Prédire la masse des étoiles

Prédire la masse des étoiles

La distribution des différentes masses d'étoiles formées à partir d'un nuage de gaz vient d'être reproduite avec succès par deux chercheurs du Département d'Astrophysique/Laboratoire AIM du CEA-Irfu. L'effondrement d'un nuage de gaz de 1000 masses solaires a pu être reconstitué grâce à des simulations numériques faisant varier la densité et l'influence de la turbulence. Les résultats de ces simulations montrent l'émergence d'une masse caractéristique qui correspond bien à celle observée et ceci de façon largement indépendante des conditions initiales et directement liée au comportement du gaz. Cela conduit à une très bonne reproduction des différentes masses d'étoiles observées. Jusqu'ici la distribution de masse des étoiles restait largement inexpliquée. Ces résultats sont publiés dans deux articles de la revue Astronomy & Astrophysics.

La distribution de masse des étoiles

Les étoiles jouent un rôle fondamental dans notre Univers. D’une part elles hébergent les planètes. D’autre part elles sont responsables de la fabrication de l'ensemble des éléments chimiques plus lourd que l'hélium, tels que l’oxygène et le carbone. Enfin par leur flux lumineux, mais également par la matière qu'elles éjectent sous forme de vents stellaires et lors des explosions de leur fin de vie, les supernovae, elles renouvellent profondément la composition des galaxies et gouvernent ainsi leur évolution.

La distribution de la masse des différentes étoiles est ainsi une quantité fondamentale pour comprendre l’histoire de l’Univers. Cette distribution est bien connue grâce aux observations. Elle montre par exemple que la masse la plus fréquente des étoiles est autour de 0.3 masse solaire, et décroit assez rapidement en deça (vers les masses plus faibles) et au-delà (vers les masses plus grandes). De façon assez mystérieuse, cette distribution semble peu changer d’un endroit a l’autre de la Galaxie et même d’une galaxie à l’autre alors que les conditions physiques comme la densité peuvent varier énormément. Comprendre l’origine de cette distribution avec une masse caractéristique de 0,3Mo est donc un enjeu crucial.

Carte de la densité d’un nuage en effondrement. La valeur croissante de la densité est codée en couleur selon l’échelle à droite. Les points rouges marquent les étoiles de masse différentes formées au cours du calcul. Crédit CEA-DAp.

La puissance des simulations

Les chercheurs du Département d'Astrophysique/Laboratoire AIM ont réalisé une série de simulations numériques d’un nuage moléculaire de mille masses solaires en effondrement où ils ont fait varier de manière systématique la densité et la turbulence initiale du nuage de plusieurs ordres de grandeur ainsi que l’équation d’état du gaz. Cette dernière est l'equation qui régit le comportement du gaz, résultat des processus de transfert de rayonnement qui ont lieu dans le nuage en effondrement. Elle contrôlent le refroidissement du gaz, notamment sa capacité à évacuer l’excès d’énergie gravitationnelle.

Les résultats ont montré que, lors de l'effondrement, un premier cœur dit «de Larson » se formait qui représente en quelque sorte la masse minimale dont il faut disposer pour former une étoile. La masse de ce cœur était d’environ deux à trois centièmes de masse solaire, et suffisait pour former des étoiles dont la masse finale est environ dix fois cette valeur.

Pour comprendre l’origine de ce facteur, les chercheurs ont entrepris une analyse détaillée. Cette analyse a révélé que les forces de marée jouent un rôle stabilisateur important et permettent au cœur hydrostatique de grossir d’environ un facteur dix. Sans l’influence de ces dernières, les fluctuations de densité générées par la turbulence lors de l’effondrement conduiraient à un grand nombre de fragments et la masse caractéristique serait sans doute plus faible. Ce mécanisme a donc l’avantage, outre de prédire la bonne valeur de la masse caractéristique des étoiles, de très peu dépendre de l’environnement et donc de conduire à une distribution de masse des étoiles en effet relativement universelle !

Nombre d’étoiles produites dans l’effondrement d’un nuage par domaine de masse selon différentes hypothèses. La distribution de la masse des étoiles est maximum autour d’une masse de 0,1 masse solaire, proche de celle usuellement observée. Crédit CEA-DAp.

Contact : Patrick HENNEBELLE, Yueh-Ning LEE

Publications

« Stellar mass spectrum within massive collapsing clumps I. Influence of the initial conditions« 
Yueh-Ning Lee and Patrick Hennebelle dans la revue Astronomy & Astrophysics, Volume 611, A88
pour une version électronique :
arxiv.org/pdf/1711.00316
« Stellar mass spectrum within massive collapsing clumps II. Thermodynamics and tidal forces of the first Larson core »
Yueh-Ning Lee and Patrick Hennebelle, dans la revue Astronomy & Astrophysics, Volume 611, A89
pour une version électronique :
arxiv.org/pdf/1711.00319

Voir aussi : Le champ magnétique prépondérant pour la formation des étoiles (03 avril 2018)
Formation des proto-amas d’étoiles (20 mars 2017)


Rédaction : P. Hennebelle, J.M. Bonnet-Bidaud