MIRI confirme la présence de dioxyde de soufre dans l’atmosphère de WASP-39b

MIRI confirme la présence de dioxyde de soufre dans l’atmosphère de WASP-39b

Le télescope spatial James Webb a réalisé un nouveau portrait de l’atmosphère de l’exoplanète WASP-39b, une « Saturne chaude » située à quelque 700 années-lumière. Après les premières observations en proche infrarouge en 2022, qui ont permis de révéler pour la première fois la présence de dioxyde de soufre (SO2) dans l’atmosphère d’une exoplanète, elle a été de nouveau observée en 2023, mais cette fois en infrarouge lointain, à l’aide du spectromètre MIRI. Cette nouvelle observation a permis à l’équipe de chercheurs internationale, comprenant le Département d’Astrophysique de Saclay, de confirmer la présence de cette molécule dans l’atmosphère de WASP-39b et de contraindre son abondance. Cette étude récente démontre que la photochimie façonne l’atmosphère de WASP-39b sur une large plage de longueurs d’onde.

Cette étude a été publiée dans la préstigieuse revue Nature

WASP-39b, une « Saturne Chaude » à quelques 700 années-lumière.

WASP-39b est une géante gazeuse chaude d’une masse environ équivalente à celle de Saturne (environ un quart de celle de Jupiter) pour un diamètre un tiers supérieur à celui de Jupiter. Ce gonflement extrême la classe dans les Saturnes Chaudes. Cette caractéristique est liée en partie à sa température élevée (environ 900 degrés Celsius) due à sa grande proximité avec son étoile, WASP-39, qui n’est que d’environ un huitième de la distance Soleil-Mercure. Elle en fait le tour en un peu plus de quatre jours terrestres. La découverte de la planète, rapportée en 2011, a été faite sur la base de détections au sol de la subtile diminution périodique de la lumière de son étoile hôte lorsque la planète « transite », c’est-à-dire qu’elle passe devant l’étoile.

Figure 1 – Cette illustration d’artiste montre à quoi pourrait ressembler l’exoplanète WASP-39b, d’après la compréhension actuelle de la planète. WASP-39 b est une géante gazeuse chaude et gonflée avec une masse équivalente à celle de Saturne mais un tiers plus grand que Jupiter. Crédit : NASA, ESA, CSA, Joseph Olmsted (STScI)
Une atmosphère scruter à la loupe depuis longtemps

En plus d’une simple détection d’exoplanète, l’observation par transit peut offrir aux chercheurs des occasions idéales de sonder les atmosphères planétaires. Il faut pour cela de puissants télescopes pour capturer la subtile lumière transmise par l’atmosphère de la planète permettant aux chercheurs d’y retrouver les différents gaz qui la composent.

Avec son atmosphère gonflée et ses transits fréquents, WASP-39b est une cible parfaite pour la spectroscopie de transmission. Des observations antérieures effectuées avec des télescopes au sol ainsi que spatiaux, tels que les télescopes Hubble et Spitzer, avaient associé leurs performances afin d’obtenir le spectre le plus complet de l’atmosphère possible avec la technologie de l’époque. De la vapeur d’eau (H20), du monoxyde de carbone (CO), du sodium (Na) et du potassium (K) ont ainsi pu être révélés (cf. Figure 2).

Figure 2 – Spectre obtenu grâce aux télescopes spatiaux Hubble et Spitzer. La ligne bleue représente le modèle atmosphérique qui ajuste au mieux les données Crédit : NASA, ESA, G. Bacon and A. Feild (STScI), and H. Wakeford (STScI/Univ. of Exeter)
A l’arrivée du JWST, l’étude de WASP-39b entre dans une nouvelle ère

WASP-39b était l’une des premières cibles du JWST. En juillet 2022, le puissant spectrographe NIRSpec scrute la planète dans le proche infrarouge (de 1 à 5 µm) permettant de détecter pour la première fois de manière sans équivoque le dioxyde de carbone (C02) dans l’atmosphère de la planète gazeuse (plus d’information ici). Plus tard, le JWST a déployé ses autres instruments proche infrarouge permettant d’ajouter le dioxyde de soufre (SO2) au palmarès des gaz détectés. Ce composé soufré serait produit dans l’atmosphère grâce à la photochimie, phénomène qui n’avait jusqu’à présent jamais été observé dans une exoplanète. Détecter depuis dans l’atmosphère d’autres exoplanètes (voir ici), la présence de SO2 suggère que la photochimie est un processus clé dans les atmosphères à haute température.

Néanmoins, cette dernière détection a été réalisée à partir d’une seule raie moléculaire du SO2 (à 4,05 μm) de faible amplitude dans le spectre de transmission de WASP-39b. Il était donc important d’étendre la gamme spectrale d’observation afin d’analyser d’autres bandes d’absorption du SO2 et ainsi mieux contraindre l’abondance de SO2.

Figure 3 – Les spectres obtenus par les trois instruments proche infrarouge à bord du JWST, NIRSpec, NIRCam et NIRISS, informent les scientifiques sur la composition chimique de l’atmosphère de la géante gazeuse WASP-39b Crédit : NASA, ESA, CSA, J. Olmsted (STScI).
MIRI confirme la présence du SO2 et fournit une mesure plus précise de son abondance

Le 14 février 2023, WASP-39b est de nouveau observé par le JWST mais cette fois-ci dans le moyen infrarouge, avec le spectromètre basse résolution (LRS) de MIRI, entre 5 à 12 µm. Ces nouvelles données permettent d’analyser deux raies moléculaires caractéristiques supplémentaires de la molécule S02 : à 7,7 et 8,5 μm (Figure 4). En ajustant plusieurs modèles d’atmosphères planétaires, avec des compositions différentes, il est possible de retrouver les absorbeurs présents ainsi que leur abondance.

Cette nouvelle observation a permis aux chercheurs de confirmer de la molécule de dioxyde de souffre dans l’atmosphère de WASP-39b et d’en contraindre l’abondance à 0,5 à 25 ppm (plage de 1σ), en accord avec des résultats antérieurs. Cette nouvelle étude démontre que la photochimie façonne l’atmosphère de WASP-39b sur une large plage de longueurs d’onde.

Contacts DAp: Pierre-Olivier LAGAGE, Achrène DYREK

Figure 4 – Spectre obtenu avec les données du spectromètre basse résolution (LRS) de MIRI. Les croix jaunes représentent les données, et les lignes colorées, aux meilleurs ajustement de divers modèles d’atmosphères planétaires. Les régions ombrées colorées représentent les incertitudes respectives à chaque modèle de 1σ. Les modèles sont unanimes sur la présence du SO2 aux longueurs d’onde caractéristiques à 7,7 et 8,5 μm. Au-delà de 10 µm, il semble avoir une diminution du spectre probablement due à une autre source de bruit du détecteur ou à un artefact qui n’est pas encore bien compris. Crédit : Image tirée de l’article de Powell et al. 2024