HERSCHEL: les objectifs scientifiques
Baptisée en l’honneur de Sir William Herschel (1738-1822), la mission Hershel sera lancé par une fusée Ariane 5. Elle partagera la coiffe de la fusée avec le télescope Planck qui sera dédié à l’étude du fond diffus cosmologique.
Le télescope est baptisé en l’honneur de Sir William Herschel qui, en 1800, découvrit l’existence d’une lumière au-delà du visible, aujourd’hui appelée lumière infrarouge.
Le satellite Herschel sera placé après un voyage de quatre mois au point de Lagrange L2, un point situé à 1,5 million de kilomètres de la Terre dans la direction opposée au Soleil, soit près de quatre fois la distance Terre-Lune. Cette position minimise les effets indésirables causés par l’émission du Soleil et de la Terre. (l’échelle des distances n’est pas respectée sur cette figure)
La mission Herschel est un véritable observatoire, au même titre que le VLT à l’ESO ou d’autres grands observatoires au sol. À ce titre l’éventail de ses objectifs scientifiques est large, allant des enveloppes d’étoiles évoluées aux premiers stades d’évolution des galaxies. Herschel abordera néanmoins deux objectifs scientifiques principaux, la formation des étoiles et celle des galaxies.
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formation des étoiles
Herschel consacrera une grande fraction de son temps à l’étude des mécanismes de formation des étoiles. L’objectif est d’élucider le problème de la distribution de la masse des étoiles. En effet, les étoiles n’ont pas toute la même masse. Leur distribution est décrite par une fonction appelée Fonction de Masse Initiale (FMI). Cette fonction semble universelle car elle est identique dans notre voisinage proche, dans la Galaxie ainsi que dans d’autres galaxies.
Les théories actuelles rendent relativement bien compte des mécanismes par lesquels les nuages de gaz interstellaire se contractent, s’effondrent sur eux-mêmes, et se fragmentent en embryons d’étoiles que l’on appelle cœurs pré-stellaires. Elles permettent également de comprendre l’évolution de ces cœurs pré-stellaires vers une étoile dite de séquence principale. Cependant, aucune de ces théories ne permet de prédire avec précision la masse finale de l’étoile même si il est établi qu’elle est déterminée dès le stade du cœur pré-stellaire. C’est donc les étapes qui mènent à ces cœurs qu’il est nécessaire d’étudier.
Or ces cœurs pré-stellaires, qui sont de simples fragments de nuages interstellaires en contraction sur eux-mêmes, sont des objets froids, de quelques dizaines de degrés Kelvin. Leur émission est donc presque entièrement contenue dans la bande qui va de l’infrarouge lointain au sub-millimétrique, domaine d’exploration du télescope Herschel.
Carte à 850 μm traçant l’émission de poussières dans la nébuleuse NGC 2068. Les condensations en rouge-orange signalent des sites de formation d’étoiles. Herschel, en observant ces nurseries entre 60 et 670 μm, permettra de mieux comprendre la naissance des étoiles (crédit CEA/SAp).
Ainsi Herschel va se tourner vers les nuages interstellaires proches du système solaire pour en dresser une cartographie complète. L’objectif est de recenser le contenu complet en cœurs pré-stellaires de ces nuages interstellaires. La grande sensibilité des instruments d’imagerie (capacité à observer des objets très faiblement lumineux) couplée à la grande résolution spatiale (finesse des images) offerte par le miroir de 3,5m permettront de recenser le contenu complet en cœurs pré-stellaires de ces nuages interstellaires. La modélisation des observations obtenues par Herschel permettra ensuite d’extraire des quantités physiques comme la température et la masse de ces objets et, par recoupements avec d’autres observations, d’avancer vers une élucidation de l’origine de la Fonction Initiale de Masse.
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formation des galaxies
À une échelle complètement différente, Herschel va se tourner vers les confins de l’Univers pour observer les premières phases de l’évolution des galaxies. Il s’agit ici de compléter notre reconstitution de l’histoire de l’évolution de l’Univers, du Big Bang à nos jours. L’évolution de l’Univers n’est que le reflet des jeux des forces qui sous-tendent sa structure. Reconstituer son histoire, c’est comprendre comment il s’est formé, de quoi il est constitué et prévoir son futur.
