Palpitations de stars

Palpitations de stars

Mesure de la masse des étoiles par leurs oscillations

L’étude d’un échantillon de 500 étoiles de type solaire vient de fournir une mesure indirecte precise de leurs masses et de leurs rayons grâce à la technique révolutionnaire de l’asterosismologie. Cette analyse des ondes sonores qui se propagent à l’intérieur des étoiles a atteint une précision suffisante pour fournir ces paramètres essentiels qui jusqu’ici n’était connus qu’avec une grande approximation. Près de 50 ans après la découverte des premières oscillations dans le Soleil, les astronomes ont pour la première fois à leur disposition une nouvelle méthode pour mesurer les étoiles et tester leurs modèles théoriques. Ces résultats, auxquels ont contribué Rafael Garcia et Katrien Uytterhoeven du Service d’Astrophysique du CEA-Irfu au sein d’une équipe internationale [1], sont publiés dans la revue Science du 8 avril 2011

Jauger les étoiles

La mesure des paramètres essentiels des étoiles comme leurs masses et leurs rayons est en général très difficile à réaliser avec précision. Des évaluations sont possibles à partir de la mesure de la luminosité et de la distance des astres mais les incertitudes associées sont importantes. Dans de très rares cas seulement, par exemple lorsque des étoiles sont en couple montrant des éclipses, les mesures atteignent une précision suffisante pour pouvoir etre comparées aux prévisions des modèles théoriques. Jusqu’ici, seules moins de 200 étoiles avaient vu leur masse évaluée ainsi.

Depuis la découverte d’oscillations à la surface des étoiles, ces petites vibrations périodiques qui se traduisent par de très faibles variations de luminosité, il a été réalisé que leurs fréquences permettaient non seulement de sonder l’intérieur des astres mais aussi de mesurer leur masse et leur rayon, de façon totalement indépendante des autres méthodes connues jusque là. Les oscillations d’étoiles sont des vibrations en général déclenchées par des mouvements turbulents proches de sa surface, qui se propagent dans toute l’étoile et la font résonner comme un gong. Comme en musique, le « son » résultant est une superposition de « notes » de différentes fréquences. Ces fréquences et leurs harmoniques sont directement reliées à la masse et au rayon de l’étoile et également à sa température de surface.

L’échantillon complet des 500 étoiles mesurées grâce au satellite Kepler. Ces étoiles representent un large eventail de de magnitude visuelle (de 7 à 11) et de luminosité. Chaque point représente une étoile (la taille du point est proportionnel à la qualité de la mesure). L’échantillon recouvre différentes température et stades d’évolution des étoiles entre le Soleil (marqué par un cercle) et l’état de géantes rouges, vers le haut à droite. Les étoiles évoluent le long des lignes pointillés. Crédits Kepler/NASA

Pour la première fois, un large echantillon de 500 étoiles de type proche du Soleil a pu être étudié grâce aux données réceuillies par le satellite Kepler en orbite depuis mars 2009. Ce satellite a pour objectif principal la recherche de planètes et surveille en permanence plus de 150 000 étoiles dans les constelations du Cygne et de la Lyre. La mesure précise et ininterrompue de la luminosité des étoiles depuis l’espace est un moyen infaillible pour mesurer les vibrations stellaires.

Des écarts de masse avec les modèles théoriques

L’echantillon est suffisamment complet pour pouvoir être comparé avec les prévisions théoriques issues des modèles de structre interne des étoiles. Les mesures par l’asterosismologie du rayon des étoiles ont été trouvées tout à fait conformes aux prévisions. En revanche, les masses montrent une nette différence. Les masse mesurées des étoiles sont systématiquement plus faibles que celles prévues par les modèles.

