Livraison des masques des coronographes pour la fonction d’imagerie Infrarouge de l’instrument METIS de l’ELT

Livraison des masques des coronographes pour la fonction d’imagerie Infrarouge de l’instrument METIS de l’ELT

METIS est un instrument de première génération de l’ELT, l’Extremely Large Telescope actuellement en construction dans le désert d’Atacama au Chili et qui verra sa première lumière en 2028. L’Irfu est impliqué sur cet instrument depuis 2018. En 2021, 14 cryomécanismes qui actionneront une douzaine de systèmes optiques sur l’instrument METIS ont été livrés. METIS est composé de deux unités distinctes : l’une pour la spectroscopie, l’autre pour l’imagerie. Cette dernière contient des coronographes basés sur des masques de phase. Les performances des masques conçus par l’Université de Liège ont été optimisées grâce aux mesures effectuées sur le banc optique du département d’astrophysique dédié à l’imagerie infrarouge. En avril 2024, après 6 mois de tests et d’optimisation des performances, les trois masques pour la coronographie en bande N (7.5-13.5µm) ont été livrés au consortium METIS. Ils seront prochainement intégrés à l’instrument, qui rentre en 2024 dans sa phase de fabrication.

Image d’un masque de phase AGPM (Annular Groove Phase Mask ou AGPM) au microscope électronique, destiné à l’imagerie par coronographie de l’instrument METIS

Caractérisation de masque pour l’imagerie par coronographie

Dans METIS, les coronographes sont basés sur des masques de phase (Annular Groove Phase Mask ou AGPM). Il s’agit de disques en diamant de synthèse, de 15 mm de diamètre, 300 μm d’épaisseur. Sur chacun d’entre eux est gravé un réseau circulaire micrométrique, d’une période d’environ 2 μm et d’une profondeur de 10 à 15 μm.

On mesure la performance d’un coronographe par son taux de réjection, c’est-à-dire le niveau d’extinction d’une l’étoile dont l’image est placée au centre du masque. Or, il est très difficile de fabriquer ces masques avec les bons paramètres du premier coup. En revanche, il est possible de corriger leur forme après estimation de leur forme réelle, que l’on déduit des performances mesurées.

Le banc infrarouge du CEA/IRFU/DAp

Le banc infrarouge du DAp , développé entre 2005 et 2007 pour la caractérisation de l’instrument MIRIm, l’imageur de JWST/MIRI, a été adapté pour les mesures des performances des coronographes de METIS. Il comprend un simulateur d’étoile à température ambiante avec une pupille ajustable, ainsi qu’une source étendue, un monochromateur, et un cryostat contrôlé par un automate, dans lequel se trouve l’instrument.

Il fallait des mesures à 5 longueurs d’ondes différentes pour remonter à la forme du réseau du masque AGPM. Le banc a donc été équipé de cinq lasers QCL (Quantum Cascade Laser) à 8.0, 9.0, 10.5, 11.5 et 12.5 μm.

Image du banc infrarouge avec son cryostat et les cinq lasers montés sur le banc optique. La fibre optique amène le flux d’un laser vers un système de couplage avec un trou micrométrique qui constitue l’étoile artificielle.

Méthode de mesure

Une série de campagnes de mesures a permis de tester le montage des AGPM, de caractériser les performances du banc et d’établir la meilleure méthode pour réaliser des mesures photométriques précises et répétables.

Le principe de base consiste à mesurer le flux de l’étoile artificielle une première fois hors masque, à plusieurs positions, puis une seconde fois centrée sur le masque (cf figure ci contre). Le rapport des deux flux donne le taux de réjection du masque. Cette mesure doit être répétée à toutes les longueurs d’ondes, et pour tous les masques.

En réalisant des centaines, voire des milliers d’acquisitions au plus près du centre estimé du masque, on finit par obtenir nécessairement une image pour laquelle l’extinction de la source est quasi-optimale.

somme d’images montrant les 15 images de références, avec la source loin du centre, et l’image coronographique, avec le source placée au centre du masque.

Trois masques AGPM en bande N, nommés N4, N8 et N9 ont été reçus en automne 2023. Pour répondre aux besoins de METIS, il est spécifié que les coronographes doivent présenter un taux de réjection supérieur à 100 en moyenne sur toute la bande spectrale 8-13 μm, et supérieur à 20 à chaque longueur d’onde. Une campagne de mesure effectuée en novembre 2023 a montré qu’un masque répondait à ces spécifications, et que les deux autres présentaient des taux de réjection trop faibles aux courtes longueurs d’onde. Les tests ont montré qu’il fallait réduire la profondeur des gravures de 800 nm. Cette correction a été effectuée en janvier 2024 et une nouvelle campagne de mesures a suivi, en février 2024. Avec les masques ainsi optimisés, nous avons obtenus des taux de réjection bien supérieurs, améliorés d’un facteur 3 à 7 selon la longueur d’onde.

à gauche : taux de réjection mesurés sur les masques en novembre 2023, avant action corrective sur la gravure. À droite : après action corrective sur N8 et N9. Les taux de réjection ont été améliorés d’un facteur 3 à 7 aux courtes longueur d’onde, et diminués à 12.5 μm, ce qui était attendu. Tous les masques répondent désormais au spécifications.

À partir des scans, on peut tracer une carte du taux de réjection, pour voir son profile en 2D, en fonction de la distance au centre. On voit que suite à l’action corrective sur la gravure, les cartes du taux de réjection sont nettement plus piquées, montrant là un comportement plus performant du coronographe : la source centrale est plus atténuée, et on peut observer une source secondaire , une exoplanète, plus proche encore de la source centrale.

Cartes de scan sur le masque N8 avant (à gauche) et après (à droite) action corrective sur la gravure. Le taux de réjection a été amélioré d’un facteur 7, et le profil de l’extinction est nettement plus piqué.

Conclusion

Suite aux mesures, les masques ont été livrés à l’Université de Liège, marquant la fin du travail de l’équipe sur les masques AGPM de METIS. Les chercheurs du Laboratoire des Systèmes et Architectures Spatiales du DAp ont montré que les mesures optiques sont pertinentes pour remonter aux paramètres de forme du réseau des AGPM. De plus, l’action corrective sur la gravure est très bien maîtrisée par le laboratoire de l’Université d’Uppsala. Au final, trois masques répondant aux spécifications ont été livrés, et deux d’entre eux sont particulièrement performants.

Contact : Samuel RONAYETTE