400 sources de hautes énergies dans le ciel gamma
Un peu plus de quatre ans après son lancement, le satellite de l’Agence spatiale européenne (ESA) INTEGRAL continue sa moisson de résultats. Utilisant les données fournies par la caméra IBIS/ISGRI durant cette période, une équipe européenne dont des scientifiques du Service d’Astrophysique (SAp) du CEA-DAPNIA a pu dresser une véritable carte à haute énergie de la voûte céleste. Le catalogue de sources compte plus de 400 objets émettant entre 17 et 100 keV[1], aussi variés que des galaxies actives lointaines ou des couples d’étoiles de notre Galaxie. 25 % des objets n’ont pu être identifiés et leur nature reste inconnue. Cette population de sources pourrait constituer une classe d’objets entièrement nouvelle dévoilée par INTEGRAL. Le ciel gamma ne cesse de s’enrichir, sa diversité et complexité également. Ces résultats sont publiés dans la revue « The Astrophysical Journal« .
Cartographie de la voûte céleste
Le grand champ de vue de la caméra IBIS/ISGRI (19° par 19° soit près de 40 fois le diamètre du Soleil), sa très bonne sensibilité et son excellente capacité d’imagerie (très bonne finesse d’image) font de cet instrument un outil particulièrement adapté pour cartographier la voûte céleste. Durant les 3,5 premières années de la mission, la couverture du ciel atteint ainsi près de 70% du ciel avec une profondeur d’image inégalée dans cette bande d’énergie. Après une sélection judicieuse des pointés permettant de ne retenir que les données les plus « propres », les scientifiques ont ainsi pu utiliser plus de 40 millions de secondes d’observation cumulés. Ceci a permis de dresser des cartes du ciel dans différentes bandes d’énergie et de détecter des objets extrêmement faibles. Des pointés effectués sur des régions inexplorées jusqu’alors par INTEGRAL, loin du plan galactique, ont permis de découvrir de nombreux noyaux actifs de galaxies, galaxies dont le moteur énergétique est le trou noir hypermassif tapi en son centre. Au total 421 sources ont pu être extraites de ces observations et le catalogue fournit pour chacune sa localisation précise et son intensité. Ceci permet des croisements avec d’autres catalogues des objets célestes (en rayons X, optique, infrarouge, radio) et de mener à bien des observations à d’autres longueurs d’onde. Ces stratégies ont permis d’identifier 75% des objets détectées lors de ce sondage.
Une myriade de sources, certaines de type inconnu
Ce catalogue souligne la grande diversité des objets de l’Univers apte à émettre des photons de haute énergie, signatures de phénomènes violents. Il complète de manière très significative les précédents catalogues, notamment en étendant le champ d’investigation aux objets extragalactiques (29% du catalogue), principalement des noyaux actifs de galaxies (AGN pour Active Galactic Nuclei). Les systèmes binaires X [2] galactiques constituent une proportion importante de cet échantillon. Ces systèmes peuvent être de plusieurs types suivant la nature de l’objet compact et de l’étoile compagnon mais sont sources de photons de haute énergie (de manière continue ou épisodique).
Le catalogue publié compte plus de 400 sources. L’histogramme ci-contre, résultats des trois catalogues publiés jusqu »à présent, indique la classification des objets. L’excès proportionnellement supérieur des sources extragalactiques (AGN) dans le 3ème catalogue (en rouge) reflète une exposition plus importante sur des régions du ciel à haute latitude galactique. Une fraction importante des sources est jusqu’à présent de nature inconnue et est l’objet de nombreuses études. (cliquer pour agrandir). |
Une autre catégorie de sources, loin d’être négligeable puisqu’elle représente 25% du catalogue, échappe jusqu’à présent à toute identification. S’agit-il de sources extrêmement enfouies dans un cocon de gaz et de poussières, difficilement observables? Signent-ils l’existence d’une ou de plusieurs classes d’objets totalement inconnues? Les scientifiques, en utilisant tous les moyens d’observations dont ils disposent, espèrent lever dans un proche futur le voile sur ce ciel gamma décidément très riche.
Version imprimable (PDF)Contacts : François LEBRUN
« The 3rd IBIS/ISGRI soft gamma-ray survey catalog « A. J. Bird, A. Malizia, A. Bazzano, E. J. Barlow, L. Bassani, A. B. Hill, G. Belanger, F. Capitanio, D. J. Clark, A. J. Dean, M. Fiocchi, D. Gotz, F. Lebrun, M. Molina, N. Produit, M. Renaud, V. Sguera, J. B. Stephen, R. Terrier, P. Ubertini, R. Walter, C. Winkler, J. Zurita, article à paraître dans la revue The Astrophysical Journal
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pour en savoir plus:
Vue panoramique et gros plan (15 novembre 2005) | |
Astre compact, supergéante et cocon de matière (4 novembre 2004) |
INTEGRAL perce le brouillard gamma (18 mars 2004) |
Le premier anniversaire d’INTEGRAL (01 Novembre 2003) |
La rubrique centre galactique des Activités Scientifiques du SAp | |
INTEGRAL découvre le ciel gamma (18 Décembre 2002) | |
ISGRI ; une caméra pour l’invisible (15 octobre 2001) |
Notes :
[1] Electron-volt. L’énergie des rayons X et gamma est souvent évaluée en « électron-volt (eV) ». Cette unité correspond à l’énergie communiquée à un électron de charge (e) soumis à une tension de 1 Volt. En unités du système international (SI), 1 eV correspond à 1.6 10-19 Joule. Les rayons (ou photons) de lumière visible ont une énergie d’environ 2 eV, les rayons X dits « mous » de 0.1 à 10 kilo-electronvolt (keV), ceux dits « durs » au delà de 10 keV.
[2] Systèmes binaires X :
Les variables cataclysmiques (CV) sont un couple dont l’un des membres est une naine blanche, capable d’aspirer la matière de son compagnon proche. Cette étape s’accompagne d’un échauffement de la matière suivi d’une libération importante d’énergie sous forme de photons de haute énergie.
Les binaires X à forte masse (HMXB pour High Mass X-ray Binaries) sont constitués d’un couple dont l’objet dense est une étoile à neutron ou un trou noir et l’étoile compagnon une étoile de forte masse (supérieure à 10 fois la masse du Soleil). plus grande que 10 masses solaires). L’étoile émet un puissant vent de matière qui finit par former un disque autour de l’objet dense. D’intenses phénomènes de friction dans le disque combinés à la présence de jets atours de l’astre compact sont responsables d’une intense émission de photons de haute énergie.
Les binaires X à faible masse (LMXB pour Low Mass X-ray Binaries) sont des systèmes où l’objet dense est une étoile à neutron et l’étoile compagnon une étoile de faible masse (inférieure à une masse solaire). Le transfert de masse est ici plus lent et moins violent que dans le cas précédent mais peut donner lieu à une émission sporadique de photons énergétiques.
Rédaction: Christian Gouiffès