Les tout premiers instants d’une explosion d’étoile
Une observation sans précédent d’une supernova, explosion d’une étoile massive, a pu être capturée à ses tous débuts par un astronome amateur, au moment exact où la supernova est devenue visible dans le ciel. Ces données précoces et des observations complémentaires obtenues par une batterie de télescopes ont permis à une équipe de chercheurs de plusieurs instituts du CONICET [1], en Argentine, et du Département d'Astrophysique-Laboratoire AIM (CEA-CNRS-Paris Diderot) en France, de tester pour la première fois, les prédictions théoriques sur l'évolution initiale de telles explosions stellaires. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature du 22 février 2018.
Une vague lumineuse explose à la surface
Jusqu’ici purement théoriques, les modèles de supernova indiquaient que l'augmentation spectaculaire de la luminosité d’une supernova était due à l'émergence d’une vague lumineuse, une onde de choc explosive à la surface de l'étoile. Un tel phénomène avait été prédit depuis longtemps et était activement recherché par plusieurs groupes de scientifiques à travers le monde. Mais c’est un astronome amateur, chanceux et très vigilant, qui a réussi à suivre pour la première fois l’évolution des toutes premières phases de ce phénomène.
Le 20 septembre 2016, alors que Víctor Buso, originaire de Rosario en Argentine, testait un nouveau télescope, de seulement 40 centimètres de diamètre, il remarqua qu'un nouvel objet très peu lumineux était apparu au sud du centre de la galaxie spirale NGC 613, située dans la constellation du Sculpteur, à environ 65 millions d’années-lumière de la Terre. Sous ses yeux, une supernova explosait. En moins d’une demi-heure, l’objet avait multiplié sa luminosité par 3. S’il s’agissait d’une première découverte de supernova pour cet homme, c'était aussi une découverte unique parmi les milliers de tels événements détectés chaque année par les grands télescopes.
Des données précoces capitales pour les modèles
Annoncée puis surnommée SN 2016gkg, cette supernova a rapidement attiré l’attention d’une équipe de chercheurs du CONICET en Argentine. « Nous avons d'abord pensé que c'était simplement une belle découverte faite par un amateur argentin« , explique le Dr Melina Bersten de l'Instituto de Astrofísica de La Plata (IALP-CONICET), qui a réalisé les simulations sur ordinateur. « Mais, après avoir examiné ce qu'il avait vu, nous avons réalisé que c'était absolument inédit ».
L'équipe de recherche a soigneusement analysé les images et comparé l’augmentation de luminosité avec les prédictions de leurs simulations informatiques. « À notre grande surprise, les images étaient de grande qualité et les conditions du ciel étaient idéales pour réaliser une telle découverte» note le Dr Gastón Folatelli de l'IALP, qui a dirigé l'analyse des données et qui ajoute « nous avons pu calculer que les premières observations étaient obtenues seulement 1 à 3 heures après l’explosion, une donnée capitale pour les modèles ».
Selon les modèles envisagés précédemment par les astrophysiciens, l'augmentation brutale et initiale de la lumière de supernova peut s'expliquer par l'émergence du choc à la surface de l’étoile. Après analyse de la supernova SN 2016gkg, cette hypothèse semble tout à fait corroborée. Les modèles ne nécessitent aucune modification afin de reproduire de manière cohérente l'augmentation initiale et le reste de l'évolution de la supernova. L’évènement 2016gkg se révèle plutôt ordinaire, ce qui implique que la phase qui est observée est sans doute commune à toutes les supernovas, comme le prédisent les modèles.
Selon Federico García de l'Institut Argentino de Radioastronomía (IAR-CONICET) et du laboratoire AIM (Université Paris Diderot, CEA, CNRS) qui a participé à l'analyse et à l'interprétation de ces observations, « Pour la première fois, cette heureuse découverte a permis aux astronomes de tester la validité de leurs modèles dans toute leur étendue sur des données réelles ». L’augmentation initiale et rapide de la luminosité est bien compatible avec le phénomène qui marque la naissance de la supernova. C'est le moment exact où l'onde de souffle de l'explosion émerge de la surface stellaire, après avoir traversé l'intérieur de l'étoile de façon supersonique. A ce moment précis, une énorme quantité de lumière est violemment libérée, dans un flash lumineux. « Ce qui est remarquable, c’est le fait que les modèles théoriques sont ici en mesure d'expliquer les résultats observés par Buso, sans changer aucune hypothèse » confie Federico García, en ajoutant également « Cet événement a prouvé que, même dans la nouvelle ère des grandes levées robotiques, les astronomes amateurs vigilants peuvent fournir des données inestimables à la communauté scientifique« .
En combinant les différentes circonstances qui ont permis cette découverte, la rareté des supernovas (environ une tous les cents ans dans une galaxie), la brièveté de l’augmentation lumineuse (environ une heure), la clarté du ciel nécessaire et l’emplacement à l’extérieur de la galaxie, la découverte de l’amateur Victor Buso avait une probabilité de se produire d’environ un sur cent millions !
Contact : Federico García
Publication :
« A surge of light at the birth of a supernova«
M.C. Bersten et al. published in Nature on February 22th, 2018
http://dx.doi.org/10.1038/nature25151
Voir aussi : – le communiqué commun Paris-Diderot-CEA-CNRS (22 février 2018)
Voir également : Plus de 10 tours par seconde dès la naissance (23 juin 2016)
Explosion asymétrique des supernovae (01 décembre 2006)
[1] CONICET est l’agence nationale scientifique d’Argentine (Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas / Conseil National de Recherches Scientifiques et Techniques)
Rédaction : Federico García, J.M. Bonnet-Bidaud