Barbara Perri, astrophysicienne au Département d’Astrophysique de l’Irfu et experte en météorologie de l’espace, est lauréat d’un contrat ANR ASTRID (Accompagnement Spécifique des Travaux de Recherches et d’Innovation Défense) pour le projet WindTRUST dont l’objectif est de prédire l’activité solaire afin de s’en protéger.
Le projet WindTRUST repose sur l’amélioration des simulations numériques du milieu entre le Soleil et la Terre, en particulier le lien encore mal compris entre l’atmosphère magnétique du Soleil et son vent rapide de particules énergétiques.
Qu’est-ce que la météorologie de l’espace ?
Le Soleil expulse continuellement des particules chargées (protons et électrons) dans l’espace au travers du vent solaire, mais également à la suite d’éruptions solaires et d’éjections de masse coronales (CMEs pour Coronal Mass Ejections en anglais) provoquée par les instabilités du champ magnétique de notre étoile. Ces particules se propagent dans le système solaire à des vitesses de quelques centaines à plusieurs milliers de kilomètres par seconde. Elles arrivent donc sur Terre en plusieurs jours, voire quelques minutes, et déclenche des orages magnétiques lorsqu’elles rentrent en contact avec le bouclier magnétique terrestre. En fonction du cycle magnétique solaire, cela peut juste provoquer de jolies aurores boréales, ou alors des événements plus intenses, qui peuvent avoir des conséquences dévastatrices dans notre vie quotidienne gourmande en technologique (cf. Figure 1).
La météorologie de l’espace désigne ainsi la capacité à non seulement comprendre comment les événements les plus violents du Soleil peuvent affecter la Terre, mais également à être en capacité de les anticiper pour pouvoir s’en protéger. La météorologie de l’espace devient un enjeu de plus en plus critique au sein de nos sociétés technologiques croissantes, que ce soit pour les applications militaires ou pour la société civile, avec des effets s’appliquant aux satellites, aux communications et aux installations électriques (cf. Figure 2).
Les conséquences des orages magnétiques
Dans l’espace, les satellites sont menacés par des taux de radiation élevés qui viennent endommager leur électronique, ainsi que par les variations de l’atmosphère terrestre qui peut causer des pertes d’altitude allant jusqu’à la destruction du satellite. Récemment par exemple, à la suite d’un orage magnétique mineur, près de 40 satellites StarLink ont été perdus en Février 2022. Les modifications des propriétés de l’atmosphère terrestre, en particulier de l’ionosphère qui est la couche la plus sensible aux perturbations électromagnétiques, peuvent engendrer des pertes de communication dans le domaine radio, des erreurs dans les signaux GPS ainsi que des radiations dangereuses pour le personnel navigant aéronautique. Enfin, les courants électriques dans l’ionosphère peuvent générer des courants induits au sol provoquant des surcharges dans les infrastructures électriques entraînant leur destruction. Des exemples récents d’impact dans la société civile sont la perte totale des réseaux électriques et hydrauliques pendant plus de 9 heures au Québec en 1989 ou la fermeture complète de l’espace aérien suédois en 2015, alors que ces événements n’étaient même pas les plus violents enregistrés.
Il existe ainsi plusieurs catégories d’événements en météorologie de l’espace, classés par niveau de gravité de leur impact. Les événements mineurs sont usuels, avec des effets légers durant seulement quelques heures, mais parfois quotidiens pendant des années. Les événements majeurs se produisent en moyenne une fois tous les dix ans quand le Soleil atteint son maximum d’activité périodique, et peuvent cause d’importants dégâts technologiques avec des effets allant de plusieurs jours à semaines. Enfin, des événements extrêmes ont déjà été enregistrés avec une fréquence d’environ un par siècle, dont le dernier était l’événement de Carrington en 1859. On estime que les conséquences d’un tel événement de nos jours seraient un retour en arrière technologique global de 4 à 10 ans ainsi qu’un coût de plusieurs trillions de dollars (Schrijver 2015).
Le projet WindTRUST
Le projet WindTRUST vise à combler les lacunes de la France dans sa capacité à prédire les événements solaires les plus intenses propices aux événements les plus perturbateurs, ainsi qu’à s’en protéger.
Ce n’est cependant pas évident de déterminer si les éruptions solaires vont atteindre notre planète ou non, car l’espace entre le Soleil et la Terre est loin d’être vide, rempli de vent solaire et de champ magnétique capable de dévier, voire d’amplifier ces phénomènes transitoires. Ainsi, une éruption solaire n’engendre pas nécessairement un danger de radiations. De plus, la surveillance n’offre qu’une capacité de réaction limitée : si les CMEs mettent plusieurs jours à atteindre la Terre après leur détection, les particules et radiations dangereuses ne mettent que 8 minutes, ce qui est trop court pour des contre-mesures efficaces. La surveillance et les modèles reposant sur les données actualisées, ne permettent donc de faire que du nowcast (description de l’état présent) et non du forecast (anticipation des états futurs). Si on souhaite anticiper, il faut donc se tourner vers les simulations numériques, en reproduisant ces phénomènes réels à l’aide d’ordinateurs hautement performants.
Le projet WindTRUST repose ainsi sur l’amélioration des simulations numériques du milieu entre le Soleil et la Terre, en particulier le lien encore mal compris entre l’atmosphère magnétique du Soleil en forme de spirale (appelée spirale de Parker) et son vent rapide de particules énergétiques (cf. Figure 3). Cette ANR, obtenue par Dr. Barbara Perri, experte en météorologie de l’espace, permettra de financer une thèse et un contrat post-doctoral sous la supervision des chercheurs solaires du Département d’Astrophysique du CEA Paris-Saclay.
Contact : Dr. Barbara Perri ()
Pour aller plus loin : exposition sur la météo de l’espace developée au DAp : http://www.meteo-espace.fr/meteo-espace/fr