Les étoiles sont des objets turbulents en rotation magnétisés qui pulsent. En effet, la turbulence, en particulier convective, excite des ondes de différents types qui se propagent, qui s’amortissent et qui pour certaines d’entre elles transportent du moment cinétique. On peut distinguer trois grandes familles d’ondes: les ondes acoustiques, dont la force de rappel est la compressibilité du plasma stellaire, les ondes de gravité, dont la force de rappel est la poussée d’Archimède dans les régions radiatives stables vis à vis de la convection, et les ondes inertielles, dont la force de rappel est l’accélération de Coriolis.
Dans ce contexte, les développements de l’héliosismologie et de l’astérosismologie spatiales depuis une vingtaine et une dizaine d’années respectivement (avec SOHO et CoRoT, Kepler et K2) ont conduit à une révolution de notre connaissance de la structure, de la dynamique et du magnétisme interne des étoiles pour lesquelles les ondes de différents types constituent des sondes d’une précision extraordinaire non égalées par d’autres techniques observationnelles.
A l’heure d’aujourd’hui, ce sont les ondes acoustiques que l’on détecte grâce à l’héliosismologie et à l’astérosismologie dans le Soleil et les étoiles de type solaire de la séquence principale. Elles nous permettent d’étudier en détail leur constitution, leur rotation et leur activité magnétique internes. Par ailleurs, seules les propriétés asymptotiques des modes de gravité ont été détectées dans le Soleil du fait de l’ ‘‘écran’’ constitué par son enveloppe convective; néanmoins celles-ci offrent d’ores et déjà de nouvelles perspectives pour la compréhension de la dynamique du cœur de notre étoile. Dans les étoiles de faibles masses évoluées, les cavités résonnantes des modes acoustiques et de gravité se couplent avec la propagation de modes mixtes gravito-acoustiques permettant de sonder leur stratification chimique et leur rotation depuis leur surface jusqu’à leur cœur ainsi que leur magnétisme profond. Enfin, dans les étoiles de masses intermédiaires et massives, qui sont souvent des rotateurs rapides, la rotation doit être traitée de manière non-perturbative. Les nouveaux diagnostics développés dans ces cas là permettent de caractériser de manière plus en raffinée la dynamique et le mélange rotationnel dans ces étoiles.
Dans ce cadre, les chercheurs du LDEE développent une chaîne complète allant du traitement des données hélio- et astérosismiques jusqu’à la modélisation théorique et la simulation numérique 3D non-linéaire de l’excitation, de la propagation et de l’amortissement des ondes dans les intérieurs stellaires. Du point de vue théorique, un accent particulier est mis sur la prédiction des propriétés des ondes (fréquences, cavité de propagation), de leur amplitude et visibilité, de leur temps de vie et du transport qu’elles peuvent induire. Par exemple, une étape a été franchie en 2014-15 avec la simulation numérique 3D globale et non-linéaire du Soleil depuis son centre jusqu’à 97% de son rayon. L’excitation, la propagation et la dissipation des ondes de gravité dans le cœur solaire ont alors été simulées de manière complète et cohérente et ce en développant des diagnostics d’interprétation directement inspirés du traitement des données hélio- et astérosismiques et de nouvelles théories asymptotiques 3D. Ces travaux sont maintenant poursuivis en mettant un accent particulier sur l’impact de la rotation et du champ magnétique. Les prédictions théoriques obtenues sont cruciales dans le cadre de l’exploitation scientifique en cours des observations des missions CoRoT, Kepler et K2 et de la préparation de TESS et PLATO.
Simulation numérique ASH 3D non-linéaire des ondes de gravité dans le cœur radiatif du Soleil et de leur excitation par les mouvements convectifs turbulents de l’enveloppe externe (le panneau du haut à gauche est une vue 3D de la vitesse dite rms tandis que le panneau du haut à droite est une vue équatoriale). Les profiles des vitesses rms sont représentés dans le panneau du milieu pour montrer l’amplitude respective des mouvements convectifs et des ondes. Enfin, après un traitement équivalent à celui effectué en hélio- et en astérosismologie, le spectre de puissance des ondes observées dans la simulation donnant leur énergie cinétique en fonction de leur fréquence (en ordonnée) et de leur nombre d’onde latitudinal (en abscisse) est obtenu; Alvan, Strugarek, Brun, Mathis & Garcia (2015) et Alvan, Brun & Mathis (2014).
Filtrage fréquentiel des résultats d’une simulation numérique ASH 3D non-linéaire des ondes de gravité dans le cœur solaire (panneau de gauche) et comparaison à la méthode asymptotique dite des rayons (le long desquels l’énergie des modes se propage); Alvan, Strugarek, Brun, Mathis & Garcia (2015).
Schéma de principe de l’interaction des ondes et de la turbulence en fonction du nombre de Rossby convectif; Mathis, Neiner & Tran Minh (2014).
Principe des interactions des ondes mixtes (gravito-acoustiques) et d’un champ magnétique profond dans le cœur des géantes rouges; Fuller, Cantiello, Stello, Garcia et Bildsten (2015).
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