La naissance des étoiles simulée avec des détails sans précédent

La naissance des étoiles simulée avec des détails sans précédent

Une équipe de théoriciens du Département d’Astrophysique (DAP) du CEA, travaillant au sein du Laboratoire de Modélisation des Plasmas Astrophysiques (LMPA), a réalisé des simulations à l’aide des supercalculateurs du CEA, dans le but de comprendre la formation des étoiles et des disques protoplanétaires. Des mois de calcul ont permis d’atteindre des résolutions jamais atteintes auparavant, révélant de nouveaux détails sur la formation de ces objets.

Ces simulations apportent deux résultats majeurs : les protoétoiles sont turbulentes dès leur naissance et les disques protoplanétaires se forment à partir de matériel éjecté par la surface de l’étoile.

Ces résultats ont été publiés dans le journal Astronomy & Astrophysics : The birth and early evolution of a low-mass protostar et Formation of low-mass protostars and their circumstellar disks.

L’intérêt des simulations numériques

Dans notre galaxie, de nombreux nuages de poussière et de gaz s’effondrent sur eux-mêmes sous l’effet de la gravité, déclenchant ainsi le phénomène de formation stellaire. Le disque de gaz et de poussières entourant les jeunes étoiles, appelé « disque protoplanétaire » (cf. Figure 1), donnera ensuite naissance aux planètes.

Comprendre l’évolution de ces phénomènes nous renseigne sur la formation de notre propre système solaire, de la Terre et sur l’apparition de la vie dans l’Univers.

Malheureusement, il est très difficile d’observer la naissance des étoiles et des planètes, car la grande quantité de poussières dans lesquelles les jeunes étoiles sont enfouies masque une majeure partie de leur lumière. Par conséquent, l’observation de leur formation demeure difficile, même avec de puissants télescopes tels que le James Webb Space Telescope (JWST), auquel le CEA a contribué.

C’est pourquoi les astrophysiciens utilisent des supercalculateurs pour réaliser des simulations numériques très complexes, qui tentent de reproduire ces phénomènes à partir des lois de la physique.

Ces simulations sont néanmoins très chronophages. Réaliser une simulation qui décrit l’effondrement du nuage et la première année et demie après la naissance des proto-étoiles nécessite trois mois de calculs.

Figure 1: Vue d’artiste d’une étoile jeune avec un disque de gaz et de poussière (dit protoplanétaire) orbitant autour. Crédit: ESO/L. Calçada
Formation des étoiles

Dans une première étude, les simulations ont démontré que les étoiles sont turbulentes dès leur naissance (cf. Figure 2), ce qui va à l’encontre des croyances précédentes des chercheurs.

En effet, on pensait que la turbulence dans les étoiles était déclenchée lorsque la fusion nucléaire démarre dans leur région centrale (environ 100 000 ans après leur naissance). Grâce à la très haute résolution des simulations, les chercheurs ont remarqué qu’une instabilité à la surface de l’étoile pouvait générer des mouvements turbulents à grande échelle lorsque l’étoile accrète le gaz environnant.

Cela aura des conséquences sur l’évolution des étoiles et permet de poser de nouvelles questions sur l’origine de leurs champs magnétiques, qui nécessitent ces mouvements turbulents pour déclencher une dynamo.

Figure 2 : Visualisation de l’intérieur d’une proto-étoile, illustrant la forte turbulence qui s’y trouve. La couleur indique l’entropie du gaz, une mesure permettant de déterminer si une zone est susceptible de devenir turbulente. Crédit: Ahmad et al. (2023).
Formation de disques protoplanétaires

Dans une seconde étude, l’équipe a pris en compte les effets de rotation dans le nuage initial pour étudier la naissance des disques protoplanétaires conjointement avec l’étoile (cf. Figure 3).

Pour la première fois, les simulations ont montré que les disques se forment à partir de gaz éjecté par la surface de l’étoile. En effet, la protoétoile tourne tellement vite à sa naissance qu’une partie de son gaz atteint la vitesse de rupture, c’est-à-dire la vitesse à laquelle la force centrifuge devient si importante que la gravité de l’étoile ne parvient plus à contenir le gaz.

Cela change considérablement le paradigme de formation des disques, qui jusqu’à présent étaient étudiés indépendamment de l’étoile en raison des contraintes de temps de calcul.

Figure 3 : Simulation d’une proto-étoile (tore vert) et de son disque d’accrétion (bleu). Les courbes blanches représentent le champ de vitesse du gaz qui rentre dans les pôles de l’étoile, attiré par sa gravité. Les images en arrière-plan sont des coupes représentant l’émission radiatif du gaz. En seulement 10 mois, le disque a atteint une demi-unité astronomique en rayon, soit la moitié de la distance terre-soleil, et son étendue verticale est tel qu’il englobe l’étoile. Crédit: Ahmad et al. (2024)
Les prochaines simulations

L’équipe de chercheurs est d’ores et déjà en train de faire tourner de nouvelles simulations en prenant en compte le champ magnétique au sein du nuage. Ceci leur permettra d’étudier l’origine des champs magnétiques dans les étoiles et comment ils influent sur l’interaction entre l’étoile et le disque.

Contacts : Adnan Ali AHMAD, Matthias GONZALEZ, Patrick HENNEBELLE

Pour aller plus loin : Chaine Youtube des vidéos de simulations de l’équipe du DAp