Les planètes qui sont fortement irradiées par leurs étoiles hôtes développent des atmosphères étendues qui peuvent être sondées pendant les transits. Ces atmosphères subissent la photoévaporation qui peut entraîner des modifications significatives de la masse et de la composition des planètes si elle se poursuit pendant plusieurs giga-années. Ces planètes sont donc précieuses pour comprendre l'évolution planétaire. L’étude de la photoévaporation des exoplanètes pourrait nous renseigner sur l’évolution des atmosphères des planètes de notre système Solaire dont les premières atmosphères auraient été façonnées par ce phénomène. Les exoplanètes nous permettent donc d'étudier ce processus au moment où il se produit. Une collaboration internationale s’est intéressée au système HAT-P-32 (composé de l’étoile du même nom et d’une exoplanète nommée HAT-P-32b) en étudiant deux raies d’absorption : l’hydrogène et l’hélium. Cela leur a permis d’identifier des différences remarquables au cours du transit à la surprise des scientifiques qui pensaient que les Jupiters chauds étaient plutôt stables à la photoévaporation. Bien que cette affirmation reste généralement vraie, HAT-P-32b fait exception à cette règle et montre que notre compréhension de l'évolution planétaire reste incomplète !
Les scientifiques ont décrit, dans un article publié sur A&A, la détection de l'absorption atmosphérique de l’exoplanète de type Jupiter chaud HAT-P-32b dans son atmosphère étendue : la planète est anormalement gonflée, ce qui signifie que sa taille (optique) est nettement supérieure à celle des autres planètes de masse similaire. Orbitant tous les 2,15 jours autour d'une étoile qui émet fortement aux courtes longueurs d'onde, la planète reçoit environ 100 000 fois plus d'énergie ultraviolette extrême que ce que la Terre reçoit du Soleil, ce qui a sans doute un impact sur sa structure atmosphérique.
Dans l'article, les scientifiques montrent des preuves d'absorption dans les lignes hydrogène H-α (656 nm) et hélium He I (1083 nm) dans des spectres à haute résolution obtenus à l'observatoire de Calar Alto en Espagne. Les lignes d'absorption permettent en les comparant à différentes phases du transit de sonder les altitudes au-delà desquelles le gaz reste lié à la planète et elles indiquent une photoévaporation en cours ! Les taux de perte de masse de HAT-P-32b calculés par les modèles disponibles indiquent que la planète pourrait à cause de la photoévaporation avoir déjà perdu environ la moitié de sa masse à sa naissance et qu'elle se transformera en une planète beaucoup plus petite avant que son étoile hôte n’atteigne la fin de son cycle de vie.
Depuis la première découverte d'une exoplanète en orbite autour d'une étoile de sa phase la plus stable en 1995, on pensait que les Jupiters chauds étaient stables à la photoévaporation or HAT-P-32b montre bien que ce n’est pas une loi universelle, notre compréhension de l'évolution planétaire reste incomplète ! Les planètes exceptionnelles ont le potentiel de fournir un aperçu unique et le fait que l'atmosphère étendue de HAT-P-32b puisse être sondée avec deux lignes de diagnostic (H et He) complémentaires depuis le sol représente une étape importante pour les recherches en cours sur l'évolution planétaire.
Il est intéressant de noter que les courbes de lumière du transit sont différentes dans les lignes H-α et He I (Fig. 1). De plus, chaque courbe apparaît différente pendant les phases d'entrée et de sortie du transit. Au LDE3, nous avons entamé des travaux pour étudier ces différences, qui pourraient être liées aux différents mécanismes physiques produisant chaque ligne. Nous voulons aussi explorer comment les phases d'entrée et de sortie pourraient être utilisées pour contraindre la géométrie 3D de l'atmosphère de photoévaporation, et le rôle que le vent stellaire joue dans la géométrie du champ d'écoulement.
Très bientôt, le JWST (date de lancement : 18 décembre 2021) étudiera avec une précision sans précédent les atmosphères des exoplanètes. Plus tard, la mission spatiale ARIEL (lancement prévu en 2028) élargira considérablement le nombre d'atmosphères d'exoplanètes étudiées. JWST et ARIEL se concentrent tous deux sur des longueurs d'onde dans le domaine optique-infrarouge qui sont plus sensibles à l'atmosphère générale des exoplanètes, plutôt qu'à leur atmosphère étendue, agrandie à cause de l’échauffement et de l’expansion. La possibilité de contraindre simultanément la composition actuelle de l'atmosphère principale par des observations dans le visible et l'infrarouge et le rôle joué par la photoévaporation au cours de la vie des planètes améliorera notre compréhension des systèmes étoile-planète spécifiques et, par conséquent, des populations d'exoplanètes.
Contact : A. Garcia Muñoz
Article : « Absorption Hα et He I dans HAT-P-32b observée avec CARMENES. Detection of Roche lobe overflow and mass loss » par S. Czesla, M. Lampón, J. Sanz-Forcada, A. García Muñoz, et al. 2021. A&A.