Une nouvelle vision du ciel gamma
Moins de deux semaines après la célébration du cinquantenaire du lancement de Spoutnik, prélude à la conquête spatiale, l’astrophysique des hautes énergies fête les cinq ans de l’observatoire du rayonnement gamma INTEGRAL. Lancée le 17 octobre 2002, cette mission de l’Agence spatiale européenne (ESA) a livré depuis une moisson de découvertes, offrant une vision totalement nouvelle du ciel gamma. Découvertes de nouvelles populations de sources, nature du fond diffus galactique, étude des objets les plus denses de l’Univers, recherche d’antimatière, nucléosynthèse au coeur des étoiles ou bien encore exploration de l’Univers lointain illustrent la richesse et la diversité des recherches menées. Le parfait fonctionnement des instruments à bord du satellite et la grande qualité des recherches viennent d’ailleurs d’être soulignés par une instance scientifique consultative de l’ESA qui a fortement recommandée la prolongation de la mission INTEGRAL jusqu’à fin 2012. Cinq résultats saillants sont décrits ci-après, d’autres sont rendus publique à Cagliari durant une conférence internationale à l’occasion de cet anniversaire et de nombreux autres ont fait l’objet durant les cinq années écoulées de communications par le Service d’Astrophysique du CEA-Dapnia, très impliqué dans l’exploitation scientifique de la mission. Nul doute que découvertes et surprises continueront d’être au rendez-vous dans les prochaines années.
Radioactivité au cœur de la Voie lactée
Notre environnement est composé de poussières d’étoiles, éléments chimiques formés au cours du temps au cœur des étoiles et lors des explosions de supernovae. En cartographiant la Galaxie à des énergies très précises, signatures de la décroissance radioactive d’un élément, INTEGRAL a mis en évidence la présence de l’Aluminium 26 et du Fer 60. Dans le premier cas, ceci a permis d’en déduire le taux de supernovae gravitationnelles dans la Galaxie, soit deux explosions par siècle, une valeur en bon accord avec d’autres indicateurs. Dans le deuxième, il a pu définitivement confirmer la présence de Fer 60, un isotope éjecté lors de l’explosion d’une supernova. Ces nouveaux résultats sont indispensables pour comprendre non seulement les différentes étapes de fabrication des éléments au cœur des étoiles mais aussi pour expliquer l’enrichissement en éléments lourds de la Galaxie. L’image ci-contre montre la carte de l’Aluminium 26 dans les régions centrales de la Galaxie, modulée par la rotation galactique (crédit MPE). Publications: « SPI observations of the diffuse 60Fe emission in the Galaxy « , Wang et al, 2007 « Radioactive 26Al and massive stars in the Galaxy », Diehl et al, 2006 |
La Terre comme écran pour sonder l’Univers lointain
L’origine du fond diffus cosmologique, ce rayonnement qui baigne l’Univers, est une des grandes questions actuelles de l’astrophysique. Lors d’une manœuvre exceptionnelle du satellite INTEGRAL consistant à se servir de la Terre comme d’un écran naturel, les scientifiques ont mesuré l’intensité du fond diffus simultanément des rayons X aux rayons gamma, une première. Ils l’interprètent comme la superposition de l’émission d’une myriade de galaxies actives lointaines, indécelables individuellement. Ces galaxies abritent en leur cœur un trou noir géant de plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaire qui, en attirant et en chauffant à des températures extrêmes le gaz qui l’entoure produit le rayonnement haute énergie observé par INTEGRAL. Cette délicate observation a également permis d’étudier l’émission à haute énergie de l’atmosphère terrestre due à la réflexion du fond diffus, à l’interaction des particules cosmiques et aux aurores. Ci contre une image obtenue par le spectromètre SPI lors de cette campagne d’observation (janvier, février 2006). La partie sombre est le disque de la Terre qui, lors de cette manœuvre, transite dans le champ de vue de l’instrument (2.5 deg). Crédit : CESR et équipe SPI . Publications: « INTEGRAL observations of the cosmic X-ray background in the 5-100 keV range via occultation by the Earth« , Churazov et al, 2007 |
Bouffée d’énergie dans un couple d’étoiles
