Un des 4 instruments du JWST et le seul fonctionnant dans l’infrarouge moyen, MIRI fourni des images spectaculaires et des données redéfinissant notre compréhension du cosmos
La Royal Astronomical Society a annoncé aujourd’hui que leur prestigieux Group Achievement Award a été décerné à l’équipe internationale qui a développé l’instrument Mid InfraRed (MIRI) pour le télescope spatial James Webb (JWST). Ce prix récompense l’impressionnante réussite de l’équipe, qui a su mener à bien un projet international aussi long et complexe, ainsi que permettre des résultats scientifiques impressionnants émergeant de MIRI.
MIRI est le fruit d’une collaboration entre l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique (figure 2). L’équipe qui a conçu et développé l’instrument MIRI du JWST, a été dirigé par Gillian Wright du Royal Observatory of Edimburgh (ROE) et de George Rieke de l’Université d’Arizona. MIRI, seul instrument du télescope spatial à travailler dans l’infrarouge moyen, entre 5 et 28 microns, est formé d’un spectrographe, MRS (MIRI medium-resolution spectrometer), et d’un imageur, MIRIm (figure 1). Sous l’égide du CNES, le département d’astrophysique du CEA-Irfu, fort d’une expertise étendue dans le domaine de l’infrarouge moyen depuis les années 1980, a assuré la maîtrise d’œuvre de MIRIm.
« Quelle belle nouvelle pour l’équipe en ce début d’année ! » commente Pierre-Olivier Lagage, responsable scientifique de la participation française à MIRI et qui s’est investi dans ce projet depuis 1998. « Nous avions le sentiment d’avoir fait de l’excellent travail avec le développement de MIRI et que MIRI permettait d’obtenir des informations cruciales pour l’avancée de nombreuses problématiques astrophysiques. Que ça soit reconnu par la Royal Astronomical Society est une très grande satisfaction.«
Les équipes françaises ont largement contribué à l’instrument MIRI. Elles ont été en charge de la conception, de la réalisation, des tests et de la livraison de l’imageur MIRIm (hors détecteur fourni par la NASA).
Cette contribution a été réalisée sous la maîtrise d’oeuvre du CEA ; quatre départements de l’Irfu ont participé (DEDIP, DIS, DACM et DAp) ainsi que trois laboratoires français : le LESIA (Coronographes), l’IAS (Conception du simulateur de télescope), et le LAM (Réalisation des essais en vibration).
D’autres pays européens ont contribué à MIRIm sous management de UK : la Belgique – Centre Spatial de Liège (réalisation des miroirs), l’Allemagne – Max Planck Institute (fourniture du mécanisme de la roue à filtre), La Suède – University of Sweden et l’Irlande (réalisation des filtres optiques).
Les premières observations sur le ciel avec MIRI (en 2022) ont tout de suite montré l’énorme gain en performances que le JWST apportait (Figure 3).
« Cette première image de MIRI m’a beaucoup ému, témoignait Pierre-Olivier Lagage en avril 2022. « Les images sont d’une qualité excetionnelle. Elles sont bien plus fines que celles produites par le télescope Spitzer, qui avait également photographié le Grand Nuage de Magellan. ».
le programme ExO-MIRI
Une petite partie du temps d’observation est réservée aux astrophysiciens ayant participé au développement instrumental (450 heures pour le consortium européen MIRI). Dans ce cadre, le CEA coordonne le programme ExO-MIRI consacré à l’observation des exoplanètes.
