03 avril 2009
Autopsie d’un sursaut
Surprenantes variations de polarisation gamma découvertes par INTEGRAL

Une équipe française menée par Diego Götz du Service d'Astrophysique du CEA-Irfu vient de détecter sans ambigüité la polarisation de la lumière émise par un sursaut gamma, soudaine bouffée de rayonnement de haute énergie qui marque la fin de vie d'une étoile massive. Détectée entre 200 et 800 keV par le satellite INTEGRAL, cette lumière polarisée est un moyen pour sonder le moteur central responsable des intenses émissions de photons gamma observées. Plus étonnant, les chercheurs ont découvert une très forte variation et ce sur des périodes brèves de l'état de polarisation, ce qui implique une organisation particulière du milieu dans lequel a lieu l'émission en particulier du champ magnétique présent. Ces travaux, basés sur des observations du télescope IBIS utilisé ici dans un mode particulier, sont à paraître dans la revue The Astrophysical Journal letters et fait l'objet d'un communiqué de l'Agence spatiale européenne (ESA).

 

De surprenantes variations de polarisation

Le 19 décembre 2004, un sursaut gamma est capté par le satellite INTEGRAL et immédiatement baptisé GRB 041219A (1er sursaut détecté le 19/12/2004). Cette intense bouffée de rayonnement gamma marque la fin de vie d'une étoile massive, plusieurs fois la masse du Soleil. Particulièrement long, 500 secondes, le sursaut est suivi par les instruments à bord du satellite sur toute sa durée, permettant une analyse détaillée. Le signal détecté, très intense, permet aux scientifiques de l'étudier sous une facette particulière, sa polarisation, une propriété de la lumière qui révèle les caractéristiques du milieu responsable de l'émission gamma. Pour ce faire, l'équipe de chercheurs utilise le télescope IBIS dans un mode particulier, un télescope Compton. Ce mode de fonctionnement permet dans le cas de sources brillantes de déterminer la polarisation de la lumière et a montré récemment son potentiel (pour plus de détails voir les résultats obtenus sur la Nébuleuse du Crabe).

Immédiatement, les scientifiques découvrent une forte polarisation de la soudaine émission de ce sursaut gamma. Soupçonné sur 2 sursauts gamma antérieurs, la preuve observationnelle ne pâtit ici d'aucune ambigüité. Mais la surprise vient de l'analyse fine d'une partie du sursaut. Coupé en tranche de 10 secondes, de très fortes variations de l'état de polarisation sont clairement mis en évidence.

 
Autopsie d’un sursaut

GRB041219A, d’une durée de 500 secondes, fait partie de la classe des sursauts gamma dits longs. Il possède une structure complexe dont émergent principalement 2 pics d’émissions. Lors de l’analyse, les scientifiques découvrent une forte polarisation dans le second pic alors que celle du premier est modeste. Néanmoins, en découpant en tranche de 10 secondes ce dernier, les chercheurs découvrent des états de polarisation (intensité et orientation) très disparates, variant brutalement d’un lot à l’autre et sans corrélation apparente. Sommé sur la durée de ce pic (de l’ordre de 80 secondes), les contributions s’annulent. Seule l’intensité du signal a permis une analyse aussi fine et de découvrir de telles variations.

Un champ magnétique emporté dans un jet

Ces variations de polarisation de la lumière gamma sur des échelles temporelles aussi courtes ont des conséquences directes sur l'origine du rayonnement observé. S'il est admis que l'émission gamma lors du sursaut résulte d'électrons accélérés à des vitesses relativistes dans un jet autour du moteur central, probablement un trou noir créé par l'effondrement de l'étoile massive, les variations de polarisation observées imposent une organisation particulière du champ magnétique. Les scientifiques favorisent un modèle où le jet emporte une part du champ magnétique du moteur central.
Il s'avère donc que la polarisation des sursauts gamma s'avère être un outil particulièrement utile pour valider ou exclure certains scénarios. Si sa mesure se heurte néanmoins à des difficultés instrumentales (seuls les sursauts les plus brillants peuvent être étudiés sous cette loupe aujourd'hui), elle permet clairement de contribuer à la compréhension de la physique en jeu lors de ces violentes bouffées de rayonnement gamma.

 

Contact : 

Publication :

"Variable polarization measured in the prompt emission of GRB041219A using IBIS on board INTEGRAL"
D. Götz(1), P. Laurent(2), F. Lebrun(2), F. Daigne(3), Ž. Bošnjak(3)
(1) CEA/IRFU/Service d'Astrophysique et AIM (CEA/CNRS/Université Paris Diderot)
(2) CEA/IRFU/Service d'Astrophysique et APC, Paris
(3) Institut d'Astrophysique de Paris (IAP)
à paraitre dans la revue The Astrophysical Journal letters
Pour une version électronique (format PDF, 215 Ko)

voir aussi : le communiqué de l'Agence spatiale européenne (3 avril 2009, en anglais)

Pour en savoir plus  : - "Lunettes gamma polarisantes" , Novembre 2008 
                              : - le site INTEGRAL du Service d'Astrophysique


Note:

La polarisation de la lumière est une propriété des ondes électromagnétiques. Dans le cadre de cette théorie, une onde lumineuse se caractérise par trois grandeurs, un champ électrique, un champ magnétique et une direction de propagation. Les champs électriques et magnétiques sont tous deux perpendiculaires à la direction de propagation. La figure que décrit dans l’espace le champ électrique définit l’état de la polarisation de la lumière. Si elle décrit une droite ou une ellipse, on parle respectivement de polarisation rectiligne ou elliptique. Une lumière polarisée correspond donc à une direction privilégiée du champ électrique. La lumière naturelle n’est pas polarisée car somme d’ondes aléatoires qui mélangent pour l'observateur toutes les directions. Certains milieux filtrent la lumière, en ne laissant passer que celle dont le champ électrique est orienté selon une certaine direction. Les lunettes de soleil polarisantes permettent par exemple d’atténuer les réflexions sur un plan d’eau.


 Rédaction: Christian Gouiffès

 
#2581 - Màj : 21/04/2009

 

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