La sismologie : Qu’est-ce que c’est ? A quoi cela sert ?

La sismologie : Qu’est-ce que c’est ? A quoi cela sert ?

P.A.P. Nghiem et R.A. García

POURQUOI LA SISMOLOGIE ?

Le but est de sonder, d'étudier l'intérieur du Soleil (Héliosismologie) et des étoiles (Astérosismologie).
A première vue, ce but peut sembler tout à fait rédhibitoire. Comment aller voir ce qui se passe à des millions de kilomètres à l'intérieur de ces gigantesque boules de feu où la température dépasse le million de degrés ? Justement, il ne faut pas chercher à voir, mais à écouter.
Pour explorer un objet, on a à notre disposition deux sondes physiques :
– la lumière, qui généralement ne pénètre pas beaucoup en profondeur, permet d'explorer la surface de l'objet
– le son, qui se propage par nature même au sein de l'objet, nous donne des informations sur ses couches plus profondes.

Dans la vie courante, un coup d'oeil nous permet de savoir par exemple le matériau composant un objet, métal, bois, plâtre, cuir, etc. Mais l'aspect de surface peut aussi être trompeur ! Pour s'en assurer, on a l'habitude de donner de petits coups à l'objet et d'écouter le son qui en provient. Typiquement, c'est ce qu'on fait pour savoir si l'objet est plus ou moins creux ou vide à l'intérieur. Depuis des millions d'années, les animaux utilisent déjà ces techniques de sondage sonore. Les dauphins, les chauves-souris, … émettent des sons et écoutent leur réflexion pour localiser leurs proies avec une très grande précision. L'homme aussi s'y est mis, avec surtout les technologies d'ultrason. Citons comme exemples l'écholocation qui établit les cartes des fonds marins, l'échographie qui diagnostique le foetus encore dans le ventre de la mère.

La sismologie elle-même a été employée en premier pour sonder l'intérieur de notre Terre, en étudiant la propagation des ondes sonores générées par exemple lors des tremblements de terre (sismo vient du grec seismos –> secousse).

fig 1 : Representation du Soleil oscillant. Les noeuds sont les lignes noires et les ventres sont les regions bleues (mouvements de rapprochement) ou rouges (d’éloignement).

Or les « tremblements de Soleil », il y en a en permanence. Ils sont dus à l'évacuation par convection de la gigantesque quantité d'énergie produite en son centre, similaire au bouillonnement dans une casserole d'eau chauffée par le fond. Les sons produits parcourent donc en permanence le Soleil qui joue alors le rôle de caisse de résonance, comme pour un instrument de musique. De même que l'écoute d'une note de musique permet de juger de la nature et de la qualité de l'instrument qui l'a délivrée, les notes émises par le Soleil, en termes techniques les modes propres ou les fréquences propres, ou de résonance, vont permettre de déduire les paramètres physiques à l'intérieur du Soleil, comme la température, la densité, etc.

Apportons quand même une autre précision. Par opposition à la lumière, qui est une « onde électromagnétique » pouvant se propager dans le vide, le son qui est une « onde de matière », résultant de mouvements de matière, ne peut se propager en l'absence de matière. Or, entre le Soleil et nous, il y a quelques centaines de millions de kilomètres de vide… On est donc condamné à … voir le son.

COMMENT VOIR … LE SON ?

Avec un peu de sens d'observation, on peut dans certains cas voir le son, qui n'est autre qu' un mouvement de matière. Les fréquences de résonance en particulier sont très caractéristiques.

A une dimension (1D), typiquement une corde de guitare par exemple, une vibration (ou oscillation) de résonance se caractérise sur la corde par une succession de ventres et de noeuds de vibration, c-à-d. de points où les vibrations ont respectivement une élongation maximale ou nulle.

fig 1 : intéressants.Modes d’oscillations à une dimension (une corde par exemple). Cliquer ici pour animer la figure

A deux dimensions (2D), typiquement une peau de tambour, une oscillation de résonance peut être matérialisée avec du sable fin répandu régulièrement sur la surface. En tapotant avec une baguette toujours au même endroit, on verra se former les zones ventrales, où il y a absence de sable car c'est l'endroit qui a le plus vibré, et les lignes nodales, où le sable s'accumule car cet endroit est resté immobile.

fig 2 : Visualitation des modes d’oscillations sur une peau de tambour.

