La science avec l’observatoire CTA

La science avec l’observatoire CTA

Le consortium CTA (Cherenkov Telescope Array), qui regroupe 1300 scientifiques de 32 pays dans le monde a publié fin septembre le recueil de ses objectifs scientifiques, un document de plus de 200 pages, résultat de plusieurs années de travail auquel ont contribué des chercheurs de l’Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu) du CEA.

A l'Irfu, le projet compte une quinzaine de physiciens et d'astrophysiciens du département de physique des particules (Irfu/DPhP) et du département d’astrophysique (Irfu/DAp). Leurs recherches se concentrent sur les phénomènes galactiques, la matière noire, les études de physique fondamentale et l’étude des phénomènes transitoires de l’Univers, des sujets abordés aujourd’hui grâce à leur implication dans les instruments H.E.S.S., Fermi, Integral, et XMM-Newton, pour n’en citer que quelques-uns.

L’observatoire CTA est sur le point de transformer notre vision du ciel à très haute énergie en détectant la lumière Tcherenkov produite par l’interaction des rayons gamma dans l’atmosphère. Afin de couvrir la totalité de la voute céleste, deux réseaux sont en cours d’installation respectivement sur le plateau d’Armazones au Chili et sur l’Ile de la Palma (archipel des Canaries). Ils comporteront au total une centaine de télescopes qui permettront d’étudier les phénomènes cataclysmiques de l’Univers, de sonder la matière soumise à des conditions extrêmes, et d’explorer les frontières de la physique, avec des performances dix fois supérieures aux instruments existants.

La région centrale de la Galaxie suscite un grand intérêt dans l’Institut. Siège d’une intense formation stellaire, elle abrite un trou noir de plusieurs millions de masses solaires, et recèle l’origine des mystérieuses « bulles de Fermi », ces immenses éjections de matière découvertes en 2010. C’est également une région favorable à l’accumulation de particules de matière noire qui émettraient des rayons gamma en s’annihilant.

Cette région est aussi le siège de phénomènes susceptibles d’accélérer le rayonnement cosmique galactique aux énergies les plus hautes (jusqu’à 1015 eV). Ces sources, appelées pevatrons, seront par ailleurs recherchées dans l’ensemble du plan galactique. Ce dernier fera l’objet d’un relevé complet dans les premières années d’opération de l’observatoire.

D’autres régions galactiques de formation d’étoiles seront également l’objet d’études approfondies, la région du Cygne par exemple. En outre, dans tout le plan galactique, la compréhension de l’émission diffuse induite par l’interaction du rayonnement cosmique sur la matière interstellaire est un sujet crucial, comme l’ont montré les études réalisées à l’Irfu avec les données du satellite Fermi.

Cette image montre une vue du plan galactique telle qu’elle pourrait être obtenue par les télescopes de CTA après 1 600 heures d’observation(simulation). https://www.flickr.com/photos/cta_observatory Credit: Consortium CTA

Vues du Grand Nuage de Magellan, une petite galaxie compagnon de la Voie lactée située à 160000 années-lumière de la Terre, en lumière visible, telle qu'observée avec H.E.S.S., précurseur de CTA, et telle que CTA pourrait la révéler après 300 heures d'observation (simulation). Le Grand Nuage de Magellan abrite une importante région de formation d'étoiles et des sources susceptibles d'accélérer le rayonnement cosmique.

en savoir plus: www.cta-observatory.org/surveying-large-magellanic-cloud/

Credit: Consortium CTA

Les astrophysiciens du CEA ont une longue tradition d’études des systèmes binaires émettant en rayons X. Dans ces systèmes une étoile voit sa matière aspirée par un astre compact -naine blanche, étoile à neutron ou trou noir- résultant de la mort d’une étoile autrefois compagnon. Ce phénomène induit des émissions de rayonnement, et parfois de jets de matière (microquasars), qui donnent des signaux variables, transitoires, caractéristiques des états extrêmes dans laquelle se trouve la matière autour de l’astre compact. Le ciel galactique comporte de nombreuses «binaires X», CTA permettra de révéler ceux de ces objets qui émettent en rayons gamma, ce qui pourrait permettre, en autres, de mieux comprendre la formation des jets et leur contenu.

Les physiciens de l'Irfu ont une forte implication dans l'étude des lois fondamentales avec les rayons gamma de très haute énergie comme les tests de l'invariance de Lorentz, la caractérisation de la lumière diffuse extragalactique par la propagation des photons dans le milieu intergalactique ou encore la recherche de nouvelles particules de type axions se convertissant potentiellement dans le champ magnétique intergalactique.

Enfin les deux groupes sont impliqués dans la détection des phénomènes transitoires, et en particulier les sursauts gamma, les plus violents d’entre eux. L’activité se concentre en particulier dans le développement d’une stratégie de recherche en temps réel à partir des alertes envoyées par d’autres observatoires (en particulier le futur satellite SVOM, projet dans lequel l’Irfu est fortement impliqué). Détecter des sursauts gamma aux énergies de CTA apporterait un éclairage fondamental sur ces évènements dont les origines restent questionnées. Cette stratégie sera également appliquée à la recherche de rayons gamma émis par les évènements émettant des ondes gravitationnelles.

Contacts: Thierry Stolarczyk (DAp), Emmanuel Moulin (DPhP)

image d’artiste d’un sursaut gamma