H.E.S.S. : prix pour un nouvel Univers

H.E.S.S. : prix pour un nouvel Univers

La collaboration H.E.S.S. récompensée par le prix Descartes 2006 (7 mars 2007)

La collaboration H.E.S.S., qui opère un réseau de quatre télescopes sensible aux photons gamma de très haute énergie a obtenue le 7 mars 2007 le Prix Descartes 2006 de la Commission Européenne pour ses résultats qui ont « révolutionné l’astrophysique des très hautes énergies ». Elle partage cette distinction qui honore chaque année des travaux scientifiques ou techniques de tout premier plan, transnationaux et toute discipline confondue avec deux autres projets. L’expérience H.E.S.S., en service depuis 2004, a fourni les premières images détaillées de l’Univers à des énergies jamais atteintes, révélant en particulier des sources de particules de très hautes vitesses. Cet observatoire implanté en Namibie est une collaboration essentiellement bilatérale entre l’Allemagne et la France (CNRS et CEA) à laquelle se sont jointes des équipes du continent européen et de l’Afrique australe, notamment le pays hôte, la Namibie.

Du plus lointain au plus proche : H.E.S.S. explore le ciel gamma

Les résultats obtenus par H.E.S.S., à des énergies au delà du tera-electronvolt ont bien souvent été des premières, ouvrant une nouvelle fenêtre sur l’Univers et révélant une nouvelle vision du ciel gamma, depuis les galaxies les plus lointaines jusqu’aux régions proches de formation d’étoiles.

Les photons gamma pour retracer l’histoire de l’Univers.

La lumière visible du fond diffus extragalactique est la somme de toutes les contributions des galaxies durant l’histoire de l’Univers, en quelque sorte une lumière fossile. Son étude est difficile en raison de la lumière parasite produite dans le Système Solaire, la lumière dite « zodiacale » qui brouille le signal. Une méthode indirecte consiste étudier son effet sur les photons gamma de très hautes énergies émis par des objets très distants. Cette étude a été réalisée par l’expérience H.E.S.S. en observant pour la première fois deux noyaux actifs de galaxies très lointains (situés à plus de deux milliards d’année-lumière). Cette étude a montré que le rayonnement gamma n’est pratiquement pas atténué et que l’Univers est donc plus transparent aux photons de très haute énergie que prévu.

Publication :

« A low level of extragalactic background light as revealed by gamma-rays from blazars », Nature 440 (2006) 1018-1021. (fichier pdf 314 Ko)

Émission gamma au coeur de M87

Découverte en 1781 par Charles Messier, M87 (également appelée Virgo A) est une galaxie elliptique géante située à environ 60 millions d’années-lumière. En son centre se trouve très probablement un trou noir supermassif de trois milliards de masse solaire, qui, nourri par la matière qui s’y engouffre, produit des jets très collimatés. En pointant M87, H.E.S.S. a détecté des photons gamma dont l’intensité fluctue sur une échelle de temps remarquablement courte, de l’ordre du jour. Cette variation rapide démontre que les photons de très haute énergie sont bien produits au voisinage immédiat du trou noir central de la galaxie.

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Galaxie M87, lumière visible
M87 vue par H.E.S.S.
A gauche, une image visible de M87 prise au VLT de l’ESO. Le jet de matière (en bleu) est clairement visible. A droite M87 observée par HESS sur laquelle est superposée l’émission radio. Cette émission provient du coeur de la galaxie (point blanc sur l’image de gauche).

Publication : « Fast variability of Tera-electron Volt gamma-rays from the radio galaxy M87 », Science 314 (2006) 1424 – 1427 (fichier pdf 675 Ko)

H.E.S.S. et la plan galactique, une pépinière de découvertes

L’un des premiers objectifs scientifiques de l’expérience H.E.S.S. a été la cartographie du plan galactique en particulier de ses régions centrales, idéalement situées dans le ciel pour être observées depuis la Namibie. Vestiges de supernova, microquasars, systèmes binaires contenant un pulsar ou encore le centre de la Galaxie sont parmi les découvertes de ce sondage (voir « Autres résultats« ). En ce qui concerne le centre de la Galaxie, le scénario interprétant l’émission gamma comme dominée par la présence de matière noire semble écarté.

Parmi les sources découvertes par H.E.S.S. figurent en bonne place les PWN (Pulsars Wind Nebulae) ou nébuleuses synchrotron, des systèmes où le vent de particules éjectées par un pulsar interagit avec la nébuleuse qui l’entoure. H.E.S.S. a découvert dans Kookaburra (du nom d’un oiseau australien) deux sources situées dans les ailes. Superposés sur cette image l’émission radio (contour blanc) et un certain nombre de sources dont un pulsar (étoile noire) et une source X (triangle). Cette classe d’objets, les PWN, apparaît aujourd’hui comme une fraction importante des sources galactiques découvertes par H.E.S.S.
Publications :

