Cannibalisme dans un quintette de galaxies révélé par la caméra MegaCam du CEA

Cannibalisme dans un quintette de galaxies révélé par la caméra MegaCam du CEA

Une cohabitation galactique plus mouvementée que prévu

La caméra MegaCam développée au CEA-Irfu vient de révéler des structures jusqu'ici insoupçonnées au sein du célèbre Quintette de Stephan, une spectaculaire association de cinq galaxies. La découverte d'un halo rouge très étendu, constitué de vieilles étoiles, et centré sur l'une des galaxies elliptiques, NGC 7317, montre que le groupe de galaxies est encore en très forte interaction, un aspect totalement ignoré dans les études précédentes. Cette interaction montre que le Quintette de Stephan est encore le théâtre d'un cannibalisme galactique généralisé, en contradiction avec les prédictions théoriques actuelles qui devront donc être révisées. Ces résultats d'une équipe de l'Observatoire astronomique de Strasbourg, du Département d'Astrophysique du CEA et de l'observatoire de Lund (Suède) sont publiés dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society de janvier 2018.

En groupe, les galaxies se cannibalisent

La caméra MegaCam, construite au CEA-Irfu et placée au foyer du télescope de 3,6m de diamètre du Télescope Canada-France-Hawaii (CFHT), permet d'obtenir des images multi-couleur profondes d'un grand champ du ciel (environ un degré carré, soit 4 fois la surface de la pleine Lune). Elle est particulièrement adaptée pour étudier les groupements de galaxies. Un des plus célèbres de ces groupes est une association de cinq très belles galaxies, situées dans la constellation de Pégase, à environ 340 millions d'années-lumière de la Terre.
Ce groupe spectaculaire a été baptisé « Quintette de Stephan », du nom de l'astronome français Édouard Stephan qui l'a observé pour la première fois en 1878. En realité, six galaxies semblent former le groupe mais la sixième (NGC 7320) est située en avant plan, à seulement 40 millions d'années-lumière, et son alignement apparent dans la ligne de visée n'est que le fruit du hasard

Ce genre de groupe sert de prototype aux astrophysiciens pour étudier l'évolution collective des galaxies, soumises à toutes sortes de processus: interactions et collisions lentes, formation de multiples queues dites de marée, chocs galactiques à grande vitesse, balayage du gaz, flambée de formation stellaire et d'amas intergalactique. Par l'effet de la gravitation, ces galaxies en groupe se cannibalisent les unes les autres, se déchirant ou fusionnant au gré de leurs successives interactions. A terme, ce phénomène de cannibalisme galactique généralisé finit par aboutir à la formation d'une unique galaxie elliptique géante. A cause de ces spécificités, le Quintette de Stephan a été l'objet d'un grand nombre d'études basées sur les observations multi-longueur d'onde mais aussi sur les simulations numériques.

Image grand champ dans les longueur d’onde optiques (composite RGB) réalisée grâce à la caméra MegaCam sur le télescope Canada-France-Hawaï (CFHT). L’imagerie profonde permise par la caméra MegaCam révèle un grand nombre de structures galactiques et extragalactiques, apparaissant comme des nébulosités. En bas, légèrement à droite, le groupe de cinq galaxies, baptisé « Quintette de Stephan » (cercle blanc). Crédits: CFHT, Pierre-Alain Duc (Obs. de Strasbourg) & Jean-Charles Cuillandre (CEA Saclay/Obs. de Paris)

Image profonde des groupes de galaxies

Les images MegaCam ont révélé pour la première fois autour du Quintette de Stephan un grand nombre de structures galactiques et extragalactiques, certaines étendues et de très faibles brillances de surface, parmi lesquelles des cirrus de la Voie Lactée, de fins filaments de poussières situés en avant-plan.

Mais, au coeur même du Quintette de Stephan, MegaCam a également révélé la présence d'un halo rouge, formé de vieilles étoiles et centré sur la galaxie elliptique NGC 7317, une galaxie du quintette qu'on pensait inerte ou récemment arrivée. Ce halo implique au contraire que cette dernière interagit depuis très longtemps avec les autres membres du groupe. Le Quintette de Stephan serait donc bien plus âgé qu'on ne l'imaginait et les modèles de formation et d'évolution de ce système emblématique doivent donc être révisés.

A gauche : zoom sur le Quintette de Stephan. L’image MegaCam révèle un halo lumineux – Crédits: CFHT/Coelum, Jean-Charles Cuillandre (CFHT/CEA Saclay/Obs. de Paris) & Giovanni Anselmi (Coelum). A droite, les 4 galaxies identifiées NGC7317, NGC7318a, NGC7318b et NGC7319 sont en interaction (la galaxie 7320 est en réalité une galaxie d’avant-plan). Le halo lumineux est souligné en rouge (Crédits P.A. Duc, Obs Strasbourg).

Ce travail illustre le regain d'intérêt que connaît actuellement l'imagerie profonde optique des galaxies proches. Plusieurs programmes d'observation, dont plusieurs réalisés au CFHT qui est particulièrement bien adapté pour ces études, s'attachent à reconstruire l'histoire passée des galaxies grâce à la détection dans leur environnement de ces structures faibles et étendues, une technique connue sous le nom d'archéologie galactique.

Le calendrier « Hawaiian Starlight »

L'image complète grand champ, capturée par la camera MegaCam et incluant le quintette de Stephan, était initialement destinée à illustrer l'édition 2018 du calendrier du CFHT. Chaque année, sous la direction de Jean-Charles Cuillandre (DAp-CEA), le CFHT produit en collaboration avec l’éditeur italien Coelum un calendrier « Hawaiian Starlight » sur la base de belles images du ciel capturées par MegaCam


Contact : Jean-Charles Cuillandre

Publication :
« Revisiting Stephan’s Quintet with deep optical images« 
Pierre-Alain Duc, Jean-Charles Cuillandre and Florent Renaud
publié dans la revue MNRAS de janvier 2018,
pour une version électronique :
arxiv.org/pdf/1712.07145

CFHT Images : – Image grand champ MegaCam centrée sur la galaxie spirale proche NGC 7331
Image CFHT du Quintette de Stephan

Voir aussi : le communiqué de presse du CFHT (5 février 2018)

Voir également : L'énigmatique galaxie méduse elliptique (19 mai 2017)
Une vision fine des cirrus galactiques (12 juillet 2016)


Rédaction: J.C. Cuillandre, P.A. Duc, J.M. Bonnet-Bidaud