17 juin 2022
La matière noire de la toile cosmique révélée par l’effet de lentille gravitationnelle
La matière noire de la toile cosmique révélée par l’effet de lentille gravitationnelle

Une carte de distribution de la matière noire de la toile cosmique produite à partir de données de "lentillage" gravitationnel faible d'UNIONS. Cette zone du ciel située dans la constellation du Lynx représente 275 degrés carrés, moins d’un dixième de la surface couverte à ce point par UNIONS (la couverture finale atteindra 5 000 degrés carré du ciel nord). Les points jaunes indiquent des zones de surdensité de matière noire correspondant à des amas de galaxies, et les zones bleues correspondent à des zones de basse densité, de grands vides cosmiques.

Des scientifiques du laboratoire CosmoStat au CEA ont produit au sein de la collaboration internationale UNIONS (Ultraviolet Near Infrared Optical Northern Survey) l’un des plus grands jeux de données de galaxies déformées par l’effet de lentille gravitationnelle faible, riche de 100 millions de galaxies. Cette nouvelle collection est basée sur des milliers d’images profondes de la voûte céleste de l'hémisphère nord, capturées par une caméra construite au CEA, MegaCam, montée sur le Télescope Canada-France-Hawaii (CFHT). Trois nouvelles publications présentent des cartes de matière noire de la toile cosmique, exploitant  les régions à forte densité pour mesurer des propriétés de la matière noire qui sont toujours peu connues à ce jour. Dans un futur proche, ces observations nécessaires à la mission Euclid de l’ESA aideront ce télescope spatial Européen à cartographier avec une technique similaire la toile cosmique à une résolution sans précédent pour dériver les propriétés de l'énergie noire, toutes aussi mystérieuses.

 

 

Une nouvelle étape a été franchie dans le domaine des lentilles gravitationnelles faibles (weak lensing) avec la production d’un des plus riches catalogues de galaxies. Ce catalogue contient la morphologie ultra-précise de 100 millions de galaxies lointaines, permettant de mesurer les  déformations infimes causées par le lentillage gravitationnel qui agit sur la lumière se propageant à travers la toile cosmique de matière noire présente dans tout l'Univers. La cosmologie moderne exige une gestion minutieuse des erreurs, et la comparaison des catalogues produits par  des approches d'analyse complémentaires est essentielle. Deux versions du catalogue de morphologie, obtenues via des méthodes différentes et indépendantes, viennent d'être diffusées au sein de la collaboration internationale UNIONS (Ultraviolet Near Infrared Optical Northern Survey). UNIONS est un grand relevé d’imagerie du ciel de l'hémisphère nord dans les domaines optique et proche infra-rouge, codirigé par Jean-Charles Cuillandre de l'Irfu/DAp. Trois télescopes basés à Hawaï sont utilisés pour mener ce grand relevé qui a débuté en 2017: le Canada-France-Hawaii Telescope (CFHT), Pan-STARRS de l'université d’Hawaï, et le télescope japonais Subaru.

 
La matière noire de la toile cosmique révélée par l’effet de lentille gravitationnelle

Une image typique du CFHT-MegaCam pour UNIONS : la surface de ciel couverte ici ne représente que 0.2 degré carré (1/25 000 du relevé complet) mais elle révèle déjà plusieurs milliers de galaxies distantes (les petits points faibles) utilisées pour étudier les propriétés de la matière noire.

La matière noire de la toile cosmique révélée par l’effet de lentille gravitationnelle

Les trois télescopes utilisés pour conduire le grand relevé du ciel nord, avec de gauche à droite: le Canada-France-Hawaii Telescope (CFHT), Pan-STARRS de l'université d’Hawaï, et le télescope japonais Subaru.

Les observations clés à la cosmologie ont cependant été réalisées sur le CFHT avec la caméra MegaCam, construite par le CEA il y a vingt ans (Boulade et al. 2003). MegaCam, avec son grand champ de vision d'un degré carré (l'équivalent de quatre pleines Lunes côte à côte) et ses 375 millions de pixels, était alors la plus grande caméra astronomique optique au monde. Depuis lors, elle n'a été dépassée que par quatre autres caméras à grand champ (3 de celles-ci étant impliquées dans UNIONS)  et reste résolument à la pointe de la science. Les conditions d'observation exceptionnelles du CFHT sur le Maunakea permettent en effet à UNIONS d'observer une quantité inédite de galaxies sur des milliers de degrés carrés du ciel nord, faisant de ce catalogue une collection unique au monde. Les scientifiques  à l'origine du catalogue ont invité à présent l’ensemble des scientifiques d’UNIONS à exploiter ces données inédites pour mener de nouveaux projets scientifiques.

 

Sous la direction de Martin Kilbinger, l'un des deux catalogues a été créé par le CEA, représentant plus de quatre ans de travail par le groupe CosmoStat de l'Irfu/DAp. Un pipeline de traitement complet, ShapePipe, a été développé pour traiter les données UNIONS du CFHT. Une surface totale de ciel de 3 500 degrés carrés a été traitée par ShapePipe, utilisant plus d'un million d'heures de CPU et produisant 500 téraoctets de données ; les données finales de weak-lensing, contenant les 100 millions de galaxies, représentent un volume de 18 gigaoctets. Le logiciel ShapePipe est modulaire et possède des capacités de calcul haute performance. Il est ainsi facile de tester et d'implémenter de nouveaux algorithmes, et d'appliquer par ailleurs le logiciel à d'autres relevés de lentille faible. Un article technique, dirigé par Samuel Farrens, a été soumis à la revue Astronomy & Astrophysics (A&A). Ce code est disponible publiquement.

 

Deux projets scientifiques dirigés par des membres de CosmoStat et utilisant les données de weak lensing d'UNIONS ont été publiés. Tout d'abord, Guinot et al. (article A&A sous presse) ont testé et validé avec soin les catalogues ShapePipe, et présentent des cartes de matière noire et des profils de masse des amas de galaxies détectés par la mission Planck de l’ESA. Ces résultats démontrent la très haute qualité des données de UNIONS, à égalité ou même supérieure à celle d'autres grands relevés de pointe tels que le Kilo Degree Survey (KiDS) ou le Dark Energy Survey (DES), alors que la couverture du ciel UNIONS reste encore partielle  (but: 5 000 degrés carrés).

En seconde application scientifique, Ayçoberry et al. (article soumis à A&A) examinent le nombre de pics de lentilles faibles comme méthode de mesure des paramètres cosmologiques. En  introduisant une nouvelle méthode pour explorer les variations spatiales de la calibration de l'effet de lentille, ils ont évalué une variété d'incertitudes et de systématiques qui peuvent avoir un impact sur l'inférence cosmologique.

 

Contacts au CEA/DRF/Irfu/DAp :

(responsable scientifique, traitement des données)

(responsable France de la collaboration scientifique UNIONS)

(responsable logiciel UNIONS weak-lensing)

Autres acteurs clefs de CosmoStat : Axel Guinot (doctorat à CosmoStat 2020), Emma Ayçoberry (stage M2 à CosmoStat 2021), Virginia Ajani (doctorat à CosmoStat en 2021), Tobias Liaudat, Jean-Luc Starck, Lucie Baumont, André Zamorano-Vitorelli, Valeria Pettorino.

 
#5020 - Màj : 21/06/2022

 

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