Le télescope spatial Herschel minore le rôle des collisions de galaxies
Les observations effectuées sur le télescope spatial Herschel de l’ESA montrent que les collisions entre galaxies ne jouent qu’un rôle secondaire dans le processus de formation des étoiles. A l’époque où la plupart des étoiles se sont formées, les quantités de gaz en jeu dans les galaxies étaient suffisantes pour engendrer « spontanément » une production nourrie d’étoiles. Ces résultats, obtenus dans le cadre du programme international GOODS-Herschel[1], qui réunit, côté français, des chercheurs du CEA, du CNRS, et des universités Pierre et Marie Curie, Paris Diderot, Paris-Sud et de Provence , soutenus par le CNES , décrivent un scénario de l’évolution des galaxies moins tourmenté que ne le pensaient les scientifiques. Ils sont publiés en ligne le 13 septembre dans la revue Astronomy and astrophysics.
Collisions de galaxies et formation d’étoiles
On sait depuis de nombreuses années que le pic de formation des étoiles s’est produit dans l’univers il y a environ 10 milliards d’années. Certaines galaxies étaient alors très prolifiques et pouvaient donner naissance à 10 voire 100 fois plus d’étoiles que ce que l’on observe dans l’univers proche. Jusqu’à ce jour, les astronomes ne disposaient pas d’instruments capables d’observer dans l’infrarouge lointain cette période très reculée de l’univers. Or les étoiles naissent dans des nuages de poussière qui absorbent leur lumière. Pour observer leur formation, on doit donc mesurer la chaleur de ces nuages à travers leur rayonnement de lumière infrarouge. Les chercheurs construisaient donc leurs hypothèses par extrapolation avec les phénomènes observés dans l’univers plus proche, où seules les galaxies ayant subi un processus de fusion entre deux galaxies sont capables d’engendrer un taux de production élevé d’étoiles. Sous l’effet de la collision, certaines régions sont en effet tellement comprimées que le gaz qu’elles contiennent atteint des densités suffisantes pour engendrer des gerbes d’étoiles. Cette production d’étoiles très localisée et dans le temps et dans l’espace, issue de la fusion de galaxies, est appelée starburst.
Dans l’Univers lointain, en présence de galaxies très lumineuses, les astronomes privilégiaient jusqu’ici ce scénario d’une collision entre deux galaxies. En présence d’objets moins lumineux, ils tablaient sur un scénario moins agité, dit « normal », dans lequel les étoiles naissent de façon plus régulière, en se distribuant plus largement dans l’espace.
Un scénario minoré
Les images obtenues dans l’infrarouge lointain grâce au télescope spatial Herschel viennent contredire ce double scénario. Dans le cadre du programme international GOODS-Herschel, piloté par David Elbaz du CEA-Irfu, les astrophysiciens ont pointé le télescope spatial Herschel vers deux régions du ciel, GOODS nord et sud, et ont pris dans cette direction les images les plus profondes du ciel jamais réalisées en infrarouge. Ils ont ainsi pu observer 2000 galaxies et couvrir 80% de l’âge du cosmos. En comparant la quantité de lumière infrarouge libérée dans différentes longueurs d’onde par ces galaxies, l’équipe a montré que les galaxies ayant un taux de formation d’étoiles très élevé n’avaient pas pour autant subi de collision.
