Découverte d’une exo-Terre avec SPECULOOS

Découverte d’une exo-Terre avec SPECULOOS

Bien que nettement plus fréquentes dans l’Univers, les étoiles naines ultra froides demeurent encore très mal comprises en raison de leur faible luminosité. Par conséquent, notre compréhension de leur population planétaire demeure limitée, alors qu’elles représentent une fraction importante des planètes de notre Voie lactée. C’est dans ce contexte que le programme SPECULOOS a été développé, visant à explorer les exoplanètes autour de ce type d’étoiles.

Grâce à ce programme, une équipe internationale de chercheurs, incluant le CEA, vient de découvrir une nouvelle planète : SPECULOOS-3 b. De la taille de la Terre, elle orbite autour de la naine ultra froide SPECULOOS-3, située à 55 années-lumière. Cette découverte constitue le deuxième système planétaire identifié autour de ce type d’étoile, après le célèbre système TRAPPIST-1, également détecté grâce à ce programme d’observation.

Les caractéristiques de SPECULOOS-3 b en font l’une des exoplanètes rocheuses les plus prometteuses pour une caractérisation détaillée par spectroscopie d’émission avec l’instrument MIRI du JWST. Sa sensibilité devrait fournir des contraintes significatives sur la composition atmosphérique, ou sa minéralogie de surface de la planète le cas échant.

Cette découverte a été publiée dans le journal Nature Astronomy

Figure 1 – Image d’artiste de la planète SPECULOOS-3 b. Crédit : Lionel Garcia (Flatiron Research Fellow)
Le programme SPECULOOS

Les naines ultrafroides sont les étoiles les moins massives de l’Univers. D’une taille similaire à Jupiter, elles sont plus de deux fois moins chaudes, dix fois moins massives, et cent fois moins lumineuses que notre Soleil. Leur durée de vie est néanmoins plus de cent fois supérieure à celle de notre étoile, ce qui en fera les derniers astres à briller lorsque l’Univers deviendra froid et sombre. Bien que nettement plus nombreuses que les étoiles similaires au Soleil, ces étoiles demeurent largement mal comprises en raison de leur faible luminosité. De même, nous en savons très peu sur leur population planétaire, pourtant nombreuse au sein de notre Voie lactée.

Si l’on veut avoir une bonne chance de détecter des planètes en transit autour de ces étoiles, il est nécessaire de les observer individuellement pendant des semaines. Le programme SPECULOOS (Search for Planets EClipsing ULtra-cOOl Stars), mené conjointement par les Universités de Liège, de Cambridge, de Birmingham, de Berne, le MIT, et l’ETH Zürich, est un réseau de télescopes robotiques professionnels dédié à la recherche d’exoplanètes autour des étoiles naines ultrafroides les plus proches (cf. Figure 2).

« Nous avons conçu SPECULOOS spécifiquement pour observer les étoiles naines ultra-froides proches à la recherche de planètes rocheuses propices à des études détaillées », déclare Laetitia Delrez, astronome à l’Université de Liège « En 2017, notre prototype de SPECULOOS utilisant le télescope TRAPPIST a découvert le célèbre système TRAPPIST-1, composé de sept planètes de taille terrestre, dont plusieurs potentiellement habitables. C’était un excellent début ! »

Figure 2 – Le projet SPECULOOS recherche des exoplanètes potentiellement habitables autour des étoiles les plus petites et les plus froides du voisinage solaire. SPECULOOS est un réseau de six telescopes de 1 m de diamètre : quatre à Cerro Paranal, appelé SPECULOOS-Sud (cf. photo), un au Mexique, appelé Saint-Ex, et un autre aux Canaries, appelé SPECULOOS-Nord. Le projet bénéficie également du soutien de deux TRAPPIST de 60 centimètres de diamètre : TRAPPIST-Sud à l’Observatoire La Silla de l’ESO et TRAPPIST-Nord au Maroc, à Oukaimeden Crédit: tau-tec GmbH
SPECULOOS-3 b : une découverte croustillante !

