Avec le Webb et son instrument MIRI, on entre dans une nouvelle ère d’exploration des atmosphères d’exoplanètes !

Avec le Webb et son instrument MIRI, on entre dans une nouvelle ère d’exploration des atmosphères d’exoplanètes !

Une équipe internationale, dirigée par un astrophysicien du CEA , a observé le passage de l’exoplanète Wasp-107b devant son étoile, dans l’objectif de caractériser son atmosphère.

Une équipe internationale de scientifiques, dirigée par le Département d’Astrophysique du CEA, a observé pour la première fois en infrarouge moyen l’atmosphère enflée de l’exoplanète WASP-107b grâce au télescope spatial James Webb.

Si de la vapeur d’eau a bien été détectée, celle-ci est accompagnée de dioxyde de soufre (SO2) et de nuages de silicates (que l’on peut voir comme des nuages de sable) et non de méthane (CH4) comme les modèles le prédisaient. La détection de dioxyde de soufre peut s’expliquer par des réactions photochimiques en très haute atmosphère due à la forte irradiation par les photons de l’étoile. Et pour cause, la planète est extrêmement proche de son étoile, elle orbite en seulement cinq jours autour d’elle. L’absence de méthane est à ce jour inexpliquée et va nécessiter de repenser les modèles et donc les mécanismes physiques et chimiques à l’œuvre dans cette atmosphère. La détection de nuages de silicates dans une planète de faible masse comme une Neptune est une première !

Ces découvertes montrent donc que si l’environnement de la planète compte, en particulier l’irradiation de son étoile, la prise en compte de la dynamique de l’atmosphère va devenir de plus en plus indispensable pour comprendre les atmosphères exoplanétaires.

Les résultats de l’étude sont publiés dans la revue Nature: Dyrek, A., Min, M., Decin, L. et al. « SO2, silicate clouds, but no CH4 detected in a warm Neptune » (2023).

Composition atmosphérique de WASP-107b obtenu grâce au spectromètre de basse résolution LRS de MIRI. Les données sont complétées par des données Hubble, prises les 5 et 6 juin 2017, entre 1,1 et 1,7 micron. Les bandes spectrales colorées en bas de l’image représentent les bandes caractéristiques des molécules détectées : En rouge, il s’agit de l’eau à l’état vapeur (H20), en bleu du sulfure de dioxyde (S02) et en jaune, le continuum du silicate (Si02). Le meilleur modèle atmosphérique représentatif des observations faites avec MIRI (points blancs) est dessiné en ligne orange. Crédits : Michiel Min / European MIRI EXO GTO team / ESA / NASA

Les scientifiques dénombrent à ce jour plus de 5000 exoplanètes, extrêmement diversifiées et souvent très différentes de celles de notre Système solaire. De nouveaux mondes apparaissent à portée des télescopes. En étudiant leurs atmosphères, ils cherchent à répondre aux grandes questions qui animent la communauté :

  • Quels sont les processus physiques et chimiques qui régissent la composition des atmosphères ?
  • Quel est l’impact de l’interaction étoile-planète sur l’évolution des atmosphères ? Sur leur habitabilité ?

JWST à la quête des atmosphères d’exoplanètes

L’étude des systèmes se fait par observation de la fine couche atmosphérique autour de l’exoplanète lorsque celle-ci passe entre son étoile et l’axe de visée du télescope, ce que nous appelons un transit. Le signal correspondant à cette atmosphère est très faible, compris entre 0.1 et 1% de la luminosité́ de l’étoile hôte (L ⋆), ce qui rend les détections moléculaires très difficiles. De fait, la seule molécule détectée par le Hubble Space Telescope (HST – NASA) était l’eau sous forme gazeuse. Pour aller plus loin, il fallait un observatoire avec la sensibilité, la résolution spectrale et la couverture en longueur d’onde nécessaires pour détecter d’autres précieuses molécules. Le James Webb Space Telescope (JWST – NASA/ESA/CSA), plus grand observatoire spatial jamais construit, lancé il y a deux ans a déjà réalisées des premières en détectant des molécules comme le CO2, NH3, et SO2.

WASP-107b une exoplanète singulière

WASP-107b est une exoplanète gazeuse, unique en son genre, une super-Neptune très particulière car elle a la masse de Neptune mais le rayon de Jupiter. Son atmosphère est donc très enflée. Elle orbite en 5 jours autour de son étoile et subit des conditions d’irradiation extrêmes par rapport aux planètes de notre Système solaire. Le caractère enflé de cette exoplanète permet aux astronomes d’explorer son atmosphère plus profondément que pour une géante du système solaire comme Jupiter.