La période qui s’étend du présent à environ 5 à 7 milliards d’années en arrière est actuellement bien connue. Durant cette période, l’Univers est d’abord peuplé de galaxies essentiellement visibles (celle qui peuplent les images spectaculaires du Hubble Deep Field), relativement semblables à la Galaxie, en ce sens qu’elles ont déjà formé l’essentiel de leurs étoiles et « vivotent » paisiblement. Mais ensuite, vers 7 milliards d’années, les choses changent et l’Univers se peuple de galaxies nettement plus actives, beaucoup moins nombreuses et émettant l’essentiel de leur énergie dans le domaine infrarouge. Ces « galaxies » sont très vraisemblablement des systèmes de galaxies en interaction gravitationnelle, interaction favorisée par la plus grande densité de l’Univers à cette époque et connue pour provoquer des flambées de formation stellaires. Celles-ci se produisent au sein de gigantesques nuages de gaz et de poussière collectés lors des collisions galactiques. Ces nuages sont si denses qu’ils piègent le rayonnement visible des étoiles et le réémettent dans l’infrarouge.
Les galaxies infrarouges révélées par le satellite ISO, détectées à environ sept milliards d’années, pas plus anciennes que cela, sont déjà de véritables systèmes galactiques. Que se passe-t-il avant cette époque ? De quand date la formation de ces galaxies? Quelle est l’origine des premiers sous-ensembles de ce qui deviendra des galaxies? Les théories actuelles s’accordent pour penser que les premiers stades de l’évolution des galaxies doivent ressembler à l’agrégation de petites protogalaxies gazeuses les unes aux autres et que ces premières collisions doivent générer des sursauts de formation stellaire, observables dans l’infrarouge. Or si le satellite ISO a su révéler les représentants les plus proches de ces galaxies infrarouges, il est plus judicieux de se tourner vers le domaine couvert par le télescope Herschel pour découvrir les plus lointains. En effet, par la grâce d’une de ces coïncidences dont la nature a le secret, le spectre de ces galaxies infrarouge est tel que le décalage du spectre vers le rouge vient compenser la perte de luminosité dû à l’éloignement (c’est une correction-K positive, voir figure ci-dessous). Ainsi, à des longueurs d’ondes comprises entre 400 et 600 microns, une galaxie à flambée de formation stellaire sera aussi brillante, donc aussi facilement détectable, qu’elle soit située à un décalage spectral de 0.5 (proche) ou de 5 (aussi loin que les plus lointains quasars observés à ce jour). Ce domaine de longueur d’onde est donc idéalement adapté à un relevé le moins biaisé possible des populations de galaxies à flambées de formation stellaire ayant existé durant la première moitié de la vie de l’Univers.
La figure ci-contre montre l’évolution de la distribution en énergie d’une galaxie ultralumineuse en fonction de son décalage vers le rouge (z ou redshift). Plus le décalage est important, plus le maximum de l’émission se déplace vers les grandes longueurs d’onde. Entre z=0.1 et z=5, le maximim de l’émission tombe dans la bande d’énergie couverte par le télescope Herschel (région bleue), ainsi parfaitement adapté à l’étude des galaxies lointaines. (En savoir plus sur la correction K)
Herschel réalisera une série de cartes très profondes dans différentes lignes de visées réparties judicieusement sur la sphère céleste de façon à éviter l’émission de notre propre Galaxie, ici source de contamination lumineuse. Les différents sondages seront ensuite moyennés pour corriger les fluctuations statistiques dues à la non-uniformité de l’Univers. En croisant ces observations avec des relevés complémentaires dans d’autres domaines de longueurs d’onde, il deviendra possible d’identifier avec précision la nature des objets détectés ainsi que leur distance et de reconstituer la partie manquante de l’histoire de l’Univers. Charge ensuite aux modélisateurs et aux théoriciens de fournir une description de l’Univers qui soit compatible avec l’histoire observée.