Une équipe internationale conduite par plusieurs chercheurs du LFEMI/DAp/CEA vient de publier une étude éclairant les mécanismes de formation des grains interstellaires dans les galaxies. C'est l'un des résultats phares de la collaboration européenne DustPedia, regroupant une trentaine de personnes dans six laboratoires : le DAp du CEA-Saclay, l'IAS à Orsay, l'Université de Gand, l'Université de Cardiff, l'Observatoire de Florence et l'Observatoire d'Athènes.
Les grains interstellaires sont de petites particules solides de tailles inférieures au micron, mélangées au gaz remplissant l'espace entre les étoiles d'une galaxie. Bien que ne représentant qu'environ 1% de la masse du gaz, ces grains ont un rôle fondamental dans la physique du milieu interstellaire. Dans une galaxie comme la Voie Lactée, ils absorbent ~30% du rayonnement stellaire et le réémettent dans l'infrarouge. Cette fraction peut atteindre 99% dans les galaxies à flambée de formation d'étoiles. Outre ce rôle énergétique, les grains sont également responsables du chauffage du gaz neutre par effet photoélectrique. D'un point de vue chimique, ils servent de catalyseur à la formation de plusieurs molécules, dont la plus abondante de l'Univers, le dihydrogène. Finalement, les grains sont un ingrédient crucial du processus de formation d'étoiles. Ils permettent d'évacuer radiativement l'énergie gravitationnelle des nuages en effondrement, et protègent les molécules qui s'y sont formées. Comprendre la physique des grains est donc essentiel pour comprendre aussi bien l'évolution des galaxies que l'origine de la complexité moléculaire à l'origine de la vie. Le problème est que les propriétés de ces grains, comme leur composition chimique et leur distribution de taille, sont encore mal connues.
L'article qui vient de paraître dans la livraison de mai 2021 de la revue Astronomy & Astrophysics a porté sur huit cents galaxies de l'échantillon DustPedia (voir image ci-contre). La modélisation de ces galaxies a permis de comprendre comment varie leur masse de poussière en fonction de leur métallicité, un paramètre quantifiant la fraction d'éléments plus lourds que l'hélium dans leur milieu interstellaire. La métallicité quantifie donc l'âge chimique des galaxies. Cette donnée empirique, reliant le contenu en poussière des galaxies à leur état d'évolution chimique a permis de contraindre les échelles de temps des principaux processus responsables de l'évolution des grains : (i) leur formation dans les ejecta de supernovae ; (ii) leur croissance dans le milieu interstellaire ; (iii) leur destruction par les ondes de choc.
Les résultats obtenus montrent que les grains sont principalement formés dans le milieu interstellaire (voir figure ci-contre). Seules les galaxies de très faible métallicité voient leur contenu en poussière formé essentiellement par les supernovae. Ces résultats sont particulièrement éclairants, car plusieurs études statistiques récentes concluaient, de manière ambiguë, que la formation par les supernovae devait dominer dans tous les systèmes, bien que ce processus ne permette pas d'expliquer les variations spatiales du contenu en poussière de la Voie Lactée. Cette estimation précise des échelles de temps caractéristiques d'évolution des grains peut d'ores et déjà être incorporée aux simulations d'évolution des galaxies. Cela est d'autant plus important que lorsque l'on remonte vers l'origine de l'Univers, c'est à dire à haut redshift, la métallicité des galaxies décroît en moyenne. Par exemple, connaître l'évolution du contenu en poussière d'une galaxie en fonction du temps est nécessaire si l'on veut synthétiser diverses observables à partir de simulations. Ces observables peuvent être des images de galaxies ou des prédictions de flux de raies.
Contacts : Frederic GALLIANO, Maud GALAMETZ, Suzanne MADDEN