Les opérations de dégivrage de la vision d’Euclid commencent

Les opérations de dégivrage de la vision d’Euclid commencent

MISE A JOUR [26/03/2024] : La procédure de dégivrage des optiques a été un succès !

MISE A JOUR [26/03/2024] : La procédure de dégivrage des optiques d’Euclid a donné des résultats bien meilleurs que prévu. Le principal suspect de la vision trouble de l’instrument VIS d’Euclid était le miroir le plus froid derrière l’optique principale du télescope. Après l’avoir réchauffé de 34 degrés seulement, passant de -147°C à -113°C, a été suffisant pour que toute l’eau glacée s’évapore. Presque immédiatement, Euclid a retrouvé la vue avec 15 % de lumière en plus en provenance de l’Univers ! Les scientifiques et les ingénieurs ont ainsi pu déterminer avec précision où la glace s’était formée et où elle était susceptible de se former à nouveau. Pour en savoir plus, lire la page ESA.

Quelques couches de glace d’eau – ayant la largeur d’un brin d’ADN – commencent à affecter la vision d’Euclid ; un problème courant pour les engins spatiaux dans le froid glacial de l’espace, mais un problème potentiel pour cette mission très sensible qui nécessite une précision remarquable pour étudier la nature de l’Univers sombre. Après des mois de recherche, les équipes d’Euclid à travers l’Europe, dont fait partie le CEA-Saclay, ont élaboré une nouvelle procédure conçue pour dégivrer l’optique de la mission, qui consiste à chauffer les miroir de manière indépendante. La campagne s’est déroulée comme prévue et, s’il faut encore attendre pour établir avec certitude son efficacité, les analyses préliminaires sont encourageantes.

Impression d’artiste de la sonde Euclid de l’ESA. Crédit image : ESA/ATG medialab
Du givre sur les miroirs d’Euclid

Au cours des derniers mois, durant les opérations de réglage fin et de calibration des instruments d’Euclid, les scientifiques ont géré différentes anomalies (Lumiere parasite, flashes de rayons X et problèmes de guidage).

Un nouveau défi est apparu : les experts ont remarqué une diminution progressive mais significative de la quantité de lumière mesurée à partir des étoiles observées à plusieurs reprises avec l’instrument visible (VIS). Alors que son équivalent infrarouge n’avait rencontré aucune difficulté.

« Nous avons comparé la lumière des étoiles entrant par l’instrument VIS avec la luminosité enregistrée des mêmes étoiles à des moments antérieurs, observées à la fois par Euclid et la mission Gaia de l’ESA », explique Mischa Schirmer, scientifique en charge de la calibration pour le consortium Euclid et l’un des principaux concepteurs du nouveau plan de dégivrage.

Ce problème est courant pour les engins spatiaux : l’eau présente dans l’atmosphère et absorbée par certains composants lors de l’assemblage sur Terre est libérée progressivement lorsque l’engin spatial est exposé au vide glacial de l’espace. Ces molécules d’eau libérées ont tendance à adhérer à la première surface sur laquelle elles se posent – et lorsqu’elles atterrissent sur l’optique de cette mission très sensible, elles peuvent poser problème.

Pour cette raison, il y a eu une « campagne de dégazage » peu de temps après le lancement où le télescope a été chauffé par des radiateurs embarqués et également partiellement exposé au Soleil, sublimant la plupart des molécules d’eau présentes au lancement sur ou très près des surfaces d’Euclid. Une fraction considérable, cependant, a survécu, en étant absorbée dans l’isolation multi-couches, et est maintenant lentement libérée.

Il y a probablement juste quelques dizaines de nanomètres d’épaisseur d’eau gelée sur les miroirs de l’optique d’Euclid, équivalent à la largeur d’un brin d’ADN, mais suffisant à diminuer les performances de l’instrument. Cela témoigne de la sensibilité extrême de la mission.

L’instrument VIS, recouvert d’un isolant multicouche (MLI) noir, et NISP, recouvert d’un MLI doré, sur le module de charge utile d’Euclid vu dans la salle blanche. Environ 10 kg de MLI enveloppent les deux instruments, cependant, ce matériau est capable d’absorber jusqu’à 1 % de son propre poids en eau. Crédit : Airbus
Une opération risquée depuis 1,5 million de kilomètres de distance

Malgré le caractère courant de ce problème de contamination pour les engins spatiaux opérant dans des conditions froides, il existe étonnamment peu de recherches publiées sur la manière précise dont la glace se forme sur les miroirs optiques et son impact sur les observations. Or, de petites quantités d’eau continueront à être libérées pendant toute la durée de la mission Euclid, mettant en péril les résultats de la mission.

Alors, tandis que les observations et la science d’Euclid se poursuivent, les équipes ont élaboré un plan pour comprendre où se trouve la glace dans le système optique et atténuer son impact maintenant et à l’avenir, si elle continue à s’accumuler.

L’option la plus simple serait de chauffer l’ensemble de l’engin spatial pendant plusieurs jours. Cela nettoierait les optiques mais pourrait entraîner une déformation de la structure mécanique due à la dilatation de certains matériaux, induisant ainsi un désalignement subtil des optiques nécessitant plusieurs semaines de recalibration fine.

« La plupart des autres missions spatiales n’ont pas des exigences aussi strictes en matière de « stabilité thermo-optique » qu’Euclid », explique Andreas Rudolph, directeur de vol d’Euclid au centre de contrôle de mission de l’ESA. « Pour remplir les objectifs scientifiques d’Euclid consistant à réaliser une carte en 3D de l’Univers en observant des milliards de galaxies jusqu’à 10 milliards d’années-lumière, sur plus d’un tiers du ciel, nous devons maintenir la mission incroyablement stable – et cela inclut sa température. Allumer les radiateurs dans le module de charge utile doit donc être fait avec un soin extrême. »

Pour limiter les changements thermiques, l’astuce consiste donc à chauffer partie par partie en fonction des résultats obtenus. L’équipe commencera par chauffer individuellement les parties optiques à faible risque, situées dans des zones où l’eau libérée a peu de chances de contaminer d’autres instruments ou optiques. Ils commenceront avec deux des miroirs d’Euclid qui peuvent être chauffés indépendamment.

« L’un d’entre eux est un bon candidat pour être contaminé : il n’est que dans le chemin optique de VIS et pas de NISP » explique Hervé Aussel du CEA-Saclay, le responsable scientifique du segment sol en charge de l’analyse des données d’Euclid. « Il n’est cependant pas certain que cela soit le seul coupable: en effet, la lumière rouge, et infrarouge est bien moins sensible à la diffusion par glace que la lumière bleue. C’est peut-être cela qui explique que NISP ne voit rien. Or on a de bonnes indications qu’il s’agit de diffusion au vu de certaines de nos mesures. »

Si la perte de lumière persiste, ils continueront à chauffer d’autres groupes de miroirs d’Euclid, vérifiant à chaque fois le pourcentage de photons qu’ils récupèrent.

La campagne s’est déroulée comme prévue et, s’il faut encore attendre pour établir avec certitude son efficacité, les analyses préliminaires sont encourageantes.

Pour aller plus loin :

Contacts :