Plus précisément, on distingue les modes d'oscillations radiales, c'-à-d. avec une symétrie radiale, circulaire.

fig 3 : Modes d’oscillations radiales à 2 dimensions (surface plane). Cliquer ici pour animer les figures (fichiers mpeg).

et les modes d'oscillations non radiales, tels les modes dipolaires avec 2 zones ventrales et 1 ligne nodales, les modes quadrupolaires avec 4 zones ventrales et 2 lignes nodales, etc.

fig 4 : Modes d’oscillations non radiales a 2 dimensions. Cliquer ici pour animer les figures (fichiers mpeg).

A trois dimensions (3D), typiquement un ballon ou une sphère comme une planète ou une étoile, les oscillations de résonance sont caractérisées par 3 nombres appelés harmoniques sphériques : l, m, n. Ce sont respectivement le nombre de lignes nodales à la surface, le nombre de ces lignes qui coupent l'équateur, et le nombre de points nodals selon le rayon.

fig 5 : Modes d’oscillations à 3 dimensions (une sphère par exemple). Pour voir une animation 3D des oscillations, cliquer ici.

COMMENT VOIR LES MODES DE RESONANCE DU SOLEIL ?

Il faut scruter les mouvements à la surface du Soleil, afin de déterminer les zones ventrales (en mouvement), les lignes nodales (immobiles) et mesurer les fréquences de résonance de ces oscillations.

Il ne faut pas pour autant regarder le Soleil en face à oeil nu ! Les yeux vont être irrémédiablement perdus aussi bien … pour la science, que pour vous-même.

Avec un dispositif optique équivalent à un prisme qui étale la lumière blanche venant du Soleil en ses différentes composantes colorées, on étudie certaines raies d'absorption, par exemple celles du Sodium, qui se trouvent à des longueurs d'onde (couleurs) caractéristiques. Si le milieu où se trouve le Sodium en question est immobile par rapport à nous, ces longueurs d'onde vont avoir les valeurs qu'on connaît sur Terre. Si ce milieu est en mouvement, par effet Doppler, on va voir ces raies virer vers le rouge si c'est un mouvement d'éloignement, et vers le bleu si c'est un mouvement de rapprochement. Cela permet donc de mesurer à distance le déplacement de la surface du Soleil, et donc d'en déduire ses fréquences propres d'oscillation.

fig 6 : Etalement (=Dispersion) à l’aide d’un prisme, de la lumière blanche venant du Soleil, en ses composantes colorées (raies). fig 7 : Déplacement des raies vers le rouge, mouvement d’éloignement, (Redshifted) ou vers le bleu, mouvement de rapprochement (Blueshifted).

LES DEUX PRINCIPAUX TYPES DE RESONANCES : MODES ACOUSTIQUES ET MODES DE GRAVITE

Physiquement, les modes g ou de gravité sont des ondes de basse fréquence dont la force de rappel est la poussée d'Archimède et dont la limite externe de propagation est fixée par la zone convective. Par contre, une petite partie de leur énergie parvient a quitter la cavité sous forme d'ondes évanescentes : c'est sous cette forme que nous espérons les détecter. Les amplitudes espérées à la surface du Soleil sont de l'ordre du mm/s voire du dixième de mm/s. La fréquence supérieure de ces modes est, dans le cas solaire, d'environ 470 microHz, ce qui correspond à des périodes supérieures à 40 minutes.

fig 8 : Vue d’artiste. Éclaté du Soleil avec une représentation des trajectoires des modes p et g fig 9 : Trajectoires des ondes acoustiques (p). Les lignes bleues correspondent à des modes de bas degré pénétrant profondément l’étoile ; les lignes rouges sont des modes de haut degré, superficiels.

Les modes p ou modes acoustiques sont ceux où la force de rappel principale est la pression. Ils sont en tout point semblables aux ondes sonores. Les fréquences de ces modes sont centrées autour de 3 mHz, c-à-d des périodes de 5 minutes et leurs amplitudes individuelles sont de quelques cm/s.