– « H.E.S.S. observations of the Galactic Center region and their possible dark matter interpretation. » Phys. Rev. Lett. 97 (2006) 221102 (fichier pdf 154 Ko)
– « Discovery of the two wings of the Kookaburra complex in VHE gamma-rays with H.E.S.S. » Astron. Astrophys. 456 (2006) 245-251 (fichier pdf 736 Ko)

Les régions de formation d’étoiles, sites d’accélération de particules

H.E.S.S. en pointant RCW 49, une région géante HII (un gaz d’hydrogène ionisé) a découvert une émission qui coïncide en position avec l’amas stellaire Westerlund 2. Cette concentration très dense abrite notamment des étoiles de type Wolf-Rayet, étoiles extrêmement massives en fin de vie. C’est la première fois qu’une telle émission de photons gamma de très haute énergie est associée à un amas stellaire. L’extrême accélération de particules dans les puissants vents émis par les étoiles Wolf-Rayet est une hypothèse avancée par les scientifiques pour expliquer l’émission gamma observée.

Westerlund 2

Carte de l’émission dans la direction de Westerlund 2/RCW 49. L’émission apparaît légèrement étendue (l’insert en bas à gauche est l’image d’une source ponctuelle). La croix et le triangle noirs indiquent la position de deux étoiles Wolf-Rayet, WR 20a et WR 20b, possibles sources responsables de l’émission gamma observée. A droite, une image radio de la même région sur laquelle est superposée l’émission gamma (contour blanc).

Publication :

Communiqué de presse diffusé au premier Symposium GLAST, Stanford, USA (en anglais)

Des sources énigmatiques

Parmi les sources découvertes par H.E.S.S., nombre d’entre elles sont encore de nature inconnue. De très nombreuses campagnes d’observations sont actuellement menées à bien afin d’en percer le secret. Elles incluent des observations avec les moyens sol (radio, infrarouge, visible) et des télescopes embarqués dans l’espace (X ou gamma).

H.E.S.S. prépare son futur

Afin d’améliorer ses performances, l’expérience H.E.S.S. sera bientôt complétée par un télescope équipé d’un miroir de 28 mètres de diamètre et d’une caméra au foyer de 2000 pixels (PMs). Ce télescope géant, placé au centre du réseau existant, permettra de descendre le seuil en énergie (énergie minimale de détection) à 10 ou 20 GeV, assurant ainsi un recouvrement avec les domaines d’énergie des observatoires spatiaux gamma AGILE ou GLAST, lancés en 2007.

A plus long terme, les scientifiques européens travaillant dans ce domaine envisagent d’unir leur effort afin de construire un réseau de télescopes de plus grande envergure, le projet CTA (Cherenkov Telescope Array ou Réseau de Télescopes Tcherenkov).

H.E.S.S. aujourd’hui : L’expérience est constituée d’un ensemble de quatre télescopes chacun doté d’un réflecteur de 12 mètres de diamètre. Situé en Namibie au sud-ouest de l’Afrique, ce réseau de télescopes de photons gamma de très haute énergie est aujourd’hui le plus performant au monde. L’expérience H.E.S.S. a été officiellement inaugurée en 2004.
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Descartes_HESS

Contact : Philippe Goret


voir  :

Le communiqué de presse CEA, (7 mars 2007 )


Le communiqué de presse CNRS (7 mars 2007 )


Le communiqué de presse de la Commission Européenne (7 mars 2007 )

Autres résultats majeurs de H.E.S.S. (site du Service d’Astrophysique) :

Bombardement cosmique (9 février 2006)
Accélérateur cosmique. (7 juillet 2005)
Photographie gamma de la Voie lactée. (7 juillet 2005)
Fontaine céleste. (4 novembre 2004)
Éclairs bleus du ciel gamma. (28 septembre 2004)


Pour en savoir plus :



Le site H.E.S.S. du Service d’Astrophysique du CEA-DAPNIA


Le site officiel de l’expérience H.E.S.S. (en anglais)

Notes :

[1] Electron-volt. L’énergie des rayons X et gamma est souvent évaluée en « électron-volt (eV) ». Cette unité correspond à l’énergie communiquée à un électron de charge (e) soumis à une tension de 1 Volt. En unités du système international (SI), 1 eV correspond à 1.6 10-19 Joule. Les rayons (ou photons) de lumière visible ont une énergie d’environ 2 eV, les rayons X de 0.1 à 511 kilo-électronvolt (keV). Le domaine des rayons gamma se situe au-delà de cette limite. Ils se mesurent en MeV (millions d’électron-volt 106eV), GeV (giga ou milliards 109eV), TeV (tera ou mille milliards 1012eV), etc…..
[2] Cherenkov. Pavel Alekseyevich Cherenkov (écrit encore Tcherenkov ou Čerenkov) est le physicien soviétique qui partagea en 1958 le prix nobel de physique avec ses collègues Il’ia Frank et Igor Yevgenyevich Tamm notamment pour leurs travaux sur le phénomène physique appelé ensuite effet Cherenkov.

Rédaction: Christian Gouiffès