Formation des proto-amas d’étoiles

Formation des proto-amas d’étoiles

Le rôle majeur de la phase gazeuse souligné grâce à des simulation numériques et une approche analytique

Le nuage moléculaire du milieu interstellaire constitue le lieu au sein duquel se forment, de manière non uniforme les proto-amas d’étoiles, régions qui donnent ensuite naissance aux étoiles. Etudier les étapes conduisant à l’effondrement des cœurs denses pré-stellaires est essentiel pour comprendre la formation des étoiles. A l’aide à la fois de simulations numériques réalisées sur des calculateurs massivement parallèles et d’une approche analytique, deux chercheurs du Service d’Astrophysique/Laboratoire AIM du CEA-Irfu, Y.-N. Lee et P. Hennebelle, ont montré que certaines propriétés d’un amas d’étoiles sont déterminées avant le début de la formation stellaire, notamment dans la phase gazeuse et que les effets de gravité et de turbulence jouent un rôle majeur. Ces travaux, publiés sous la forme de deux articles dans la revue Astronomy & Astrophysics, permettent de mieux comprendre les paramètres liés à la formation des étoiles comme la fonction de masse initiale ou leur taux et efficacité de formation.

Phase préliminaire : le proto-amas gazeux

Les nombreuses simulations numériques destinées à comprendre la formation des amas d’étoiles ont jusqu’à présent été effectué soit sur un nuage moléculaire complet mais avec une faible résolution spatiale, soit sur une plus petite partie du nuage. La limitation des moyens de calcul empêchait en effet de résoudre à la fois la dynamique aux petites échelles tout en préservant le mouvement global aux grandes échelles, un effet qui laisse néanmoins des empreintes sur les étoiles. Une série de simulations numériques nouvelles, à haute résolution et avec raffinement de maillage adaptatif, ont permis aux deux chercheurs de montrer qu’un nuage initialement proche de l’équilibre s’effondre sous l’action de l’auto-gravité et forme en son centre un amas d’étoiles. Elle indique néanmoins qu’une structure gazeuse de forte densité apparaît avant la formation de l’amas et reste présente durant l’évolution de ce dernier. Cette phase de proto-amas gazeux correspond à des structures denses dans le milieu interstellaire, régions d’une intense activité de formation d’étoiles mesurée par des méthodes indirectes puisque les étoiles jeunes sont cachées par le gaz. C’est dans des phases plus avancées, quand le gaz résiduel est dispersé par l’énergie émise par les étoiles (après 3 à 4 millions d’années), que l’on peut observer directement l’amas. Les proto-amas gazeux ont une taille typique de l’ordre d’un parsec (3×1016 mètres). L’observation des proto-amas gazeux indique que leur masse est proportionnelle au carré de leur rayon pour des masses variant de cent à dix milles masses solaires, une propriété importante et ce d’autant plus que ces proto-amas sont le lieu privilégié de la formation des étoiles.

Image zoomée de simulation numérique d’un amas à 3 instants différents au cours de sa formation (1.2, 1.4 et 2.8 millions d’années). La densité de colonne, correspondant à la quantité de la matière gazeuse le long de la ligne de visée, est représentée en échelle de couleur. Les cercles représentent dans la simulation les étoiles : la taille du cercle est proportionnelle à leur masse et la flèche indique leur vitesse.

Les simulations numériques montrent que le proto-amas est en équilibre du « viriel » dans lequel l’énergie turbulente et rotationnelle du milieu s’opposent à l’auto-gravité. L’amas d’étoiles formé au sein du proto-amas gazeux hérite des propriétés énergétiques de ce dernier.

Apport d’un modèle analytique simplifié

En simplifiant les mécanismes physiques, un modèle analytique a permis aux chercheurs de décrire des éléments importants des mécanismes physiques en jeu. L’effondrement global du nuage moléculaire crée un objet au centre dont la masse est alimentée par l’écoulement et les mouvements turbulents sont constamment entretenus. La rotation est très amplifiée par la conservation du moment cinétique pendant l’effondrement. Cela donne naissance à un objet complexe turbulent, en rotation, autogravitant et soumis à des phénomènes d’accrétion. Le modèle analytique simplifié développé par les chercheurs rend néanmoins compte de mécanismes essentiels et reproduit avec succès la relation masse-rayon observée. En injectant les paramètres du proto-amas d’étoile ainsi obtenus dans les modèles de formation d’étoiles, ces travaux permettent de souligner l’universalité de la fonction de masse initiale observée.

Modèle analytique des proto-amas d’étoiles en équilibre dynamique qui prédit à la fois la relation masse- rayon et la forme des proto-amas. Les points gris représentent les observations. Les modèles rouges, verts et bleus correspondent à trois niveaux de turbulence initiale (décrit par le paramètre α). On note le bon accord entre modèle analytique et observations (correspondant aux points), la relation masse-rayon et la dispersion sont reproduites avec succès.

La prochaine étape de cette étude consiste à intégrer dans les simulations numériques les rétroactions des étoiles, effets qui modifient leur propre environnement en injectant énergie et quantité de mouvement. Des mécanismes variés, comme le vent stellaire, le rayonnement d’accrétion, le rayonnement ionisant, et les explosions de supernova, permettront de suivre l’évolution de l’amas d’une façon plus réaliste.


Contact : Yueh-Ning Lee, Patrick Hennebelle

Publication :

« Formation of a protocluster: A virialized structure from gravoturbulent collapse
I. Simulation of cluster formation in a collapsing molecular cloud
»
Yueh-Ning Lee and Patrick Hennebelle publié dans la revue Astronomy and Astrophysics 591, A30 (2016)
DOI: https://doi.org/10.1051/0004-6361/201527981
Version électronique : http://arxiv.org/abs/1603.07942

« Formation of a protocluster: A virialized structure from gravoturbulent collapse
II. A two-dimensional analytical model for a rotating and accreting system »
Yueh-Ning Lee and Patrick Hennebelle publié dans la revue Astronomy and Astrophysics 591, A31 (2016)
DOI: https://doi.org/10.1051/0004-6361/201527982
Version électronique : http://arxiv.org/abs/1603.07983


Rédaction : Yueh-Ning, Patrick Hennebelle, C. Gouiffès