Les archives d’observations de 25 Jupiters chaudes par le télescope spatial Hubble de la NASA/ESA ont été analysées par une équipe internationale d'astronomes de University College London, du CEA et du CNRS. Cette nouvelle analyse d'un jeu de données capturées au cours de ces 10 dernières années et cumulant plus de 600 heures d’observations par Hubble ainsi que 400 heures par Spitzer, a permis de répondre à cinq questions importantes à notre compréhension des atmosphères d’exoplanètes. L'équipe a notamment constaté que la présence d'oxydes et d'hydrures métalliques dans les atmosphères d'exoplanètes les plus chaudes était clairement corrélée au fait que ces atmosphères étaient thermiquement inversées.
La science des exoplanètes est depuis longtemps passé de la simple détection à la caractérisation [1], bien que cette dernière reste extrêmement difficile. Jusqu'à présent, la majorité des recherches sur la caractérisation ont été orientées vers la modélisation, ou vers des études portant sur une ou quelques exoplanètes. Dirigé par University College London et reposant sur l’expertise d’une équipe internationale de chercheurs, ce travail inédit, publié dans le journal The Astrophysical Journal Supplement Series, a combiné la plus importante quantité de données atmosphériques à ce jour.
Dans ces travaux, les chercheurs ont analysé en détail les atmosphères de 25 exoplanètes afin de comprendre leurs processus chimiques et leurs formations. La majorité des données provient d'observations faites par les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer de la NASA/ESA. L'auteur principal, Quentin Changeat (UCL), explique : « Hubble a permis la caractérisation approfondie de 25 exoplanètes et la quantité d'informations que nous avons apprises sur leur chimie et leur formation – grâce à une décennie de campagnes d'observation intenses – est incroyable.«
Les scientifiques ont regroupé un jeu de données capturées au cours de ces 10 dernières années et cumulant plus de 600 heures d’observations par Hubble ainsi que 400 heures par Spitzer. Leurs données contenaient des éclipses pour les 25 exoplanètes de type « Jupiter chaudes » [2] et des transits pour 17 d'entre elles. Une éclipse se produit lorsqu'une exoplanète passe derrière son étoile, vue de la Terre, et un transit se produit lorsqu'une planète passe devant son étoile. Les données relatives aux éclipses et aux transits peuvent toutes deux fournir des informations cruciales sur l'atmosphère d'une exoplanète.
En concentrant leurs analyses sur un large éventail d’exoplanètes, plutôt que sur chaque planète de manière individuelle, les chercheurs ont tenté de comprendre les processus chimiques régissant les atmosphères de ces planètes et la manière dont elles se forment. Le co-directeur de l'étude, Billy Edwards, de l'UCL et du département d'astrophysique de l'Irfu du CEA Paris Saclay, a déclaré : « Notre article marque un tournant dans la recherche sur l'atmosphère des exoplanètes : nous passons désormais de la caractérisation individuelle des atmosphères d'exoplanètes à la caractérisation des populations atmosphériques.«
Pour interpréter cette quantité massive de données de manière robuste, l’équipe a développé et utilisé des outils open-source spécifiques à ces analyses. En obtenant les quantités de nombreuses molécules ainsi que les profils thermiques de ces atmosphères, les chercheurs ont été en mesure d'identifier certaines tendances et corrélations claires entre les constitutions atmosphériques des exoplanètes et le comportement observé. Dr. Olivia Venot, co-auteur de l’étude et spécialiste en chimie des exo-atmosphères explique : Par exemple, certaines planètes (nommées « Jupiter extra-chaudes ») sont extrêmement chaudes (>2000°C). Elles atteignent parfois des températures plus hautes que la plupart des étoiles et leurs profils de température augmentent avec l’altitude, un phénomène appelé inversion thermique. Leurs atmosphères possèdent de fortes quantités de métaux sous forme gazeuse, comme le fer, le vanadium ou le titane. Comme ces molécules absorbent fortement la lumière de l’étoile, cela participe à réchauffer la haute atmosphère. L'équipe a notamment constaté que la présence d'oxydes et d'hydrures métalliques dans les atmosphères de ces exoplanètes est clairement corrélée avec ces inversions thermiques. Le processus est similaire à l’inversion thermique créé par la couche d’Ozone sur Terre.
Les planètes aux températures plus modestes (1000-2000°C), au contraire, ne possèdent pas de molécules métalliques gazeuses puisqu’elles se condensent en nuages. Les atmosphères ne présentent donc pas ces inversions thermiques. On y trouve souvent de la vapeur d’eau mais certaines de ces planètes ne semblent pas posséder autant d’eau que prévu. Cela pourrait indiquer qu’elles n’ont pas reçu énormément d’oxygène durant leur formation apportant de nouvelles contraintes à nos modèles de formation et évolution des planètes. En somme, trois classes d’exoplanètes ainsi que leur processus physico-chimiques ont pu être identifiées.
Cinq conclusions sont avancées par l’étude, apportant pour la première fois des tentatives de réponses à des questions qui n’étaient jusqu’à maintenant pas résolues. Par ailleurs, une meilleure compréhension des populations d'exoplanètes peut nous aider à percer des mystères de notre propre système solaire.
Comme le dit Quentin Changeat : « De nombreuses questions, telles que l'origine de l'eau sur Terre, la formation de la Lune et les différentes histoires évolutives de la Terre et de Mars, ne sont toujours pas résolues malgré notre capacité à obtenir des mesures in situ. Les grandes études de population d'exoplanètes, comme celle que nous présentons ici, visent à comprendre ces processus généraux. »
Notes
[1] La caractérisation des exoplanètes consiste à étudier les propriétés physiques (telles que le rayon) et chimiques (telles que la composition atmosphérique) d'une exoplanète. Il s'agit d'un mixte crucial pour mieux comprendre la formation et l'évolution des planètes, et pour déterminer si des processus complexes – tels que l'évolution et le maintien de la vie – pourraient être possibles sur une exoplanète.
[2] Les jupiters chauds sont des exoplanètes avec des orbites à courte période (orbitant autour de leur étoile mère en dix jours ou moins), et de grandes atmosphères gazeuses gonflées. Elles sont d'un intérêt particulier car : i) elles sont relativement faciles à détecter et ii) il n'y a pas de Jupiter chaud dans notre système solaire, nous devons donc nous tourner vers les exoplanètes pour les étudier.
Contacts:
- Quentin Changeat, University College London (UK)
- Billy EDWARDS, Laboratoire Dynamique des Etoiles, des (Exo)planètes et de leur Environnement, Département d'astrophysique de l'Irfu (CEA Paris Saclay)
- Olivia Venot, Laboratoire inter-universitaire des systèmes atmosphèriques (LISA/CNRS)
Référence :
Five Key Exoplanet Questions Answered via the Analysis of 25 Hot-Jupiter Atmospheres in Eclipse
Plus d'informations : Publication ESA