Débris de marée et amas d’étoiles

Débris de marée et amas d’étoiles

Des simulations numériques de collisions de galaxies expliquent la formation des amas globulaires

Les amas globulaires sont des concentrations très importantes d’étoiles liées entre elle par la gravitation. On les observe notamment plus nombreux autour des galaxies elliptiques qu’autour des spirales. Comme les premières se forment à partir de collision des secondes, une équipe du Service d’Astrophysique du CEA-Irfu en collaboration avec l’Observatoire de Lyon a étudié en détail la formation et l’évolution des amas d’étoiles lors de la collision de deux galaxies spirales. Les résultats obtenus à l’aide de puissantes simulations numériques montrent de façon spectaculaire qu’un grand nombre de structures stellaires compactes, des amas globulaires, entourent la galaxie elliptique formée. Ces travaux, publiés dans les Lettres de la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, expliquent ainsi la sur-abondance des amas globulaires observée autour des galaxies elliptiques.

Amas ouverts et amas globulaires

Le gaz interstellaire des galaxies forme régulièrement de nouvelles générations d’étoiles, qui naissent rarement seules. La plupart naissent dans des amas “ouverts”, contenant quelques centaines d’étoiles. Ces amas ouverts se dispersent rapidement dans le disque des galaxies spirales. Les amas globulaires, extrêmement compacts, peuvent contenir plus d’un million d’étoiles dans un espace de quelques années-lumière. Ils ne se dispersent pas, mais survivent plusieurs milliards d’années, et certains sont aujourd’hui presque aussi vieux que l’Univers lui-même. Leur origine demeure assez mystérieuse. On les observe notamment plus nombreux autour des galaxies elliptiques (sphéroïdales), qu’autour des spirales (disques en rotation comme notre Voie lactée).

47 Tucanae (NGC 104) est un remarquable amas globulaire visible à l’oeil nu dans l’hémisphère sud. (crédit ESO)

Collisions sur ordinateurs

Les collisions entre galaxies spirales ne sont pas rares, et les spirales fusionnent alors en galaxies elliptiques. Puisque ce sont les collisions de galaxies spirales qui forment les galaxies elliptiques, et que c’est autour de ces dernières que les amas globulaires sont les plus nombreux, l’équipe de chercheurs a décidé d’utiliser la puissance de calcul des ordinateurs du CEA pour simuler la collision de deux galaxies spirales.

Les simulations numériques sur supercalculateurs permettent de reproduire l’évolution des galaxies en collisions. A partir de conditions initiales similaires aux galaxies observées, l’ordinateur calcule l’évolution gravitationnelle des étoiles, du gaz, et de la matière noire qui entoure les galaxies. La formation stellaire et l’interaction entre les étoiles jeunes et le gaz sont prises en compte.




Résultat de la simulation numérique : la galaxie elliptique centrale, résidu de la collision-fusion de deux galaxies spirales, est entourée d’une centaine de structures stellaires compactes, qui ne sont autres que des amas globulaires nouvellement formés, directement résolus pour la première fois dans cette simulation numérique. La pression du gaz dans les galaxies en collision est telle que les étoiles se sont formées dans ces amas massifs et compacts et non dans des amas ouverts. (Crédit : F. Bournaud/CEA-Irfu/CCRT).

Des simulations seulement possibles sur les grands calculateurs

Seule la puissance des supercalculateurs du CCRT, le Centre de Calcul Recherche et Technologie du CEA, a permis de réaliser la simulation d’une collision de deux galaxies spirales avec une résolution jamais atteinte à ce jour. Les étoiles, le gaz interstellaire, et la matière noire y sont modélisées à l’aide de 36 millions de « particules » numériques. Pour la première fois, la formation des amas d’étoiles y est directement résolue ; c’est la haute résolution des simulations modernes qui rend possible une telle performance : la masse de certains amas stellaires observés dans cette simulation est moins d’un millionième de la masse totale des galaxies modélisées.
Cette simulation a nécessité une cinquantaine d’heures de calculs sur le supercalculateur vectoriel NEC-SX8R. Sans un tel supercalculateur, il aurait fallu disposer de trente ordinateurs de bureau pour pouvoir stocker tous les paramètres physiques de la simulation, et le calcul aurait duré près de deux ans.


Contact : Fréderic Bournaud

Publications :

« High-resolution simulations of galaxy mergers: Resolving globular cluster formation« 
F. Bournaud, P.-A. Duc and E. Emsellem
A paraître dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Letters
Version électronique, format pdf, 270 Ko

Ces résultats sont présentés lors d’une conférence de presse « nouvelles scientifiques » à l’occasion des Journées 2008 de la SF2A (1 juillet 2008)

Résultats parus dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Letters, vol 389, p. 8 (2008)

– Voir aussi le communiqué de presse du CEA-INSU-CNRS du 26 septembre 2008

– Pour en savoir plus  : D’où viennent les galaxies satellites ? (juin 2006)


Rédaction: Fredéric Bournaud et Christian Gouiffès