Une formation d’étoiles tout en douceur
Quand une collision entre deux galaxies se produit, la violence du phénomène engendre une production d’étoiles massives, mais soudaine et très concentrée, ce qui provoque la destruction de certaines molécules plus fragiles qui engendrent une large part du rayonnement infrarouge moyen émis par la galaxie. En étudiant le rapport entre ce rayonnement infrarouge moyen et le rayonnement infrarouge lointain, les chercheurs ont constaté que ce rapport était proportionnel à la taille des régions de formation d’étoiles : bien que très lumineuses, les galaxies présentent le même rapport universel que les galaxies proches de type « normal » ; elles n’ont donc pas subi de destruction de ces particules plus fragiles sous l’effet d’une collision. En superposant ces résultats obtenus dans l’infrarouge avec les observations faites dans d’autres longueurs d’ondes (dans l’ultra-violet pour les galaxies lointaines grâce au télescope spatial Hubble et dans le domaine radio pour les galaxies proches), les chercheurs ont pu étudier plus précisément la distribution des étoiles dans ces galaxies de forte luminosité : alors que dans le cas des starburst, la production d’étoiles se concentre en une région de la galaxie assez circonscrite, il s’avère que ces galaxies de forte luminosité ont une distribution régulière dans l’espace. Le processus de collision entre galaxies serait donc un phénomène minoritaire. Ces observations permettent de dégager un mode de formation stellaire universel et une relation finalement très simple : plus une galaxie contient du gaz, plus elle donne naissance à des étoiles. « Les collisions sont nécessaires à la production de taux élevés d’étoiles seulement dans les galaxies qui n’ont plus assez de gaz », explique David Elbaz. Cela s’applique aux galaxies actuelles qui, après avoir formé des étoiles pendant plus de 10 milliards d’années, ont utilisé la plupart de la matière première gazeuse. Les starburst tiennent finalement un rôle assez anecdotique dans le processus de formation des étoiles à l’échelle de l’histoire de l’univers. Ces phénomènes violents sont davantage une exception qui confirme la règle qu’un scénario concurrent au processus de formation dit « normal », beaucoup moins chaotique.
Contact : David Elbaz (CEA)
« GOODS-Herschel: an infrared main sequence for star-forming galaxies »
D.Elbaz, M.Dickinson, H.S.Hwang, T.Diaz-Santos, G.Magdis, B.Magnelli, D.Le Borgne, F.Galliano, M.Pannella, P.Chanial, L.Armus, V.Charmandaris, E.Daddi, H.Aussel, P.Popesso, J.Kartaltepe, B.Altieri, I.Valtchanov, D.Coia, H.Dannerbauer, K.Dasyra, R.Leiton, J.Mazzarella, V.Buat, D.Burgarella, R.-R.Chary, R.Gilli, R.J.Ivison, S.Juneau, E.LeFloc’h, D.Lutz, G.E.Morrison, J.Mullaney, E.Murphy, A.Pope, D.Scott, D.Alexander, M.Brodwin, D.Calzetti, C.Cesarsky, S.Charlot, H.Dole, P.Eisenhardt, H.C.Ferguson, N.Foerster-Schreiber, D.Frayer, M.Giavalisco, M.Huynh, A.M.Koekemoer, C.Papovich, N.Reddy, C.Surace, H.Teplitz, M.S.Yun, G.Wilson
à paraître dans la revue Astronomy and Astrophysics, 13 septembre 2011
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Voir : le texte du communiqué de presse CEA/CNES/CNRS-INSU/Université Paris-Sud 11
le communiqué de l’ESA (en anglais)
Voir également : » Un quasar ‘nu’ pris en flagrant délit » , novembre 2009
» Les galaxies sont-elles timides ? « , juin 2002
Pour en savoir plus : Site Herschel France
Site Herschel ESA
Notes :
[1] Le projet Goods (Great Observatories Origins Deep Survey) est un grand programme international d’observation dans toutes les longueurs d’onde de deux portions du ciel centrées autour du HDF-N (Hubble deep field – North) et du CDF-S (Chandra deep field – South). L’objectif de ce programme coordonnant les efforts des plus grands observatoires spatiaux et terrestres (HST, Chandra, Spitzer, XMM-Newton, ESO-VLT, Keck, VLA,…) est notamment de retracer l’histoire de la formation et de l’évolution des galaxies. GOODS-Herschel, une collaboration internationale, participe à cet ambitieux projet en ouvrant la fenêtre spectrale de l’infrarouge lointain.