27 octobre 2006
L’aimant miraculé de Compass

Dix ans d’attente : Les physiciens de la collaboration Compass au Cern n'espéraient plus la livraison de leur nouvel aimant supraconducteur.

Arrivé au Dapnia avec un an de retard pour être testé, cet aimant fabriqué par une société privée se révéla de surcroît affecté par deux avaries majeures qui faillirent mettre définitivement terme au projet.

Il a fallu que les équipes du Dapnia déploient des trésors d’astuces et d’énergie pour réparer l’aimant, le tester, l’instrumenter et le livrer en fin de compte dans les temps.
Le nouvel aimant est opérationnel depuis juillet 2006, et grâce à lui les prochains résultats de l’expérience Compass, à laquelle le Dapnia participe largement, seront encore améliorés.

 

L’un des objectifs de l’expérience Compass au Cern est l’étude de l’origine du spin du nucléon. Le nucléon, proton ou neutron, est constitué de quarks ainsi que de gluons, particules qui véhiculent l’interaction entre les quarks. Chacun d’eux possède un spin, grandeur quantique similaire à la rotation propre de la particule. D’après la théorie, on s'attend à ce qu’une fraction importante du spin du nucléon provienne du spin des quarks, or ce n'est pas le cas. Compass a entrepris de nouvelles mesures de la contribution du spin des quarks et des gluons au spin du nucléon.

Pour mener a bien ces mesures, l’expérience Compass utilise un faisceau de muons de 160 GeV qui frappe de plein fouet une cible polarisée par un champ magnétique de 2,5 T. Les particules produites par cette collision sont ensuite analysées par un ensemble de détecteurs.

 
L’aimant miraculé de Compass

Vue éclatée de l'expérience Compass

L’aimant miraculé de Compass

L'aimant (en blanc) installé dans l'expérience Compass.

Depuis 2002, Compass utilisait un aimant supraconducteur fabriqué au début des années 90 par le Dapnia. Cependant la collaboration attendait le remplaçant de cet aimant depuis plusieurs années, la taille du champ produit par ce nouvel aimant devant augmenter le nombre de particules détectables et son homogénéité améliorer considérablement la qualité des données.

Le défi à relever par cet aimant était de présenter les mêmes caractéristiques d’homogénéité de champ que son prédécesseur dans un volume cinq fois plus important.

 

L’historique du nouvel aimant remonte à plusieurs années, et débuta par un contrat conclu entre la collaboration Compass et la société Oxford Instrument. Cette société rencontra d'importantes difficultés dans la fabrication de ce solénoïde. Après différents essais infructueux, la collaboration négocia en 2003 le transfert du projet vers la société Oxford Danfysik. En parallèle, et de façon à consolider la conception de l’aimant, elle nomma un comité composé d’experts du CERN, du KEK, et du Dapnia. Le Dapnia prit en charge la caractérisation du fonctionnement du nouvel aimant. Ce changement d’organisation était l’ultime tentative pour que la collaboration obtienne l’instrument qui lui permettrait de poursuivre ses recherches.
Dans la même période au Dapnia,  les experts du service des accélérateurs et du cryomagnétisme (SACM) et du service d’ingénierie des systèmes (SIS) proposèrent la réalisation d’un ensemble qui permettrait d’assurer la sécurité de l’aimant, de contrôler les opérations de changement de polarité et qui assurerait le fonctionnement de la cryogénie externe.

 
L’aimant miraculé de Compass

Installation de l'aimant dans le hall de test du SACM

L’aimant miraculé de Compass

Recherche de fuite sur l'enceinte d'hélium liquide

Mais l’aimant qui arriva dans le hall de test du SACM en 2005 se révéla affecté de deux avaries qui le rendaient inutilisable par l’expérience Compass.

La première était une simple soudure qui n’avait pas tenu sur l’enceinte d’hélium liquide. Cependant intervenir sur une soudure destinée à travailler à une température proche du zéro absolu n’est pas chose facile, surtout lorsque l’on n’est pas le concepteur de l’aimant. C'est pourtant ce que les techniciens du  Dapnia ont réussi.

 

La seconde avarie provenait d’un court-circuit sur une des bobines de l’aimant, ce qui perturbait son fonctionnement. Comme il était hors de question de la réparer, il fallait trouver un moyen de vivre avec. Pour sortir de cette impasse, l’artifice utilisé consista à activer un mécanisme de sécurité, prévu sur chacune de ces bobines, et destiné à les réchauffer. Tandis que l’hélium liquide refroidit les autres bobines pour les rendre supraconductrices, le système de sécurité maintient la bobine défectueuse résistive, l’empêchant de fonctionner et ainsi de perturber le fonctionnement de l’aimant.

Un autre écueil apparut quand il fallut concevoir les différents composants de l’instrumentation. L’absence de documentation technique, susceptible de servir de point de départ pour l’étude, obligea les experts du SIS à travailler dans un flou permanent. Ce qu’ils firent avec ténacité et professionnalisme.

 
L’aimant miraculé de Compass

Armoire électronique d'instrumentation de l'aimant.

L’aimant miraculé de Compass

Une partie de l'équipe du DAPNIA à la fin des tests de l'aimant à Saclay en Octobre 2005.

C’est sans aucun doute l’expertise du Dapnia dans les aimants supraconducteurs, en technologie du cryomagnétisme  comme en technologie d’asservissement et de contrôle, qui a permis de relever les défis posés par cet aimant. Mais cette expertise est aussi le résultat d’un réel travail d’équipe au Dapnia, à l’œuvre dans ce projet comme dans bien d’autres.

 
#959 - Màj : 16/03/2010

 

Retour en haut