Existe-t-il des galaxies sans étoiles ?

Existe-t-il des galaxies sans étoiles ?

Certaines galaxies sombres ne seraient que des débris de collisions (15 novembre 2007)

Certaines des galaxies que l’on croyait jusqu’ici sans étoiles ne sont pas de vraies galaxies mais plutôt des débris de collisions, simples nuages de gaz arrachés lors de collisions à grandes vitesse entre deux galaxies massives. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés Pierre-Alain Duc et Frédéric Bournaud, deux chercheurs du Service d’Astrophysique (SAp) du CEA/DSM/DAPNIA et laboratoire AIM (CNRS, Université Paris Diderot) grâce a des simulations numériques reproduisant la rencontre de deux galaxies. La découverte il y a quelques années d’une galaxie dite « sombre » c’est à dire contenant seulement du gaz et totalement dépourvue d’étoiles, avait soulevé un grand intérêt et beaucoup de questions dans la communauté astronomique car l’existence de tels astres n’est absolument pas prévu par les différents modèles de formation et d’évolution de galaxes. La galaxie VirgoHI21, située dans la constellation de la Chevelure de Bérénice, était jusqu’ici considérée comme l’une des premières galaxies sombres massives. Les résultats des simulations montrent au contraire que VirgoHI21 s’est formée lors d’une rencontre entre deux grandes galaxies spirales, il y a environ 750 millions d’années. Il ne s’agirait donc que d’un banal débris de collision. Ainsi disparait le prototype de galaxie sombre massive. Ces résultats sont en cours de publication dans la revue Astrophysical Journal.

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Une galaxie sans lumière

Son nom le souligne : VirgoHI21 est un objet de l’amas de la Vierge qui n’est pas visible en optique mais qui a été détecté à l’aide d’un radiotélescope qui effectuait un sondage profond d’hydrogène atomique (HI). A première vue, VirgoHI21 apparaît comme un nuage de gaz isolé qui ne contiendrait aucune étoile : même les images profondes fournies par le télescope spatial Hubble n’en révèlent aucune trace. Or la rotation rapide de ce nuage de gaz indique qu’il est mu par une masse invisible de plusieurs centaines de milliards de fois celle du soleil. Il est donc entouré d’un vaste halo de matière noire d’une masse équivalente à celle d’une grosse galaxie comme la Voie Lactée. Il s’agit donc d’une galaxie contenant un peu de gaz, mais sans étoiles : autrement dit, une « galaxie sombre ».

Les modèles théoriques prévoient que des galaxies de toute petite masse puissent ne pas contenir d’étoiles car leur réservoir de gaz est insuffisant. Il pourrait en exister de nombreuses orbitant autour de la Voie Lactée ; plusieurs expériences cherchent actuellement à les dépister. Mais qu’une galaxie presque aussi massive que la Voie Lactée n’ait jamais réussi à former d’étoiles ou les ait intégralement perdues, voilà de quoi rendre perplexes les astrophysiciens. Depuis, une course s’est engagée pour trouver d’autres galaxies fantômes.

A gauche : image visible de la galaxie NGC 4254 (Messier99) sur laquelle a été superposée l’emission en ondes radio du gaz d’hydrogène (en bleu). La galaxie VirIH21 ne contient aucune étoile visible mais seulement du gaz. A droite: le résultat de la simulation 750 milions d’années après le passage proche d’une galaxie massive à très grande vitesse (1100 km/s), reproduisant fidèlement la distribution du gaz et la concentration de gaz de VirIH21. Crédits CEA/SAp

Les chercheurs ont remarqué que la galaxie VirgoHI21 n’était pas isolée mais située très proche d’une grande galaxie spirale, NGC 4254 (Messier 99), très précisément au sein d’un long filament de gaz s’échappant de cette galaxie. Ces longues queues de gaz sont souvent observées lorsque deux galaxies se rencontrent, car des forces dites de marée arrachent une partie des constituants de leurs disques. Ces débris apparaissent alors le plus souvent sous forme de filaments, dénommés « queues de marée », composés à la fois de gaz et d’étoiles.

Grâce a des simulations numériques de plus d’un million de points, les astronomes ont alors cherché à reproduire les collisions qui auraient pu affecter Messier 99. « Jusqu’ici, on ne considérait que des collisions entre les galaxies à relativement faible vitesse qui arrachaient à la fois gaz et étoiles, remarque Pierre-Alain Duc. Nous avons eu l’idée de calculer ce qui se produisait lorque deux galaxies de frôlaient à grande vitesse et à notre grande surprise nous avons constaté que, sous certaines conditions, de la matière purement gazeuse pouvait être éjectée à de grandes distances et se recondenser dans le milieu-intergalactique, prenant l’apparence de nuages isolés en rotation, comme pour les galaxies sombres ». A y regarder de près, on constate effectivement la présence d’un pont ténu de gaz liant VirgoHI21 et la galaxie Messier 99 qui suggére cette interaction de marée.

Manquait toutefois l’autre protagoniste de la collision. En réalisant leur modèle numérique le plus réaliste de la collision, les chercheurs ont vite réalisé que la collision avait eu lieu il y a environ 750 millions d’années et, que, en raison de la vitesse élevée lors de la rencontre, la deuxième galaxie massive compagnon devait déjà se trouver très loin, hors du champ de vue. « Nous avons une forte présomption qu’il pourrait s’agir de la galaxie spirale Messier 98, déjà éloignée de plus d’un million d’années-lumière, confie Frédéric Bournaud, mais d’autres candidats sont également possibles ». VirgoHI21 ne serait donc finalement qu’un banal nuage de gaz en train de s’échapper de sa galaxie parent suite à un télescopage à haute vitesse avec une autre galaxie. Pas de galaxies sans étoiles pour l’instant. De quoi rassurer les théoriciens et contenir l’imagination des observateurs…


Publications :

 » Tidal debris from high-velocity collisions as fake dark galaxies: A numerical model of VirgoHI21  »
P.A. Duc et F. Bournaud; à paraitre dans la revue Astrophysical Journal 2007
pour une version électronique (voir arxiv:0710.3867 et fichier PDF- 372 Ko)

voir aussi

le communiqué de presse CEA (25 octobre 2007)
le communiqué de presse CNRS (25 octobre 2007)

pour en savoir plus

– « Matière fantôme dans galaxies naines« 


Rédaction: P.A. Duc, J.M. Bonnet-Bidaud

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