Une percée théorique ouvre la voie à une anticipation des tempêtes solaires
Un seul et unique phénomène pourrait contrôler toutes les éruptions solaires. C’est ce que viennent de mettre en évidence des chercheurs de l’Ecole polytechnique, du CNRS, du CEA-Irfu, et d’Inria dans un article à la Une de la revue Nature du 8 février 2018. Ils ont pu montrer la présence à la surface du Soleil d’une « cage » renforcée dans laquelle se développe une « corde magnétique», enchevêtrement de lignes de force magnétiques torsadées, à l’origine des éruptions solaires. C’est la résistance de cette cage aux assauts de la corde qui détermine la puissance et le type de l’éruption à venir. Ces travaux ont permis d’élaborer un modèle capable de prévoir l’énergie maximale qui peut être libérée lors d’une éruption solaire aux conséquences potentiellement dévastatrices pour la Terre.
Des tempêtes solaires magnétiques
Comme sur Terre, tempêtes et ouragans peuvent balayer l’atmosphère du Soleil. Mais dans le Soleil, ces phénomènes, causés par un reconfiguration brutale et soudaine du champ magnétique solaire, se caractérisent par une intense libération d’énergie sous la forme d’émissions de lumière et de particules et, parfois, par l'éjection d'une bulle de plasma. C’est l’étude de ces phénomènes, qui se produisent dans la couronne, la zone la plus externe du Soleil, qui permettra la mise au point de modèles de prévision, comme pour la météo terrestre, afin de limiter notre vulnérabilité technologique face aux éruptions solaires qui peuvent impacter plusieurs secteurs (distribution d’électricité, systèmes GPS et de communication, etc.).
Une compétition entre une « cage » et une « corde » magnétique
En 2014, les chercheurs ont pu montré qu'une structure caractéristique, une « corde magnétique », enchevêtrement de lignes de force magnétique torsadées comme une corde de chanvre, apparaissait progressivement dans les jours précédant une éruption solaire. Cependant, ils n’avaient observé cette « corde » que pour les éruptions qui expulsent des bulles de plasma. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont étudié les autres types d’éruptions, dont les modèles sont encore débattus, en plongeant plus profondément dans l’analyse de la couronne solaire. Cette zone est si ténue et si chaude que le champ magnétique solaire y est difficile à mesurer. Ils ont pour cela procédé de la même manière que pour une échographie, en mesurant d’abord le champ magnétique plus fort à la surface plus dense du Soleil, pour reconstruire ensuite, à partir de ces données, ce qui se déroule au-dessus, dans la couronne solaire .
Ils ont appliqué cette méthode pour une éruption très importante qui s’est produite en quelques heures, le 24 octobre 2014. Ils ont montré que, durant les heures qui ont précédé l’éruption, la corde qui s'est développée était enfermée dans une « cage » magnétique multicouche. A l’aide de modèles d’évolution calculés sur des super-ordinateurs, ils ont mis en évidence que l’énergie de la corde s’est alors montrée insuffisante pour briser toutes les couches de la cage, rendant impossible une éjection de bulle magnétique. La torsion élevée de la corde a néanmoins déclenché une instabilité et la destruction seulement partielle de la cage a permis tout de même l’émission de rayonnements puissants ayant entrainé des perturbations terrestres.
Grâce à leur méthode, permettant de suivre et modéliser une éruption durant les dernières heures avant sa naissance, les chercheurs ont mis au point un modèle capable de prévoir l’énergie maximale qui peut être libérée par la zone du Soleil concernée. Ce modèle a ainsi montré que, pour l’éruption de 2014, une énorme éjection de plasma se serait produite si la cage avait été moins résistante.
Ce travail, qui démontre le rôle crucial joué par le couple magnétique « cage-corde » dans le contrôle des éruptions est un nouveau pas pour la prévision précoce des éruptions solaires dont les impacts sociétaux sont potentiellement importants.
Contact : Jean-Jacques ALY
Publication :
« Magnetic cage and rope as the key for solar eruptions«
Tahar Amari, Aurelien Canou, Jean-Jacques Aly , François Delyon et Frédéric Alauzet
publié dans la revue Nature du 8 février 2018
Voir aussi : – le communiqué commun CNRS-CEA (8 février 2018)
Voir également : Jouer sur la corde solaire (9 octobre 2014)
Rédaction : T. Amary, JM. Bonnet-Bidaud