Une équipe internationale de chercheurs a utilisé le télescope spatial James Webb de la NASA pour mesurer la température de l'exoplanète rocheuse TRAPPIST-1 b. Il s'agit de la première détection au monde de l’émission thermique d’une exoplanète rocheuse aussi petite et aussi « froide » que les planètes rocheuses de notre propre système solaire. TRAPPIST-1 b reçoit environ deux fois plus de quantité d'énergie que Venus reçoit du Soleil et en reçoit quatre fois plus que la Terre. Le résultat indique que le côté jour de la planète a une température d'environ 227 °C (500 kelvins) et suggère qu'elle n'a pas d'atmosphère significative. L’étude est co-signée par trois chercheurs du DAp et viennent d’être publiés dans la revue Nature ce lundi 27 mars.
Le système de planètes de Trappist-1, un véritable laboratoire pour étudier les planètes rocheuses de type Terre hors du système solaire
Le système TRAPPIST-1 est remarquable par ses sept planètes dont la taille, la masse, la densité et le chauffage stellaire sont similaires à ceux des planètes rocheuses Vénus, Terre et Mars de notre propre Système solaire. Leurs tailles sont comprises entre 0,75 et 1,15 rayons terrestres et leurs périodes orbitales vont de 1,5 à 19 jours seulement. Toutes les planètes du système TRAPPIST-1 ont été observées à l'aide des télescopes spatiaux Hubble ou Spitzer. Les observations Hubble ont démontré qu’aucune des 7 planètes n’avait une atmosphère riche en hydrogène.
TRAPPIST-1 b, la planète la plus interne, a une distance orbitale d'environ un centième de celle de la Terre et reçoit environ quatre fois la quantité d'énergie que la Terre reçoit du Soleil. Bien qu'elle ne se trouve pas dans la zone habitable du système, l'observation de la planète peut fournir des informations importantes sur les six autres planètes de sa fratrie, ainsi que sur celles d'autres systèmes d’étoiles naines, comme l'etoile TRAPPIST-1. Bien que l'exoplanète TRAPPIST-1 b ne soit pas assez chaude pour émettre sa propre lumière dans le visible, elle émet dans l'infrarouge.
MIRIm (l’imageur de MIRI -Mid-Infrared Instrument) est le seul imageur de télescope Webb à observer dans l'infrarouge moyen, des longueurs d'onde particulièrement adaptées pour capter la faible lueur émise par de telles planètes et détecter des composants de leur atmosphère ou de leur surface.
L’imageur MIRIm conçu, intégré, caractérisé sous la responsabilité du CEA, détecte ses premières éclipses secondaires !
L'équipe a utilisé une technique appelée photométrie de transir secondaire, dans laquelle MIRIm a mesuré le changement de luminosité du système lorsque la planète disparait derrière l'étoile.
De la différence entre le flux de lumière infrarouge mesuré juste avant le transit secondaire (système étoile + planète) et le flux reçu pendant le transit secondaire (étoile seule), les astronomes déduisent la lumière émise par « la face jour » de la planète tournée vers l’étoile. Ils peuvent alors calculer sa température moyenne.
Les cinq éclipses secondaires ont été observées à l'aide du filtre F1500W de MIRI, qui ne laisse passer vers les détecteurs que la lumière dont les longueurs d'onde sont comprises entre 13,5 et 16,6 micromètres. Ces mesures correspondent à 25 h d’observations.
La détection par MIRIm d’un transit secondaire constitue en soi une étape importante car il s’agit de mesurer de minuscules changements de luminosité.
L'étoile étant plus de 1 000 fois plus lumineuse que la planète, les variations de luminosité sont inférieures à 0,1 %.
Sur les cinq transits mesurées (8 novembre, 12 novembre, 20 novembre, 24 novembre et 3 décembre 2022), MIRIm a pu détecter des changements aussi faibles que 0,027 %.