Le programme SPECULOOS vient d’annoncer la découverte d’une nouvelle planète de taille terrestre en orbite autour de l’étoile naine ultra-froide SPECULOOS-3. Il s’agit seulement du deuxième système planétaire découvert autour de ce type d’étoile. Cette découverte a été réalisée grâce à la méthode des transits, qui consiste à observer une diminution de la luminosité de l’étoile lorsqu’une planète passe devant celle-ci (cf. Figure 3).

L’exoplanète SPECULOOS-3 b se trouve à environ 55 années-lumière de la Terre, ce qui est relativement proche étant donné la taille de notre galaxie, la Voie Lactée, qui s’étend sur 100,000 années-lumière. Elle a pratiquement la même taille que notre planète. Une année, c’est-à-dire une orbite autour de l’étoile, dure environ 17 heures. On pense que la planète est en rotation synchrone, de sorte que le même côté, le côté jour, fait toujours face à l’étoile, comme la Lune pour la Terre. Le côté nuit serait donc plongé dans une obscurité sans fin.

L’étoile SPECULOOS-3 est 8 fois plus petite que notre soleil et deux fois plus froide, avec une température moyenne de seulement 2 600 °C. Toutefois, du fait de sa proximité avec son étoile (55 fois plus proche que ne l’est Mercure du Soleil), la planète SPECULOOS-3 b reçoit près de 16 fois plus d’énergie par seconde que la Terre n’en reçoit du Soleil, la soumettant à un bombardement continu de radiations de haute énergie. Ainsi, les chercheurs estiment sa température d’équilibre à 280 °C, ce qui est comparable à la température de Mercure dont la température oscille entre -170 à 400 °C à cause de sa rotation non synchrone.

« Dans un tel environnement, la présence d’une atmosphère autour de la planète est très peu probable » explique Julien de Wit, professeur au MIT et co-directeur du SPECULOOS Northern Observatory et de son télescope Artemis. « Cela présente plusieurs avantages et ouvre la voie à une meilleure compréhension des naines ultrafroides et de leurs planètes potentiellement habitables », ajoute-t-il.

Figure 3 – Transit photométrique de la découverte de SPECULOOS-3 b obtenue avec SAINT-EX et SNO-Artemis entre 2021 et 2023. Crédit : Gillon et al. 2024
Une cible prometteuse pour le télescope spatial James Webb

SPECULOOS-3 b se positionne comme l’une des exoplanètes rocheuses les plus prometteuses pour une caractérisation détaillée par spectroscopie d’émission avec le JWST.

« Avec le JWST, nous pourrions même étudier la minéralogie de la surface de la planète ! » précise Elsa Ducrot, ancienne chercheuse du CEA-Saclay, actuellement en poste à l’Observatoire de Paris.

Sa température élevée assure un signal important et sa courte période orbitale offre la possibilité d’observer plusieurs éclipses secondaires, c’est-à-dire juste avant et juste après que la planète ne passe derrière l’étoile (cf. figure 4). Dans cette configuration, le côté éclairé de la planète est visible, permettant ainsi d’obtenir son spectre d’émission. Selon les estimations de cette étude, seulement dix observations d’éclipses secondaires de la planète avec l’instrument MIRI/LRS du JWST suffiraient à fournir des indications significatives sur sa composition atmosphérique, ou sa minéralogie de surface, le cas échéant.

« Cette découverte démontre la capacité du programme SPECULOOS de détecter des exoplanètes de taille terrestre. Et ce n’est que le début ! Grâce au support financier de la Région Wallonne et de l’Université de Liège, deux nouveaux télescopes, Orion et Apollo, iront bientôt retrouver Artemis sur le plateau du volcan Teide à Tenerife afin d’accélérer la chasse à ces fascinantes planètes » conclut Michaël Gillon.

Figure 4 – Le graphique montre la courbe de luminosité (points rouges) du système étoile-planète juste avant et après que la planète disparaisse derrière son étoile. Ce phénomène est connu sous le nom d’éclipse secondaire. Cette configuration permet la mesure spectroscopique de l’émission thermique propre de la planète ainsi que la lumière qu’elle réfléchit de son étoile. Crédits : à partir de Greene et al. 2023

Contact : Elsa Ducrot

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