Migration planétaire: les effets magnétiques changent-ils la donne ?
Une grande partie des exoplanètes connues aujourd’hui sont en orbite très proche autour de leur étoile, permettant des interactions très intenses entre les planètes et l'étoile hôte. Une collaboration internationale, menée par des chercheurs du Département d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu, a montré que ces planètes en orbite proche migrent rapidement, dû à l’effet conjoint des forces de marées et des forces magnétiques. Cette étude apporte des éléments essentiels pour la compréhension de la formation et de l’évolution des systèmes étoile-planètes. Ces effets de migration devraient être prochainement observables par des missions comme PLATO (PLAnetary Transits and Oscillations of stars) de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) qui vont étudier la zone d'habitabilité des planètes. Ces résultas sont publiés dans la revue Astrophysical Journal Letters d'octobre 2017.
Les planètes migrantes
Depuis leur première découverte en 1995, plus de 3600 planètes autour d’étoiles autre que le Soleil ont été détectées. Tous ces systèmes exo-planétaires présentent une grande diversité de planètes, d’étoiles hôtes et de répartition des orbites, ce qui amène les astrophysiciens à envisager des environnements exoplanétaires très différents de ceux que nous connaissons dans notre système solaire. Parmi ceux-ci, de nombreux systèmes sont dits « compacts », car une ou plusieurs planète(s) sont en orbite très proche autour de leur étoile. Nous ne savons pas aujourd’hui si ces planètes se sont formées au voisinage immédiat de leur étoile ou si elles ont migré ou migreront au cours de la vie du système, s’éloignant ou se rapprochant au cours de l'évolution de l'étoile.
L'interaction complexe d'une planète avec son étoile
La migration d’une planète en orbite proche peut être causée par deux mécanismes complémentaires. D’une part, les forces magnétiques sont à l’origine d’une interaction entre le champ magnétique de la planète et le vent de matière magnétisé issu de l’étoile. D’autre part, les forces gravitationnelles de marées, semblables à celles exercées par la Lune et le Soleil sur la Terre, génèrent un écoulement à grande échelle (la marée d’équilibre) dû à l’élongation du corps dans la direction du compagnon, ainsi que des ondes similaires aux marées océaniques terrestres (les marées dynamiques). En raison de ces marées, la Lune s'éloigne de la Terre petit à petit (environ 3.8 cm/an). Dans le cas des systèmes planétaires, la dissipation de ces flots génèrent des déformations en retard ou en avance par rapport à la ligne reliant la planète au centre de l’étoile. Selon la relation entre la période de rotation de l'étoile centrale sur elle-même et la période de révolution de la planète, un couple dû à ces marées s'applique alors. Il peut être positif ou négatif et la planète peut se rapprocher ou s'éloigner de l'étoile.
En utilisant des lois d’échelles déduites de principes fondamentaux de la physique (à la fois de calculs semi-analytiques et de simulations numériques ab initio), les chercheurs ont montré pour la première fois que les deux mécanismes pouvaient jouer un rôle prédominant sur la migration planétaire. Selon la masse de l’étoile centrale, le type de planète (géante gazeuse ou tellurique), et la vitesse de rotation de l’étoile, l’un des mécanismes peut dominer l’autre. Ils ont également montré que les deux effets s’ajoutent, parfois, rendant la migration planétaire plus efficace qu’envisagé auparavant. Enfin, ils ont montré que, quelque soit le mécanisme (marées ou magnétisme), la planète peut soit se rapprocher de l’étoile soit s’en éloigner selon sa position par rapport au rayon dit de « co-rotation » de l’étoile : distance à laquelle une planète tourne autour de son étoile dans le même temps que l’étoile tourne sur elle-même.
Tous ces résultats sont importants pour comprendre et expliquer la distance des exoplanètes en orbite proche autour des étoiles jeunes (dites de « type TTauri ») car celles-ci possèdent des champs magnétiques intenses et changent de vitesse de rotation sur des temps courts comparés à l’ensemble de la vie de l’étoile. Ils sont également très importants pour prédire la distribution des planètes autour des étoiles naines rouges (de type M). Pour ces étoiles, la zone habitable, c’est à dire la zone où peut subsister de l’eau liquide, est bien plus proche que dans le cas de notre Soleil. Pour cette raison, des planètes en orbites proches autour de ces étoiles sont activement recherchées.
Cette nouvelle description de la migration planétaire, beaucoup plus complète qu’auparavant, apparaît donc essentielle pour les futurs instruments et missions d’étude des exo-planètes comme TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite), SPIRou@CFHT (Spectropolarimètre infrarouge), PLATO (PLAnetary Transits and Oscillations of stars) ou encore le James Webb Space Telescope (JWST).
Contact : Antoine STRUGAREK
Publication :
“ The Fate of Close-in Planets: Tidal or Magnetic Migration? ”,Strugarek A., Bolmont E., Mathis S., Brun A.S., Réville V., Gallet F., Charbonnel C.,
publié dans The Astrophysical Journal Letters, vol. 847, L16 (2017),
pour une version électronique : Strugarek_2017_ApJL_847_L16.pdf
Voir également : PLATO : A la recherche des planètes rocheuses (21 juin 2017)
Vents magnétiques stellaires (19 janvier 2017)
Attraction mutuelle étoile-planète (01 novembre 2016)
Interaction magnétique étoile-planète (18 janvier 2016)
Les marées, élément clé de la relation entre étoiles et planètes (06 octobre 2015)
Rédaction : A. Strugarek, J.M. Bonnet-Bidaud