Références

Kutz D.W., Kolemberg K., Kollath Z., Teixeira T., 2003 Comm. in Asteroseismology, vol. 143, p.12 (Postscript file)(1.8Mo)

ENEAS Public Outreach


Notes


[1] Résonance : Soumis à des vibrations, un objet a la propriété de favoriser, d'amplifier certaines fréquences de vibration bien définies, qui lui sont propres, car dépendant étroitement du matériau et des dimensions de l'objet. Lors de la construction d'un pont par exemple, on cherche toujours à déterminer se fréquences de résonances, et veiller qu'elles ne sont pas proches de celles des vibrations auxquelles il va être soumis, dues aux vents, aux voitures ou trains, etc. Il en va de même pour beaucoup de pièces de mécanique d'automobiles, d'avions, … Inversement, la mesure des fréquences propres d'un objet permet de connaître son matériau, ses dimensions, …

[2] Onde. Longueur d'onde. Fréquence :. Considérons une oscillation, ou vibration, régulière (dans le temps) autour d'une position d'équilibre d'une grandeur donnée, par exemple la position d'un pendule, un champ électrique, une pression. Quand cette oscillation se propage de proche en proche régulièrement (dans l'espace), on parle d'onde. on a alors affaire à un phénomène qui est périodique, c'-à-d. qui revient régulièrement au même état, dans l'espace et dans le temps. Pensez aux vagues à la surface de l'eau. Quand on se tient à un endroit fixe de l'espace, on appelle fréquence F le nombre de crêtes qui arrivent dans une durée donnée. Quand on fige le temps, en prenant une photo par exemple, on appelle longueur d'onde L la distance séparant deux crêtes. On conçoit aisément que plus la fréquence est élevée, et plus la longueur d'onde est courte.
Quand il s'agit d'oscillations de pression, on a affaire à une onde sonore. Le son est une somme de sons « purs » correspondant chacun à une valeur de F et L. Plus le son est aigu, plus F est grand, et L petit. Le tympan de l'oreille va vibrer beaucoup plus vite, plus fréquemment, au contact d'un son aigu, que d'un son grave. En dehors du spectre audible par l'oreille humaine, on note les ultrasons qui s'étendent vers les grands F, et les infrasons vers les petits F.
Quand il s'agit d'oscillations du champ électromagnétique, on a affaire à une onde électromagnétique. Elles comportent une partie à laquelle l'oeil est sensible, on parle alors de lumière, c'est le spectre visible, s'étendant du violet (L petit, F grand) au rouge (L grand, F petit). A chaque couleur « pure » correspond un F et un L précis. Mais le spectre de ces ondes est en grande partie invisible à l'oeil: vers les petits L, c'est l'ultraviolet, les rayons X, … et vers les grands L c'est l'infrarouge, les ondes radios, microondes, radars,…

[3] Effet DOPPLER : Considérons maintenant une source émettrice d'ondes. Pensez par un exemple à quelqu'un qui nous lance des projectiles à une cadence (fréquence) donnée. Plaçons cette personne dans un véhicule qui s'avance vers nous, on va voir que ces projectiles nous arrivent à une fréquence plus élevée. Par contre, si le véhicule s'éloigne de nous, on va voir que cette fréquence est plus faible.
Si la source est un moteur de voiture émettrice d'onde sonore, on comprend pourquoi une voiture qui s'approche de nous émet un son plus aigu par rapport au bruit qu'elle émet à l'arrêt, et au contraire plus grave lorsqu'elle s'éloigne.
Si la source est émettrice de lumière d'une couleur donnée, la couleur va virer vers le bleu quand elle se rapproche, et vers le rouge quand elle s'éloigne.
C'est selon ce principe que l'on mesure les vitesses des étoiles par rapport à nous, que l'on sait que toutes les étoiles s'éloignent les unes des autres, que l'univers est en expansion.
C'est aussi selon ce principe que la Police détecte les vitesses des voitures. En illuminant les voitures avec les radars, il suffit de comparer la fréquence du radar immobile à celle du signal réfléchi par les voitures.

[4] Raie d'absorption, d'émission :.Chaque matériau peut absorber ou émettre de la lumière à des longueurs d'ondes, des « couleurs » bien spécifiques. De façon globale, on peut voir qu'une flamme de méthane, ou d'argon, un tube halogène ou fluorescent, n'émettent pas une lumière de même couleur. En faisant passer cette lumière à travers un dispositif comme un prisme ou simplement une fente mince, on étale ces couleurs dans l'espace, et on a accès plus précisément au spectre de toutes les raies absorbées ou émises. Chaque matériau a alors un spectre propre, lié à leur état atomique.
C'est de cette manière qu'on connaît la composition des gaz à la surface d'étoiles qui sont situées à des années-lumière de nous.