La répartition des masses (haut) et des rayons (bas) mesurés grâce aux oscillations stellaires dans un échantillon de 500 étoiles. La répartition mesurée (histogramme en noir) est comparée aux prévisions théoriques (histogramme en rouge). L’écart est nettement visible pour les masses. Crédits Kepler/NASA

Cette différence est extrêmement importante car elle pourrait révéler des insuffisances dans les modèles théoriques, par exemple une sous-estimation des mouvements internes aux étoiles. Elle pourrait aussi être due à l’existence dans l’échantillon de systèmes d’étoiles doubles non résolues où deux étoiles sont confondues en une seule. Plusieurs milliers d’étoiles en cours de mesure devraient permettre de confirmer bientôt la nature de cet écart.

Une étrange étoile triple

Les mesures du satellite Kepler ont également révélé un unique système d’étoile triple composé d’une étoile géante rouge accompagnée de deux naines rouges. Ce système a révélé que les oscillations de la géante rouge sont supprimées par la présence des deux plus petites étoiles naines rouges qui tournent en ballet autour d’elle. Ces résultats, publiés également dans la revue Science du 8 avril 2011, montre combien fructueuse est la nouvelle méthode de l’astérosismologie car elle est sensible aux moindres perturbations qui affectent les étoiles.

Dans le système HD181068, une étoile géante rouge centrale est entourée de deux plus petites étoiles naines rouges qui tournent autour d’elle. La présence de ces compagnons est capable de supprimer les oscillations de l’étoile centrale. Crédits : Daniel Huber, Université de Sydney, Australie.

« Dans ce cas, il a été crucial de completer les données de Kepler par des observations au sol » souligne Katrien Uytterhoeven du Service d’Astrophysique du CEA-Irfu qui a été responsable de l’organisation de ces observations complémentaires « le satellite Kepler ne peut fournir toutes les caractéristiques et les données precises sur les couleurs et le spectre des étoiles restent indispensables ».


Contact : Rafael GARCIA et Katrien UYTTERHOEVEN

Publications :

« Ensemble asteroseismology of solar-type stars with the NASA Kepler Mission »
Chaplin et al. (2011) publié dans la revue Science du 8 avril 2011 (pour une version électronique
fichier PDF
)
voir – le communiqué de presse de l’Université de Birmingham (8 avril 2011, en anglais)
le communiqué de presse Kepler-NASA (8 avril 2011, en anglais) « HD181068 : A Red Giant in a Triply-Eclipsing Compact Hierarchical Triple System. »
Derekas et al. (2011), publié dans la revue Science du 8 avril 2011(pour une version électronique
fichier PDF
)
voir – le communiqué de l’Observatoire Konkoly (Hongrie) (8 April 2011, en anglais)

le communiqué de l’Université de Sydney (Australie) (8 April 2011, en anglais)
le communiqué Kepler-NASA (8 April 2011, en anglais)
– « Kepler star trio find is mystery to astroseismologists » – BBC News (8 April 2011, en anglais)

voir aussi – « Le coeur des étoiles géantes révèle leur source d’énergie » (31 mars 2011)
– « Des astronomes prennent le pouls d’une étoile géante » (17 mars 2011)
– « Astérosismologie et activité magnétique » (27 aout 2010)
– « Premiers résultats astérosismologiques du satellite KEPLER » (1 mars 2010)
– « Pulsations d’étoiles » (20 octobre 2009)

Notes :

[1] Le consortium scientifique pour l’astérosismologie sur Kepler (KASC) regroupe des chercheurs internationaux avec une participation importante de laboratoires européens parmi lesquels l’université de Arhus (Danemark), l’Institut astronomique de Louvain (Belgique), l’université de Birmigham (U.K.), l’Observatoire de Paris-Meudon (LESIA, Meudon), l’Institut d’Astrophysique Spatiale (Orsay) et le Service d’Astrophysique du CEA-Irfu. Le financement de la mission Kepler Mission est fourni par le département des missions scientifiques de la NASA. Les auteurs remercient toute l’équipe derrière Kepler.


Rédaction: J.M. Bonnet-Bidaud