L'un des résultats récents le plus surprenant de l'astronomie des rayons-X est la découverte, dans certaines galaxies proches, d'une nouvelle population de sources extrêmement lumineuses, non associées au coeur de la galaxie. La nature exacte de ces objets, baptisés sources-X ultralumineuses (ULX en anglais pour UltraLuminous X-ray sources) demeure encore aujourd'hui une énigme.
Une équipe de chercheurs du "Center for Astrophysics" (Cambridge, USA) et du Service d'Astrophysique du CEA-DAPNIA Saclay et Université Paris 7 vient sans doute pour la première fois d'obtenir un indice décisif sur ces sources de rayonnement de hautes énergies en étudiant un de ces objets énigmatiques, la source 2E1400.2-4108, découverte dans les années 70 grâce au satellite Einstein dans la galaxie NGC 5408, une galaxie naine irrégulière (1). C'est en combinant trois types d'images différentes qu'ils ont pu déterminer très précisément les caractéristiques de l'objet et découvrir qu'il ressemblait fortement aux "microquasars" de notre galaxie, des sources contenant un trou noir d'une dizaine de masses solaires.
A gauche : Le télescope ATCA (Australia Telescope Compact Array) situé à Narrabri en Australie (à 500 km au Nord-Ouest de Sydney) à l'aide duquel les observations radio de la source X ultralumineuse ont été conduites. Ce réseau est constitué de six antennes de 22 mètres de diamètre. Les observations ont été menées à 2 fréquences (8.64 GHz et 4.8 GHz). La cartographie radio a nécessité un temps d'observation de 8 heures. (crédit photo:ANTF/CSIRO)
A droite : La galaxie NGC 5408, située à plus de 15 millions d'années-lumière, appartient à la classe des galaxies naines irrégulières. Ces galaxies sont le lieu d'une intense phase de formation stellaire. L'émission X de cette galaxie est dominée par une source poncuelle, extrêmement intense d'où son nom de source-X ultralumineuse.
La localisation exacte de la source de rayons X de la galaxie NGC 5408 a d'abord été déterminée grâce à une image à haute définition obtenue par le télescope à rayons X américain Chandra, le 7 mai 2002. Une carte très précise de l'émission d'ondes radio de la galaxie NGC 5408 a, par ailleurs, été obtenue à l'aide du réseau de télescopes australien ATCA (pour Australia Telescope Compact Array) pendant une observation de huit heures. Puis, ces deux cartes ont été superposées à une image visible de la galaxie, obtenue par le télescope spatial Hubble.
Sur la carte composite ainsi obtenue, il est alors apparu très clairement que la source de rayons X était bien située loin du "centre de la galaxie" et qu'elle coincidait également avec une source d'ondes radio.
Cette image optique représente la galaxie NGC 5408 telle qu'elle a été observée par le télescope spatial Hubble. L'émission radio observée à 4.8 GHz est superposée sous forme de contours (zone d'égale intensité) en rouge. Les cercles correspondent respectivement à la position de la source-X ultralumineuse détectée en rayons X par Chandra (cercle bleu) et par le radio télescope ATCA (en vert). Les zones indexées 3 et 4 sont des régions de formation stellaire tandis que les sources 1 et 2 sont des étoiles en avant plan. La flèche indique le nord et sa dimension est de 2". (Crédit photo: NASA/ATNF).
La qualité des données obtenues a donc permis de vérifier que l'objet était bien une source ponctuelle (dans la limite de résolution des instruments), d'établir des rapports de luminosité entre différents domaines d'énergie et de reconstituer ainsi la répartition de l'énergie émise selon la longueur d'onde. Selon les conclusions des chercheurs, le rayonnement X, optique et radio de la source ultralumineuse de la galaxie NGC 5408 peut être expliqué par l'existence d'un jet relativiste autour d'un trou noir de masse stellaire, analogue à celui détecté dans les "microquasars", sources de notre galaxie contenant un trou noir. L'intensité de l'émission observée est alors expliquée par la géométrie du système. Le jet pointe directement vers l'observateur d'où une amplification de l'émission.
Plusieurs hypothèses avaient été avancées jusqu'ici pour expliquer la nature des sources ultralumineuses, parmi lesquelles l'existence de restes d'explosions d'étoiles particulièrement lumineux, la présence d'une émission résiduelle après un sursaut gamma, l'existence d'une région particulièrement active de formation d'étoiles au sein de la galaxie ou d'une chute de matière sur un objet compact. Les variations de luminosité observée dans plusieurs de ces sources X ultralumineuses semblent aujourd'hui favoriser la dernière hypothèse. La forte luminosité observée pouvait en particulier être expliquée par une chute de matière sur un trou noir dont la masse serait comprise entre une centaine et quelques milliers de fois la masse du Soleil. L'existence de cette dernière classe d'objets comblerait ainsi le fossé entre les trous noirs d'une dizaine de masses solaires présents dans certains systèmes binaires comme les microquasars et les trous noirs extrêmement massifs (de plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaires) pouvant résider au coeur des galaxies.
Les travaux concernant la source ultralumineuse de la galaxie NGC 5408 ne confirment pas cette hypothèse. Selon le scénario des chercheurs, l'objet compact serait au contraire un trou noir de masse stellaire (quelques masses solaires) et il pourrait s'agir du premier "microquasar" découvert en dehors de notre Galaxie. Il ne serait donc pas nécessaire, tout au moins dans ce cas, de faire appel à des trous noirs de masse intermédiaire pour expliquer les phénomènes observés. Des observation similaires d'autres sources ultralumineuses sont bien sûr encore nécessaires pour confirmer ce scénario.
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Les résultats de cette étude font l'objet d'une publication dans la revue Science datée du 17 janvier 2003. "Radio Emission from an Ultraluminous X-ray Source",
(a) Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, Cambridge, Etats-Unis
(b) Service d'Astrophysique CEA-Saclay et Université Paris 7
voir aussi "Première image en rayons X des jets d'un microquasar"
(1) Les galaxies naines irrégulières constituent une sous-classe des galaxies naines dont les principales caractéristiques sont leur petite taille (inférieure à 3000 années-lumière, alors qu'une galaxie spirale possède un diamètre typique de 60 000 années-lumière), leur faible masse et luminosité. Riches en gaz, les galaxies naines irrégulières sont peuplées d'un nombre important d'étoiles jeunes et sources d'intenses phases de formation stellaire. Ces galaxies naines, bien que difficile à détecter du fait de leur faible brillance, sont très communes dans le voisinage de notre Galaxie et appartiennent à ce que les astrophysiciens désignent sous le nom de Groupe Local.