Si les performances de MIRIm avaient été entièrement validées et publiées en juillet 2022, il s’agit de la première publication d’un transit secondaire observé par le JWST ! Ces performances de l’imageur confirment son intérêt pour l'étude de l’émission thermique des exoplanètes afin d’étudier leur atmosphère et leur surface.
Pourquoi TRAPPIST-1 b n’aurait pas d’atmosphère ?
Les résultats de l’observation montrent que la luminosité du côté jour de TRAPPIST-1 b à 15 micromètres correspond à une température d'environ 227°C (500 K). Si l'énergie d'irradiation de l'étoile était distribuée uniformément autour de la planète (par exemple, par une atmosphère circulante exempte de dioxyde de carbone), la température à 15 micromètres serait de 127°C (400 K). Si l'atmosphère contenait une quantité importante de dioxyde de carbone, elle émettrait encore moins de lumière à 15 micromètres et semblerait encore plus froide.
« Nous avons comparé les résultats à des modèles informatiques montrant ce que la température devrait être dans différents scénarios« , a expliqué Elsa Ducrot astrophysicienne au DAp qui étudie le système TRAPPIST-1 depuis six ans.
« Les résultats sont presque parfaitement cohérents avec un corps noir fait de roche nue et sans atmosphère pour faire circuler la chaleur. Nous n'avons pas non plus observé de signes d'absorption de la lumière par le dioxyde de carbone, ce qui serait évident dans ces mesures.
Cependant, cela constitue une mesure à une seule longueur d’onde (filtre à 15 micromètres), d’avantage d’observations seront nécessaires pour confirmer ce résultat.« .
Bien que TRAPPIST-1 b soit chaude par rapport à la Terre, elle est plus froide que la face ensoleillée de Mercure, qui se compose de roches nues et d'aucune atmosphère significative. Mercure reçoit environ 1,6 fois plus d'énergie du Soleil que TRAPPIST-1 b n'en reçoit de son étoile.
Pierre-Olivier Lagage, qui a travaillé au développement de l'instrument MIRI pendant plus de vingt ans déclare:
« Il y a une cible dont je rêvais« . C'était celle-ci. C'est la première fois que nous pouvons détecter les émissions d'une planète rocheuse et tempérée. C'est une étape vraiment importante dans l'histoire de l'étude des exoplanètes« .
De nouvelles observations de TRAPPIST-1 b avec d’autres filtres de MIRIM et des observations d’une autre exoplanète de TRAPPIST-1 sont déjà en cours pour confirmer (ou non) ces premières conclusions.
Pour Elsa Ducrot,
« en seulement 25h d’observation avec le JWST on a pu observer le transit secondaire de TRAPPIST-1 b alors que des centaines d’heures avec le télescope Spitzer n’ont pas suffi ! Avec le JWST nous rentrons enfin dans le régime des planètes rocheuses tempérées, c’est une nouvelle ère pour l’exoplanétologie ».
Pour Achrène Dyrek, en troisième année de thèse sur les atmosphères des exoplanètes avec les données du JWST , l'émotion est à son comble:
« j'ai adoré travailler avec les données, les analyser et surtout en comprendre toute la signification. Tout juste un an après son lancement, le JWST nous ouvre déjà les portes des mondes inexplorés. J'ai si hâte de découvrir tout le travail pionnier qu'il va nous permettre d'accomplir dans les années voire même dans les décennies à venir. J'ai l'impression de presque toucher du doigt une planète rocheuse comme Mercure ou Vénus mais située à presque 40 années-lumière de la Terre. C'est une chance inestimable ! »
Contacts: Elsa Ducrot, Achrène Dyrek, Pierre-Olivier Lagage
En savoir plus:
- Article Nature
- site NASA
- site jwst France
- site DRF
- site CEA
- Revivez la conférence Cyclope « Lumières sur les origines – Le télescope spatial James Webb » du 28 mars 2023, lien youtube du CEA à venir de la playlist conférence de CEA-recherche