalculateur BULL du Centre de Calcul Recherche et Technologie (CCRT), va permettre aux astrophysiciens de comparer leurs modèles aux observations astronomiques avec un réalisme sans précédent. Les premières images permettent une exploration virtuelle de l'univers avec une précision jamais encore atteinte (voir l'animation pour un voyage à travers un "cube" d'Univers).
L’accroissement prodigieux des moyens de calcul permet des avancées scientifiques toujours plus importantes. En astrophysique, la résolution des équations décrivant le mouvement et l'interaction des étoiles et des galaxies à l’aide de méthodes mathématiques toujours plus efficaces et sur des supercalculateurs toujours plus puissants permet de modéliser la formation des structures de l’univers. « Partant des “conditions initiales” de notre univers, que l’on peut encore observer directement aujourd'hui dans le rayonnement de fond de l'univers, il est possible de suivre les trajectoires individuelles d’un grand nombre de particules qui servent à décrire le fluide cosmologique », explique Romain Teyssier.
Pour résoudre les équations dans chaque zone de l'univers, on discrétise l’espace en petits éléments de volumes ou “mailles”. Cet ensemble de mailles, que l’on appelle « grille » ou « maillage », recouvre le système que l’on souhaite décrire, dans le cas présent une large fraction de l’Univers. Pour améliorer la précision du calcul, on utilise des mailles plus petites dans les régions denses comme les galaxies et plus grandes dans les régions de faible densité: ce « maillage adaptatif » s’adapte automatiquement en fonction des conditions locales et permet un gain de temps de calcul considérable .
Avec près de 70 milliards de particules et plus de 140 milliards de mailles, le calcul réalisé au CCRT représente le record absolu pour un système à N corps modélisé par ordinateur. Pour la première fois dans l’histoire du calcul scientifique, il est possible de décrire la moitié de l’univers observable tout en couvrant une galaxie comme la Voie Lactée avec plus d’une centaine de particules !
Cette image en forme de trou de serrure (à droite) est une représentation virtuelle de notre Univers. Comme la vitesse de la lumière est finie, les régions les plus éloignées de nous apparaissent telles qu�elles étaient dans le passé. Notre observateur virtuel se trouve au centre de la sphère: plus on s'éloigne de lui, plus on remonte dans le temps. Le bas de la serrure correspond à un Univers très jeune, âgé d�à peine 1 milliard d'années. A gauche, exemple de la répartition de la matière dans un "cube" d'Univers. Les couleurs représentent la densité de matière (codée en intensité croissante du noir au blanc). Les concentrations denses maquent les régions ou se regroupent les galaxies, reliées par de longs filaments. Pour explorer l'image en haute résolution, cliquer ici (7.9Mo) (Droits: R.Teyssier/CEA)
Pour simuler un tel volume avec autant de détails, les membres du Projet Horizon ont utilisé les 6144 processeurs Intel Itanium2® du calculateur BULL NovaScale 3045 récemment installé au CCRT pour faire fonctionner à plein régime le programme « RAMSES ». Celui-ci, développé au CEA en collaboration avec les astrophysiciens du Projet Horizon, met en jeu une grille adaptative permettant d’atteindre une finesse spatiale inégalée (l’équivalent d’une grille cubique de 262144 mailles de côté !). Grâce aux experts de BULL et du CCRT, ce programme a pu utiliser de façon optimale les ressources de l’ordinateur pendant près de deux mois, consommant plus de 18 Tera octets de mémoire vive et générant près de 50 Tera octets de données sur disque. Le même projet, réalisé sur un ordinateur individuel, aurait pris plus de mille ans !
« Avec cette nouvelle simulation, nous allons pouvoir prédire quelle est la distribution de matière dans l’Univers avec une précision et un réalisme sans précédent », poursuit Romain Teyssier. « Nous pourrons bientôt comparer le modèle avec les observations de tout le ciel bientôt disponibles grâce à la mission spatiale Planck de l’Agence spatiale européenne, dont le lancement est prévu en 2009. Nous allons aussi préparer les futures expériences, comme le projet DUNE « Dark UNiverse Explorer» dont l’objectif est de déterminer la nature de l’énergie noire ».
• Structure et évolution de l'Univers › Evolution des grandes structures et des galaxies
• Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• Cosmologie et Evolution des Galaxies • Modélisation des Plasmas Astrophysiques