L'astrophysicien David Elbaz rend hommage à Stephen Hawking  

 

David Elbaz astrophysicien, est directeur de recherche à l'Irfu du CEA Saclay où il dirige le laboratoire Cosmologie et Evolution des Galaxies.

Nous lui avons posé quelques questions sur les travaux de Stephen Hawking qui a tiré sa révérence le 13 mars 2018.

Cet homme était un visionnaire, a-t-il ouvert des portes en théorie de gravitation en champ fort?

David Elbaz :

Hawking a su domestiquer l’horizon des trous noirs pour l’utiliser comme un laboratoire permettant d’établir un dialogue entre les soeurs ennemies que sont la mécanique quantique et la relativité générale d’Einstein.

L’article de Hawking qui a marqué les esprits en 1974 s’appelle: « Explosions de trous noirs ? », car les trous noirs ne feraient pas que s’évaporer. Par un phénomène de boule de neige, l’évaporation deviendrait de plus en plus intense au point de finir par exploser en générant autant d’énergie qu’un million de mégatonnes de bombes H en un dixième de seconde. De nombreuses études ont été réalisées sur l’exemple d’Hawking pour tenter de trouver une nouvelle formulation de la gravitation et l’horizon des trous noirs a aussi été utilisé comme laboratoire virtuel pour la théorie des cordes.

"AFP PHOTO / Sheffield University / Mark A. GARLICK" En savoir plus sur Le Monde

 

Concernant le rayonnement du trou noir qui porte son nom, est ce qu'il a déjà été détecté? Pourra-t-il l’être un jour? 

David Elbaz : 

Il n’existe à ce jour aucune preuve observée du rayonnement d’évaporation des trous noirs. Néanmoins plusieurs équipes ont reproduit en laboratoire des phénomènes analogues au processus d’évaporation des trous noirs en créant une frontière spatiale qui se comporte comme le fameux horizon des trous noirs. Dans ces expériences, de l’énergie traverse cette frontière a priori infranchissable comme on pense que cela se produit à la frontière entre l’extérieur et l’intérieur d’un trou noir. Les auteurs de ces études disent valider par ces systèmes analogues la loi d’évaporation de Hawking que ce soit à partir de lasers ou d’ondes se propageant à la surface de l'eau en mouvement rencontrant un obstacle. 

La première étude de ce type a été réalisée dès 2008 par l'équipe française de Germain Rousseaux dont voici la référence:

  • "Observation of negative phase velocity waves in a water tank: A classical analogue to the Hawking effect ? Germain Rousseaux, Christian Mathis, Philippe Maïssa, Thomas Philbin and Ulf Leonhardt, New Journal of Physics, Volume 10, 053015, May 2008.

Voici les références de l’article de 2014 présentant l’expérience à partir de lasers:

Et voir aussi des expériences à la surface d’un fluide:

  •  "Measurement of Stimulated Hawking Emission in an Analogue System", Silke Weinfurtner, Edmund W. Tedford, Matthew C. J. Penrice, William G. Unruh, and Gregory A. Lawrence, Phys. Rev. Lett. 106, 021302 – Published 10 January 2011
  • "Observation of noise correlated by the Hawking effect in a water. Léo-Paul Euvé, Florent Michel, Renaud Parentani, Thomas Philbin and Germain Rousseaux. Physical Review Letters, Volume 117, Issue 12, 121301, September 2016 (expérience la plus récente)"
  • « Low-frequency analogue Hawking radiation: The Korteweg–de Vries model » Antonin Coutant and Silke Weinfurtner, 2018, PHYSICAL REVIEW D 97 025005

https://www.pourlascience.fr/sd/physique/le-rayonnement-de-hawking-des-trous-noirs-simule-en-laboratoire-12419.php

 

Et si non, à quoi sert sa loi pour comprendre les trous noirs? la cosmologie?

David Elbaz :

L’évaporation des trous noirs a porté un coup décisif à l’idée qu’il existerait des micro trous noirs en nombre suffisant pour expliquer la matière noire. Leur explosion serait génératrice de bouffées de rayons gamma qui dépasseraient largement le fond diffus gamma observé.

Par contre, des trous noirs d’une masse supérieure à la giga-tonne mettraient plus de 13.8 milliards d’années à s’évaporer et donc sont toujours possibles et constituent des candidats étudiés pour expliquer la matière noire.

En pratique, les trous noirs de 30 masses solaire du type de ceux découverts avec les ondes gravitationnelles ont été sujets à de nombreux articles proposant d’expliquer la matière noire à partir de tels trous noirs qui se seraient formés une fraction de seconde après le Big Bang, au cours de la phase dite d’inflation de l’Univers.

Cette explication reste cependant marginale auprès de la communauté scientifique car il faudrait alors identifier une cause physique qui favoriserait cette masse et interdirait la formation de plus petits trous noirs. Notons au passage que le CEA a joué un rôle de leader dans l’expérience pour la recherche d’objets sombres (EROS, actualité 2007) qui a démontré qu’il était impossible d’expliquer la matière noire contenue dans la Voie lactée par des objets compacts plus massifs qu’un dix-millionième de la masse du Soleil, mais laissant ouverte la possibilité d'astres compacts de 10 masses solaires ou plus.

NASA | Turning Black Holes into Dark Matter Labs

 

 

voir aussi

 

S. Kerhoas, dépêche du 14/03/2018

 

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