Fabrication de matière en direct

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Première détection de l’émission gamma d’une supernova SNIa par le satellite INTEGRAL

A partir des observations du satellite européen INTEGRAL, une équipe internationale, impliquant notamment un chercheur français du Service d'Astrophysique (CEA-Irfu)Laboratoire Astroparticule et Cosmologie (Université Paris-Diderot) a pu pour la première fois détecter l’émission en rayons gamma de l’élément radioactif Cobalt-56 fabriqué en grande quantité lors de l’explosion thermonucléaire d’une étoile dense appelée aussi supernova de type Ia. Cette observation vient confirmer pour la première fois quantitativement une des prédictions essentielles des modèles de supernova et fournit des informations précieuses sur les mécanismes physiques impliqués dans les explosions de ce type. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature du 28 août 2014.

La plus proche des explosions thermonucléaires d’étoile depuis 40 ans

Les explosions d’étoiles, désignées sous le terme de supernovae, peuvent être de deux types différents: les supernovae de type II (SNII) qui résultent de l'efffondrement du coeur d’une étoile très massive et les supernovae de type Ia (SNIa) qui proviennent de l’explosion thermonucléaire d’étoiles denses, les naines blanches.
La supernova SN2014J observée par le satellite INTEGRAL a été découverte fortuitement le 21 janvier 2014 par des étudiants anglais de l'Université de Londres lors d’un banal exercice d’observation de la galaxie proche Messier 82 à l'aide d'un télescope de seulement …35 cm de diamètre !! Située à environ 12 millions d'années-lumière de la Terre, l'explosion visible a atteint la magnitude de 10,5 et a été rapidement identifiée comme une supernova de type SNIa et baptisée SN2014J. C’est la plus proche des supernova de ce type depuis 40 ans [1]. La précédente SN1972E avait été vue en 1972 dans la galaxie NGC5253 à environ 11 millions d'années-lumière.

La supernova SN2014J observée dans la galaxie Messier 82, appelée aussi la galaxie du Cigare en raison de sa forme. Sur l’image de la galaxie obtenue par le télescope spatial Hubble en 2006, a été superposé l’emplacement et l’image de la supernova SN2014J apparue en janvier 2014. Crédits NASA-ESA/HST

La lumière du cobalt radioactif

Quelques semaines seulement après sa détection, le satellite européen INTEGRAL (International Gamma-Ray Astrophysics Laboratory), capable de détecter les rayons gamma de basse énergie, a pu être pointé vers la supernova. En analysant les données obtenues entre 50 et 100 jours après la date de l'explosion, les chercheurs ont pu observé des raies gamma nucléaires (aux énergies de 847 keV et 1238 keV) qui sont la signature de la décroissance radioactive de noyaux de cobalt radioactif, le cobalt-56 (56Co). Cette observation est la preuve directe de la production par « nucléosynthèse » d'une importante quantité de noyaux de nickel (nickel-56) lors de l'explosion de l'étoile dense. L’isotope du nickel, le nickel-56, décroit rapidement en cobalt (56Co) qui décroit à son tour en noyau de fer (56Fe) en émettant les raies gamma nucléaires observées. Dans le scénario des supernovae de type SNIa, les différents modèles qui prédisaient l'explosion de la naine blanche et la production de ces différents éléments n'avaient jamais pu être testés jusqu'ici aussi directement.

Image du ciel en rayons gamma (100-600keV) de la région de la galaxie Messier 82, obtenue grâce à la caméra ISGRI construite au CEA. L’image acquise en 2014 (à droite) montre clairement une forte source de rayons gamma à la position de la galaxie, absente lors d’une observation antérieure en 2013 (à gauche). Ce fort rayonnement gamma est du à la diffusion des rayons gamma émis par les éléments radioactifs produits lors de l’explosion de la supernova SN2014J, principalement le Cobalt-56. Crédits ESA/Integral-CEA

Les observations réalisées par INTEGRAL suggèrent qu'une masse de Nickel-56 radioactif équivalente à environ 60% de la masse du Soleil a été synthétisée pendant l'explosion. Les propriétés du rayonnement observé sont en accord avec un scénario dans lequel une naine blanche massive explose après avoir accumulé suffisamment de matière d'une étoile « compagnon » très proche pour devenir instable gravitationnellement. Il n'est cependant pas encore possible d'exclure les scenarios qui proposent que ce type de supernova soit dû à la fusion de deux naines blanches.

Selon les modèles connus de « nucléosynthèse », les explosions de supernova sont la source principale du fer dans l'Univers. Les données du satellite INTEGRAL viennent donc de confirmer cette hypothèse et fournissent des informations précieuses pour mieux comprendre les mécanismes physiques impliqués dans les explosions des supernovae de type Ia. Ces résultats ont pu être obtenus grâce à la conjugaison des deux instruments du télescope spatial INTEGRAL, le spectromètre SPI et l'imageur ISGRI/IBIS, dont la caméra ISGRI a été conçue et réalisée sous la maitrise d'oeuvre du Service d'Astrophysique du CEA-Irfu avec le soutien du CNES.


Contact : François LEBRUN

Publication :
Cobalt-56 gamma-ray emission lines from the type Ia supernova 2014J« 
E. Churazov, R. Sunyaev, J. Isern, J. Knödlseder, P. Jean, F. Lebrun, N. Chugai, S. Grebenev, E. Bravo, S. Sazonov, M. Renaud, dans la revue Nature du 28 août 2014, pour une version électronique : http://arxiv.org/abs/1405.3332

Voir  : « Le Fil Science du CEA » (28 Août 2014)
 : « Astrophysics: Supernova seen through γ-ray eyes » (Nature, News & Views, 28 Août 2014)
 : Le communiqué de l'Agence spatiale européenne (ESA) (en anglais)

Voir aussi  : « Jet gamma de Cygnus X-1 » (24 mars 2011)


Notes :

[1] La Supernova SN 1987A, découverte le 23 Février 1987 dans la petite galaxie irrégulière du Grand Nuage de Magellan était plus proche (160 000 d'années-lumière) et plus brillante avec une magnitude visible de 3 mais était une supernova de type SNII.


Rédaction : J.M. Bonnet-Bidaud, DCOM CEA