Percer le secret des orages

Percer le secret des orages

Partie remise après l’échec du lancement du satellite Taranis

Le satellite Taranis a été lancé par une fusée Vega dans la nuit du 16 au 17 novembre 2020 depuis le Centre Spatial Guyanais à Kourou. Malheureusement, 8 minutes après le décollage, une défaillance dans la trajectoire du lanceur a été constatée, conduisant à la perte de la mission. Durant sa phase opérationnelle de 4 ans ce satellite devait observer, étudier et caractériser les événements lumineux transitoires (TLE), ces émissions d’ondes électromagnétiques qui se produisent pendant les orages actifs, ainsi que les flashs de rayons gamma (TGF). Tous les instruments de la mission étaient placés sous la responsabilité scientifique de laboratoires français du CEA ou du CNRS, eux-mêmes placés sous l’égide du CNES, maître d’œuvre de Taranis.
Cet échec n’entame néanmoins pas la détermination des chercheurs, décidés à poursuivre l'étude de ces phénomènes atmosphériques méconnus.

Ci-après un texte, préparé avant le lancement, décrivant les caractéristiques de l’instrument XGRE, l’un des éléments de la charge utile du satellite Taranis.


L’instrument XGRE : des orages terrestres aux sources astrophysiques

Dédiée principalement à l'étude de phénomènes atmosphériques terrestres, la mission Taranis pourra voir au-delà. XGRE, l’un des instruments de la charge utile du satellite sera utilisé par les chercheurs du Département d’Astrophysique/ Laboratoire AIM du CEA-Irfu pour détecter des signaux d’origine astrophysique.

Sur les huit instruments embarqués à son bord, le CEA est responsable scientifique de l’instrument optique MCP pour MicroCamera and Photometers et, en étroite collaboration avec le CNRS, des chercheurs du DAp ont pris la responsabilité du détecteur de flashs de rayons gamma XGRE (X-ray, Gamma-Ray et Electrons relativistes), un instrument dont le laboratoire APC a assuré la conception, réalisation et suivi jusqu’à sa livraison au CNES. XGRE met à profit l’expertise des scientifiques du DAp dans le domaine de l’astronomie gamma et de son instrumentation associée. Il permettra de détecter dans le cas de signaux forts les brèves impulsions gamma créées cette fois non dans l’atmosphère terrestre mais au sein de sources astrophysiques, comme dans les systèmes binaires X ou les sursauts gamma. Ces thématiques sont dans la lignée des programmes développées au DAp, en particulier grâce au satellite INTEGRAL actuellement en exploitation ou dans le cadre de la mission sino-française SVOM dont le lancement est prévu mi-2022.

A gauche : Les trois senseurs XGRE sont composés chacun de 4 unités de détection. Chacune de ces unités comporte deux scintillateurs plastique prenant en sandwich un cristal de LaBr3 (ou bromure de lanthane, un détecteur scintillant très rapide et aux bonnes propriétés spectrales). Cet ensemble, d’une surface utile de 900 cm2, permet de mesurer les photons gamma de 50 keV à 10 MeV et les électrons produits pendant les orages de 1 à 10 MeV avec une résolution temporelle inférieure à la microseconde. A droite : vue de la charge utile du satellite sur la plateforme de la filière Myriade. On voit un senseur XGRE complet en avant-plan, à côté des caméras MCP (à gauche). Un autre senseur est en surplomb, à gauche du satellite, en partie ombragé par l’antenne bande S. Le troisième est visible sur l’arrière.

Si l’instrument XGRE n’a pas pour vocation de fournir une résolution spatiale fine des sources détectées, l’analyse des signaux captés par chaque détecteur, qui ne voit pas la même portion du ciel que ses deux voisins, permet de pondérer la mesure et de déterminer une zone probable (ou boite d’erreur) de l’origine du flash gamma. Cette information sera utile dans le cadre des réseaux de détecteurs situés à des positions très différentes autour de la Terre et dont la combinaison finale des signaux reçus par chaque instrument permet de reconstruire avec une bien meilleure précision la position de la source dans le ciel. Cette stratégie est effectivement celle déployée, avec succès, dans le cadre de la localisation de sursauts gamma.
Des simulations numériques prédisent la détection par XGRE de 20 sursauts gamma par an (sursauts gamma courts). Le suivi et études de ces sursauts gamma pourront bénéficier des outils développés dans le cadre la mission SVOM, notamment ses moyens sol. Ceci montre le potentiel astrophysique de l’instrument XGRE au-delà de sa fonction première, l’observation des flash gamma atmosphériques.


Contacts CEA/DAp: Philippe Laurent

Voir:
Le communiqué du CNES (17 novembre 2020)

Voir également :
Le communiqué de presse CNES/CEA/CNRS (6 novembre 2020)
Le site Taranis du CNES
Le site Taranis au LPC2E (Laboratoire de Physique et de Chimie de l’Environnement et de l’Espace) : ce laboratoire assure la responsabilité scientifique de la mission (PI-Louis Pinçon CNRS/LPC2E)
Le site Taranis à APC