C’est un laboratoire idéal pour aller sonder les éléments chimiques qui composent les couches de son atmosphère.

https://youtube.com/watch?v=0qjsswsc8xm

Animation de WASP-107b transitant devant son étoile hôte

Crédits: Illustration: LUCA School of Arts, Belgium/ Klaas Verpoest (visuals), Johan Van Looveren (typography). Science: Achrène Dyrek (CEA and Université Paris Cité, France), Michiel Min (SRON, the Netherlands), Leen Decin (KU Leuven, Belgium) / European MIRI EXO GTO team / ESA / NASA

Les scientifiques ont observé pendant 8 heures le passage de l’exoplanète WASP-107b devant son étoile (entre 2 et 3h de transit primaire) dans l’objectif de déterminer la composition chimique de son atmosphère en utilisant le spectromètre basse résolution (LRS) de MIRI.

Interprétation des données

Les scientifiques suivent le passage d’une planète devant son étoile et ils décomposent la lumière du transit par spectroscopie ce qui leur permet d’obtenir plusieurs courbes de lumière (courbe de transit) à différentes longueurs d’onde.

La profondeur du transit, elle, va varier en fonction de la composition chimique de l’atmosphère et de l’absorption des molécules qui y sont présentes, et donc de la longueur d’onde. Chaque molécule absorbe à une longueur donnée ce qui lui donne une carte d’identité unique. Lorsque l’on sonde l’atmosphère à la longueur d’onde adéquate, la molécule va bloquer ou non le rayonnement de l’étoile. Si le rayonnement est bloqué, la lumière de l’étoile ne pourra pas nous parvenir et la planète nous paraitra plus grande (i.e. le transit sera plus profond) et réciproquement.

Profondeur de transit mesurée pour WASP-107b avec les longueurs d’onde de MIRI  de 4.61 à 11.83 micron (crédit Dyrek, A., Min, M., Decin, L. et al. )

Pour interpréter les courbes obtenues, Il faut des modèles théoriques de formation planétaire. Pour chaque modèle, les chercheurs calculent le spectre électromagnétique qu’il devrait produire en testant différents éléments chimiques puis comparent ensuite aux observations.

Les résultats des données (point blancs) et le meilleur ajustement de modèle théorique (courbe orange), le tout sperposé avec l’image d’artiste de la super-Neptune WASP-107b. Credits illustration: @Michiel Min / European MIRI EXO GTO team / ESA / NASA; @Klaas Verpoest (LUCA School of Arts, Belgium)

Résultats

Les modèles théoriques prévoyaient pour cette exoplanète plutôt « froide » (700K) de détecter du soufre sous forme de H2S (sulfure d’hydrogène), du méthane et de la vapeur d’eau. Les scientifiques ont découvert la présence de dioxyde de soufre (SO2), de nuages de silicates (ou de sable), de l’eau sous forme vapeur et pas de Méthane !

La capacité observationnelle d’affirmer qu’il n’y a pas de méthane est très contraignantes pour les modèles et de nouveaux scénarios vont devoir être mis en place.

De la même façon, la détection de dioxyde de soufre (SO2) et pas de sulfure d’hydrogène (H2S) prouve qu’il y a eu des réactions de photodissociation de l’eau gazeuse en haute atmosphère et la recombinaison de l’hydrogène avec le H2S pour donner du SO2 , qui nécessitent des réactions chimiques initiées par la lumière stellaire énergétique.

L’environnement de l’étoile compte avec son irradiation, mais aussi la dynamique des mouvements dans l’atmosphère et ces processus vont devoir être incorporés dans les modèles pour cette exoplanète. Une atmosphère c’est dynamique !

crédit image: thèse de doctorat Achrène DyreK (septembre 2023)

La suite…

Pour poursuivre l’interprétation des données de ces transits de WASP-107b et contraindre encore plus les modèles, les scientifiques vont rassembler des données supplémentaires avec les autres observations déjà existantes (mais pas encore publiées) des autres instruments du JWST opérant aux longueurs d’onde 0,6 à 5 microns pour savoir s’il y a les molécules détectées par MIRI (4,61 et 11,83 microns) le sont aussi à plus basse longueurs d’onde. A suivre très vite car le second article ne va pas tarder….

Contacts DAp: Achrène DYREK, Pierre-Olivier LAGAGE