Cousins proches

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Découverte dans un magnétar d’un champ magnétique similaire à celui des pulsars

Les magnétars forment une classe d’étoiles à neutrons qui se distingue de celle des pulsars par un champ magnétique bien plus puissant, cent ou mille fois supérieur. Ce champ extrême explique selon la théorie actuelle leur soudaine et intense activité. Mais l’observation par une équipe internationale incluant un chercheur du laboratoire AIM/Service d’Astrophysique du CEA-Irfu du magnétar SGR0418+5729 vient de rendre cette classification moins tranchée. En observant pendant plus d’une année sa période de rotation, les scientifiques ont calculé que son champ magnétique de surface était bien plus faible et similaire en intensité à celui des pulsars ordinaires. L’activité type magnétar pourrait être ainsi un épisode dans la vie de certains pulsars et les magnétars potentiellement plus nombreux au sein de la Galaxie. Ces travaux sont publiés dans la revue Science express du 14 octobre 2010.

Tempo régulier

En Juin 2009, l’instrument Gamma-ray Burst Monitor (GBM) à bord du satellite Fermi détecte deux brèves et intenses émissions de photons de haute énergie en provenance d’une région du ciel. Les caractéristiques de cette nouvelle source baptisée SGR0418+5729 la range rapidement parmi les magnétars (intense et brève émission X, période de rotation lente, propriétés spectrales). Néanmoins, un élément intrigue les scientifiques : la période de rotation de l’étoile, 9.1 secondes, ne varie pas. Ce résultat surprend car jusqu’ici les magnétars indiquaient un fort ralentissement de leur rotation, jusqu’à 10 microsecondes par jour. L’équipe de chercheurs poursuit alors l’étude de cette source en utilisant pas moins de quatre satellites à rayons X (les satellites de la NASA Chandra, RXTE et Swift et celui de l’ESA XMM-Newton). Après 500 jours d’observation, le constat reste le même : la période de rotation n’a pas changé de plus d’un quart de microseconde, aucune variation n’est mesurée.

Un magnétar particulier

Cette observation a immédiatement une conséquence importante : elle place une limite supérieure du champ magnétique de surface de l’étoile à neutrons. En effet, il existe dans le modèle canonique des étoiles à neutrons en rotation une relation simple qui relie son champ magnétique à sa période de rotation et son évolution dans le temps (sa dérivée). Pour une période donnée, plus le ralentissement est important, plus le champ magnétique est élevé. La valeur déduite pour SGR0418+5729 est de 7.5×1012 gauss, bien en deçà de la valeur moyenne des magnétars, 1014-15 gauss. C’est le plus faible champ magnétique jamais mesuré pour un magnétar. Sa valeur situe SGR0418+5729 parmi la distribution des champs magnétiques des pulsars dont la valeur moyenne est de 1012-13 gauss. Autre conséquence de cette mesure, l’âge de SGR0418+5729 est évalué à 24 millions d’années bien au delà de l’âge canonique des magnétars détectés jusqu’ici (entre 200 et 200 000 ans).

Répartition de la période de rotation (exprimée en seconde) des pulsars et magnétars en fonction de leur ralentissement (échelle verticale en 10000ème de nanoseconde par seconde). Les points noirs et bleus sont les pulsars ordinaires, les étoiles rouges les magnétars. SGR0418+5729 est l’étoile rouge accompagnée d’une petite flèche verticale (à droite du graphique). Elle occupe parmi les magnétars une position particulière. La ligne bleue définit les objets qui possèdent un champ magnétique de surface de 7.5×1012 gauss, valeur que SGR0418+5729 ne peut excéder.

Rapprochement familial

L’observation de SGR0418+5729 indique qu’une activité de type magnétar peut se produire même si le champ magnétique à la surface de l’étoile à neutrons est relativement faible, voisin de celui des pulsars. Le modèle doit selon les chercheurs tenir compte de cette nouvelle donne. Les scientifiques précisent néanmoins que le champ magnétique interne de l’étoile à neutrons peut être suffisant pour induire les déformations de la croûte et de la surface de l’étoile, ingrédients qui donnent naissance aux épisodes d’activité des magnétars. Les auteurs concluent que SGR0418+5729 est peut être le premier exemple d’une population de magnétars « âgés » qui puisent dans leur champ magnétique interne leur ultime ressource. D’autre part, une fraction des pulsars ordinaires (points bleus situés près de SGR0418+5729 sur le graphique ci-dessus) pourrait se manifester à travers un épisode d’activité type magnétars. Les pulsars recensés aujourd’hui dans la Galaxie étant bien plus nombreux (2000 contre seulement une quinzaine de magnétars) le nombre de magnétars pourrait être potentiellement plus élevé, SGR0418+5729 étant le premier acteur de ce rapprochement entre les deux familles.


Contact : Diego Götz (CEA)

Publications :

« A low-magnetic-field Soft Gamma Repeater »
N. Rea, P. Esposito , R. Turolla, G. L. Israel, S. Zane, L. Stella , S. Mereghetti, A. Tiengo, D. Götz , E. Gogus, C. Kouveliotou
Revue Science express, 14 octobre 2010, version électronique : arXiv:1010.2781 ou télécharger le fichier pdf (350 Ko)

Voir : le communiqué de l’ESA (en anglais)
le communiqué de la NASA (en anglais)

Voir également  : – « Gigantesques aimants dans la Galaxie » , Novembre 2008


Notes :

[1] Le terme magnétar est la contraction du terme anglais « magnetic star ».


Rédaction : Christian Gouiffès