Une carte géante de l’Univers chaud
Un groupe international d’astronomes conduit par Maguerite Pierre du Service d’Astrophysique-AIM du CEA-Irfu vient de débuter le plus grand sondage en rayons X jamais entrepris dans le but d’établir une carte 3D de l’univers chaud et d’étudier l’énergie noire, une hypothétique composante de l’univers responsable de l’accélération de l’expansion. Ce projet baptisé XXL va mobiliser plus de 800 heures d’observation réparties sur 2 ans, réalisées grâce au satellite européen à rayons X XMM-Newton. Elles couvriront deux régions du ciel de 25 degrés carrés chacune, soit cent fois la surface de la Lune, dans le but d’établir pour la première fois une carte complète des amas de galaxies lointains. Leur répartition dans l’espace fournit en effet une des meilleures contraintes sur la nature et les propriétés de l’énergie noire. Les objectifs de cette carte XXL sont décrits en détail dans la revue Monthly Notices Roy. Astr. Soc. d’avril 2011.
Amas de galaxies et énergie noire
Les amas de galaxies sont les objets les plus massifs connus dans l’univers. Ils regroupent jusqu’à plusieurs milliers de galaxies ainsi qu’une grande quantité de gaz chaud occupant l‘espace entre les galaxies. Ils sont issus des petites fluctuations de densité de matière dans l’univers primordial, produites il y a environ 13 miliards d’années, selon un scenario dont de nombreuses hypothèses sont encore à clarifier. Au cours du temps, ces petites fluctuations croissent sous l’action combinée de leur propre gravité et de l’expansion de l’univers : des grumeaux de matière s’assemblent puis s’ordonnent en filaments pour converger en des régions plus denses qui donneront naissance aux amas de galaxies. Il se forme en même temps des régions presque vides de matière, les « vides cosmiques » donnant à l’univers en structure en « bulles de savons ». La répartition exacte dans l’espace des amas de galaxies dépend donc fortement des caractéristiques de l’expansion et de l’énergie noire qui y participe.
La recherche des amas de galaxies lointains
Le gaz contenu dans les amas de galaxies atteint des températures de plusieurs millions de dégrés qui le rend visible en rayons X jusqu’à des distances importantes alors que la lumière visible provenant des galaxies elles-mêmes est rapidement absorbée. Pour dresser la carte complète de ces amas, les chercheurs vont donc utiliser XMM-Newton, le satellite européen en orbite depuis 1999, qui comporte trois télescopes à rayons X capables de voir les plus gros amas jusqu’à des distances de dix millards d’années-lumière. Selon les calculs, plus de 500 amas nouveaux devraient être découverts permettant de reconstituer la texture exacte de l’univers dans le passé. Les distances exactes des amas seront déterminées en mesurant la vitesse de récession des galaxies des amas grâce à de puissants télescopes au sol comme le VLT à l’ESO. Le champ de vue de XMM-Newton étant seulement de 0,5 degrés, les deux régions du ciel d’une surface totale de 25 degrés-carrés vont être couvertes par une mosaïque de 450 observations de 2h45 chacune. XXL est le plus grand programe d’observation jamais alloué pour XMM.
Le programme XXL réunit un consortium international de plus de 50 chercheurs, pour réaliser et analyser la carte de ces deux régions d’univers. Selon Marguerite Pierre qui coordonne le groupe « les calculs théoriques montrent qu’avec les amas de galaxies, on pourra atteindre une excellente précision dans la caractérisation de l’équation d’état de l’énergie sombre » en ajoutant « ce sont des objectifs accessibles tout de suite et qui fourniront immédiatement au moins 50% de la précision attendue avec d’autres missions futures de nouvelle génération comme Euclid qui pourraient voir le jour à l’horizon 2020″. Les calculs théoriques ont été réalisés par une équipe réunissant des chercheurs du Service d’Astrophysique (SAp), du Service de Physique des Particules (SPP), de l’institut de Physique Théorique (IPht) du CEA ainsi que de l’université de Bonn et de l’observatoire de Paris-Meudon. Le programme XXL fait suite au projet pilote XMM-LSS – également conduit par le SAp – qui a démontré la faisabilité technique de l’ensemble en réalisant un premier relevé sur 10 degrés carrés [1] et qui a permis de mettre au point les méthodes d’analyse ainsi que les outils de gestion des données.
Contact : Marguerite PIERRE
M. Pierre (1), F. Pacaud (2), J.B. Juin (3), J.B. Melin (1), N. Clerc (1), P.S. Corasaniti (5)
(1) DSM/Irfu/SAp-SPP, CEA-Saclay, France, (2) Université Bonn, Allemagne (3)Université du Chili, Santiago, Chili, (5) CNRS, Observatoire de Paris-Meudon, France
publié dans Monthly Notices Roy. Astr. Soc d’avril 2011 (pour une version électronique fichier PDF)
voir aussi – « Le plus grand catalogue de sources de rayons X de l’Univers » (7 septembre 2007)
– « L’Univers profond sondé par le satellite XMM-Newton » (16 juillet 2003)
Pacaud, F. et al. (2007) MNRAS vol. 382, p. 1289 (pour une version électronique fichier PDF)
Rédaction: M. Pierre, J.M. Bonnet-Bidaud