« Ce programme a déjà engrangé de très beaux succès qui montrent le potentiel unique de MIRI » indique Pierre-Olivier Lagage, responsable du programme. « Tous les modes observationnels de MIRI ont été utilisés »:
- le mode imagerie a permis de détecter la très faible lueur émise par la planète rocheuse tempérée Trappist-1 b et de contraindre la présence d’une atmosphère (1ere série d’observation en novembre 2022: article et fait marquant mars 2023, et 2ie série d’observations en juillet 2023, Ducrot, E., Lagage, P.-O. et al. soumis à Nature Astronomy)
- Le mode spectroscopie a permis de détecter pour la première fois du dioxygène de souffre dans l’atmosphère de WASP-107 b (figure 4), une planète géante ‘cotonneuse’ et aussi de déterminer la nature des aérosols présents dans cette atmosphère, des silicates (Dyrek, A. et al., Nature et fait marquant novembre 2023)
- Grâce au mode coronographique, ont pu être observées, par imagerie directe, les 4 planètes géantes autour de l’étoile HR8799 (Boccaletti et al., A&A 2024) (figure 5)
- Le mode spectroscopique moyenne résolution (MRS) a permis de détecter la présence d’ammoniaque dans l’objet sub-stellaire Wise J1828 et de déterminer le rapport entre les deux isotopoloques 15NH3 et 14NH3 , ce qui permet de contraindre la formation de cet objet (Barrado et al. Nature, article et fait marquant novembre 2023)
MIRI est l’un des quatre instruments scientifiques embarqués à bord du JWST et le seul à fonctionner aux longueurs d’onde de l’infrarouge moyen (5-28 microns). Avec ses capacités d’imagerie, de spectroscopie et de coronographie dans l’infrarouge moyen, MIRI élargit considérablement l’éventail des activités scientifiques de l’observatoire. Les images spectaculaires et les données scientifiques fournies par MIRI redéfinissent notre compréhension du cosmos. Elles offrent de nouvelles perspectives sur les atmosphères des planètes au-delà de notre système solaire et fournissent de nouvelles données sur la formation des étoiles et des galaxies. De nombreux faits scientifiques marquants des deux premières années d’exploitation de MIRI peuvent être consultés sur le site très complet du webbtelescope.org/news
Contact DAp: Pierre-Olivier LAGAGE
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MIRIm propose trois modes d’observation :
- « imagerie » pour photographier le ciel,
- « spectrographie » pour décomposer la lumière et y trouver la signature d’éléments et de molécules cosmiques,
- et « coronographie » pour « éteindre » la lumière d’une source très lumineuse, que ce soit une étoile ou un noyau de galaxie, dans le but de mieux observer son voisinage.
C’était un défi d’avoir un concept optique qui permettait d’avoir ces 3 modes avec un seul mécanisme ! Pour assurer ces fonctions, l’équipe du CEA a conçu MIRIm autour d’une roue à filtre, qui permet de choisir entre 15 traitements de la lumière reçue par le télescope spatial James Webb.
Un concept optique original comprend un banc optique à 5 miroirs (aluminium, usinage diamant), une roue à filtres permettant de choisir entre différents traitements de la lumière reçues par le Télescope et une fenêtre d’entrée supportant la fente du spectrographe ainsi qu’un masque (Lyot) et 3 masques à 4 quadrants pour la fonction coronographie dite à Masque de Phase.
La roue à filtre, animée par un mécanisme à rochet conçu en Allemagne, porte 10 filtres à bande passante large pour l’imagerie classique, 4 filtres équipés de Masques pour la coronographie, ainsi qu’un prisme double pour la spectroscopie à basse résolution.
Epopée de MIRIm de 2008 à 2021
Le modèle de vol de l’imageur MIRIm a été assemblé et testé au CEA Paris-Saclay en 2008 et 2009 ; un banc de test qui permet de reproduire les conditions de vide et de froids qu’a rencontré MIRIm une fois dans l’espace a été développé spécialement pour l’occasion.
En 2010, MIRIm a été livré au Rutherford Appleton Laboratory en Angleterre pour être couplé avec l’autre partie de MIRIm, le spectromètre MRS, puis testé dans une chambre à vide suffisamment grande pour l’instrument complet.
En 2012, MIRIm a été envoyé au Goddard Space Center de la NASA, près de Washington, où il a été couplé avec les trois autres instruments du JWST.
Trois séries de tests cryogéniques ont suivi entre 2012 et 2016.
Les 18 hexagones du miroir primaire du télescope ont aussi été assemblés au Goddard Space Center de novembre 2015 à février 2016.
Les instruments ont été montés à l’arrière du miroir primaire du télescope et l’ensemble a été envoyé en 2017 à Houston pour être testé, car la station de test au Goddard Space Center n’était pas assez grande pour accueillir le télescope. L’équipe CEA était sur place pour les tests au moment où l’ouragan Harvey s’est abattu. Plus de peur que de mal; juste quelques nuits au laboratoire sans pouvoir regagner l’hôtel et une voiture complètement noyée!
Une fois les tests finis, MIRIm est parti pour les locaux de la compagnie Northrop Grumman, en Californie, où il est arrivé début 2018. Là, le télescope a été couplé avec le satellite et les grands écrans thermiques (parasol), qui vont empêcher les rayons du Soleil, de la Terre et de la Lune d’atteindre le télescope. Celui-ci pourra alors atteindre passivement une température d’environ 45K (-228℃), nécessaire pour ne pas gêner les observations dans l’infrarouge.
Enfin, fin septembre 2021, Webb a quitté la Californie pour Kourou où il est arrivé après un voyage en bateau de 16 jours qui l’a amené à passer par le canal de Panama (bloqué quelques mois plus tôt!).