Nouvelles observations de la supernova avec le télescope spatial Hubble rénové
Une équipe internationale comprenant un chercheur du Service d’Astrophysique du CEA-Irfu a obtenu grâce au télescope spatial Hubble (HST) récemment remis à neuf de nouvelles données de l’environnement spectaculaire de la supernova SN1987A. Les mesures spectroscopiques tant attendues depuis la panne du spectrographe STIS en 2004 ont permis de poursuivre en 2010 l’étude de l’anneau, de ses points brillants et des chocs induits par l’explosion. Les chercheurs observent, comme prédit, une augmentation de l’intensité des raies en émission, et mettent en évidence que le rayonnement de l’anneau vers le centre de la supernova est réfléchi par l’hydrogène qu’il rencontre. Ils ont aussi découvert la présence d’ions d’azote quatre fois ionisé, lesquels sont très sensibles au champ magnétique, encore très mal connu. Ces travaux, publiés dans la revue Science datée du 2 septembre 2010, illustrent le succès de la dernière mission de maintenance du télescope Hubble.
Séquence d’images de la supernova SN1987A obtenues par le télescope spatial Hubble entre 1994 et 2006. L’anneau, formé il y a 20000 ans par l’étoile qui a explosé en 1987, brille suite à l’intense flash de lumière émis. Des points brillants apparaissent le long de l’anneau au cours du temps, signatures de chocs entre le gaz éjecté par l’explosion et des concentrations denses de matière. Plus de trente points chauds sont observés aujourd’hui (2010). Crédit : Peter Challis, Zolt Levay et équipe SAINTS.
Un programme orphelin qui renait
L’environnement de la supernova SN1987A [1], et en particulier l’anneau équatorial intérieur, est l’objet depuis le début des années 90 d’un vaste programme d’observation dans l’ultraviolet et la lumière visible conduit notamment à l’aide du télescope spatial Hubble par l’équipe SAINTS [2] (pour “Supernova 1987A Intensive Study”). Depuis 1996, une formation progressive de « points chauds » a été observée dans l’anneau intérieur, le plus proche de la supernova (avec rayon de 0,7 année-lumière). Ceux-ci sont supposés correspondre à de longs doigts de gaz très dense, pointés vers le centre de la supernova. Lorsqu’ils sont heurtés par l’onde de choc générée par l’explosion, leur température augmente considérablement. Puis ils se refroidissent, et émettent un rayonnement qui leur donne cette apparence.
En août 2004, ce programme fut partiellement stoppé à la suite d’une panne du spectrographe STIS, victime d’une défaillance de son alimentation électrique. La remise en état de cet instrument en mai 2009 par les astronautes de la NASA (mission de maintenance SM4 ou Servicing Mission 4) a permis de le relancer.
Ping-pong de photons
Grâce aux nouvelles données recueillies en janvier 2010, l’équipe SAINTS vient de mettre en évidence, en particulier, que le rayonnement qui émerge des “points chauds” en direction du centre de la supernova, interagit avec l’hydrogène neutre présent dans l’éjecta, pour repartir alors en sens inverse, et que ceci est probablement à l’origine de la plus grande partie du rayonnement ultraviolet observé dans la supernova. Ce « ping-pong » dû aux différents types de chocs (vers l’extérieur par la matière éjectée mais aussi vers l’intérieur par effet de rebond ou choc inverse, qui se forme lorsque l’onde de choc rencontre un milieu dense, comme les points chauds par exemple) se traduit dans les observations par des localisations et des vitesses différentes.
Des observations d’une autre transition de l’hydrogène, dans le domaine de l’ultraviolet (raie Lyman alpha à 1216 angström) uniquement accessible depuis l’espace, ont également permis de caractériser la structure et la géométrie des chocs. L’équipe SAINTS pense aussi avoir détecté une émission dans l’ultraviolet qui serait due à des ions d’azote quatre fois ionisé. Cette observation, si elle était confirmée, pourrait constituer un excellent (et unique !) outil pour sonder les champs magnétiques qui entourent la supernova, dont on ne connait pratiquement rien encore. Des prochaines observations avec le nouveau spectrographe COS (Cosmic Origin Spectrograph), installé sur le télescope Hubble lors de la même mission SM4 et beaucoup plus sensible que l’instrument STIS devraient rapidement permettre de confirmer si les raies correspondent bien à de l’azote.
L’étude des chocs, des anneaux, et de ses composantes (en particulier les points chauds) va se poursuivre avec le télescope spatial Hubble, mais aussi avec le VLT de l’ESO, dans la lumière visible et infrarouge. L’échelle de temps des variations de l’environnement de la supernova SN1987A, quelques mois seulement, constitue en effet une occasion unique de suivre en « direct » la formation d’un Reste de Supernova (SNR), une catégorie d’objet parmi les plus spectaculaires de la voûte céleste.
Contact : Patrice Bouchet
« Observing Supernova 1987A with the Refurbished Hubble Space Telescope »
Kevin France, Richard McCray, Kevin Heng, Robert P. Kirshner, Peter Challis, Patrice Bouchet, Arlin Crotts Eli Dwek, Claes Fransson, Peter M. Garnavich, Josefin Larsson, Peter Lundqvist, Nino Panagia, Chun S. J. Pun, Nathan Smith, Jesper Sollerman, George Sonneborn, John T. Stocke, J. Craig Wheeler
Publié dans la revue Science Express, 2 septembre 2010, pour une version électronique arXiv:1009.0518 ou télécharger le fichier pdf (2 Mo)
Voir aussi : Le communiqué de presse de la NASA/STScI (en anglais)
Notes :
[1] SN1987A : Située à 170 000 années-lumière dans le Grand Nuage de Magellan, l’explosion de l’étoile Sanduleak -69°202, le 23 février 1987, est un évènement exceptionnel puisque la seule explosion d’étoile visible à l’œil nu depuis la supernova de Kepler en 1604, il y a plus de 400 ans. Après plus de 30 ans d’observations, bon nombre de caractéristiques de cette supernova, appelée SN 1987A, ne sont toujours pas expliquées comme, par exemple, la présence des trois anneaux de matière qui entouraient l’étoile avant son explosion. Ces anneaux pourraient avoir été formés par des mécanismes de perte de masse affectant une étoile supergéante en rotation, ou par la fusion d’un système binaire.
[2] SAINTS : L’équipe SAINTS (Supernova 1987A Intensive Study) regroupe vingt chercheurs provenant de 10 instituts aux USA [les Universités de Harvard, du Colorado (Boulder), de Colombia, de Notre Dame, de Californie (Berkeley), du Texas (A&M et Austin), de Princeton, du NASA Goddard Space Flight Center et de l’Institut pour la Science du Télescope Spatial (STScI)], et de 4 instituts en Europe [l’Institut pour l’Astronomie de Zurich, l’Université de Stockholm, l’Observatoire Astrophysique de Catagne (INAF), et le Service d’Astrophysique de l’IRFU au CEA], ainsi que de l’Université de Hong Kong en Chine. Elle est placée sous la conduite des Professeurs Robert Kirshner de l’Université d’Harvard, et Richard McCray de l’Université du Colorado, aux Etats-Unis.
Rédaction: P. Bouchet et C. Gouiffès