En 1973, la découverte des courants neutres faibles par la collaboration "Gargamelle" a été le premier test décisif de l'unification des interactions électromagnétiques et faibles. Cependant, cette découverte n'a été récompensée qu'en 2009 par le prix de la Société Européenne de Physique. À cette occasion, il est intéressant de retracer l'histoire d'un programme expérimental original et d'une collaboration qui a su répondre à de nombreuses objections pour établir un phénomène considéré généralement comme interdit dans les années 1960. On décrira le paysage scientifique - théorique et expérimental - des années 1960 dans lequel s'insèrent le projet Gargamelle et les programmes de faisceaux de neutrinos et d'antineutrinos en Europe et aux États-Unis. On retracera l'histoire de l'instrument : sa conception sous l'impulsion d'André Lagarrigue, d'André Rousset et de Paul Musset, puis sa construction par le Département Saturne du CEA, son installation au CERN en 1970 et son exposition aux faisceaux de neutrinos et d'antineutrinos l'année suivante. On décrira en détail les analyses qui ont permis d'établir clairement que les événements sans muon observés étaient bien dus pour la plupart à des interactions de neutrinos. On rappellera le contexte des discussions animées avec les expériences concurrentes qui ont finalement confirmé la présence de courants neutres en 1974. On évoquera enfin la suite du programme Gargamelle au PS puis au SPS du CERN, notamment la découverte de la production de particules charmées par des neutrinos ... jusqu'à l'apparition de la fissure dans le corps de chambre qui a mis fin en 1978 à une riche série de résultats.