Les systèmes binaires X, des couples où une étoile orbite autour d’un objet très compact, constituent la majorité des sources galactiques découvertes par INTEGRAL. Parmi cette catégorie, les couples dont le compagnon est une étoile de type supergéante forment une famille d’objets supposée peu nombreuse, du fait de la courte vie de l’étoile. INTEGRAL, en découvrant dans un tel système une émission extrêmement prompte et décelable seulement pendant quelques heures, vient de montrer que cette classe d’objets était en fait probablement plus commune. Sa détection aurait dans la plupart du temps échappé aux autres observatoires à cause du caractère extrêmement furtif du phénomène. En effet, INTEGRAL avec son grand champ de vue, est parfaitement adapté pour la découverte de phénomènes transitoires. Plusieurs scénarios sont évoqués pour expliquer les observations dont des modifications soudaines du vent de l’étoile supergéante ou des violentes et courtes irrégularités dans le transfert de matière vers l’objet compact. Ci contre une vue d’artiste d’un tel système où la matière de l’étoile supergéante est capturée par l’objet compact (crédit ESA) Publications: « Supergiant Fast X-ray Transients: A new class of high mass X-ray binaries unveiled by INTEGRAL « , Nereguela et al, 2006 |
Trois satellites pour dévoiler la nature d’une source
Identifier un objet est bien souvent un travail d’équipe. Ainsi pas moins de trois satellites ont du joindre leur effort pour percer la nature d’une source découverte par INTEGRAL en 2005 dans la direction du bras de Norma, un bras spiral de la Galaxie. Immédiatement communiquée à la communauté, la première estimation de la position de cette nouvelle source était rapidement raffinée par le télescope de la NASA SWIFT qui confirmait également que l’émission était fortement absorbée à basse énergie, signature de la présence d’un écran opaque autour du système. La source, dénommée IGR J16283-4838 pour ces coordonnées célestes, était ensuite observée une semaine plus tard par le satellite RXTE. L’ensemble des informations délivrées par ces observatoires a finalement permis de lever le voile sur la nature de cet objet, constitué d’une étoile à neutron autour de laquelle gravite une étoile massive enfouie dans un épais cocon de gaz et de poussière. Une vue d’artiste du couple d’étoiles IGR J16283-4838 (crédit NASA-Dana Berry) Publications: » Swift, INTEGRAL, RXTE, and Spitzer reveal IGR J16283-4838 « , Beckmann et al, 2005 |
Echo d’un sursaut
Bien que la mission INTEGRAL n’ait pas été conçue prioritairement pour étudier les explosions cosmiques que sont les sursauts gamma, elle a permis de remarquables et parfois spectaculaires avancées. Tel est par exemple le cas pour le sursaut GRB031203, découvert par INTEGRAL en décembre 2003 et dont la position, rapidement communiquée à la communauté scientifique, a permis à une batterie de télescopes au sol et dans l’espace de l’étudier sous toutes les coutures. En particulier, le satellite XMM-Newton a observé ce sursaut six heures après la diffusion de l’alerte puis l’a suivi pendant plus de dix heures. Les données montrent la spectaculaire expansion d’un anneau centré autour de la position apparente du sursaut. Elle est interprétée comme la réflexion de la lumière X émise par le sursaut sur des bandes de poussière dans la Galaxie. Les sursauts gamma, hormis leur intérêt cosmologique, permettent également de sonder la Voie lactée. Un film montrant l’expansion de l’anneau est disponible ici (crédit ESA, S. Vaughan/University of Leicester) Publications: » The discovery of an evolving dust scattered X-ray halo around GRB 031203 « , Vaughan et al, 2004 |
Voir :
– le communiqué de presse de l’Agence spatiale européenne (en anglais – 17 octobre 2007) |
Pour en savoir plus
– INTEGRAL : Actualités scientifiques parues sur le site du Service d’Astrophysique |
– Le site INTEGRAL du Service d’Astrophysique |
Note :
L’observatoire INTEGRAL (« INTEnational Gamma Ray Astrophysics Laboratory » ou laboratoire international du rayonnement gamma) est une mission de l’Agence spatiale européenne (ESA) dédiée à l’étude des objets célestes dans la gamme des rayons X et gamma. INTEGRAL a été lancé le 17 octobre 2002 par une fusée Proton depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan. Cet observatoire emporte à son bord deux instruments principaux, l’instrument IBIS dédié principalement à l’imagerie fine dans la bande d’énergie comprise entre 20 keV et 10 MeV et le spectrographe SPI, capable de fournir des spectres à très haute résolution des sources célestes visées entre 20 keV et 8 MeV. Le point commun de ces deux instruments est l’utilisation du principe de détection des masques codés. Deux autres instruments, une caméra X et un moniteur optique, complètent la charge utile du satellite. Le Service d’Astrophysique du CEA-Dapnia est très impliqué dans la vérification du bon fonctionnement des instruments IBIS et SPI et du centre de taitement des données ISDC.