28 mai 2021
Un oeil de homard pour traquer les explosions cosmiques
La caméra MXT de la mission SVOM vient d'être assemblée et livrée par le CEA

Une caméra à rayons X, destinée à équiper le satellite sino-français SVOM, vient d'être assemblée et livrée par les scientifiques et techniciens de l'Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'univers (CEA/ Irfu). Ce prototype de haute technologie captera les photons de haute énergie (rayons X) émis lors de l’explosion d’étoiles massives ou la fusion d'astres denses. La caméra, particulièrement compacte et innovante, intègre dans un volume très limité, une chaîne de détection complète, un contrôle thermique actif et une roue à filtre. Elle va être placée au foyer d'un télescope de 1,15 m de longueur pour constituer le MXT (Microchannel X-ray Telescope). Avec un champ de vue de 1 degré carré, pour seulement 35 kg de masse, le télescope MXT, muni d'une optique originale "à facettes"inspirée des yeux de homard, va permettre de localiser, avec une précision meilleure que 2 arcmin, la position des plus puissantes explosions cosmiques de l’Univers. Après différents  essais, dont une campagne d’étalonnage en Allemagne, l'ensemble sera expédié en Chine en novembre 2021 pour être intégré au satellite SVOM dont le lancement est prévu fin 2022.

Voir : la vidéo du montage de la caméra MXT en salle blanche

 

Un télescope innovant

Le télescope MXT (pour Microchannel X-ray Telescope - Télescope microcanaux à rayons X) est un des quatre instruments du satellite sino-français SVOM (Space-based multi-band astronomical Variable Objects Monitor) dont l'objectif est la détection, la localisation précise et le suivi des explosions les plus puissantes de l'univers appelés aussi "sursaut gamma". Ces explosions se signalent en effet par une émission très brève de rayons gamma, la forme la plus puissante de la lumière. La durée très courte de l'explosion gamma (souvent seulement quelques secondes) nécessite une stratégie complexe pour les étudier. Le rayonnement gamma est d'abord détecteé et localisé par les instrument ECLAIRs et GRM mais c'est grâce à la position précise obtenue en rayons X par le télescope MXT (et en lumière visible par l'instrument VT) que l’alerte de SVOM pourra être pleinement exploitée par les télescopes au sol qui pourront suivre l'évolution du sursaut avec des optiques de plus grande taille.

 
Un oeil de homard pour traquer les explosions cosmiques

Le satellite SVM sera mis en orbite fin 2022. Il emporte des instruments gamma (Eclairs et GRM) capables de détecter les sursauts gamma cosmiques, l'instrument MXT pour la détection des rayons X et l'instrument VT pour la détection de la lumière visible émise lors de ces explorions qui seront aussi suivies depuis le sol. Crédit SVOM.

Le télescope MXT est muni d'une optique révolutionnaire dite en "oeil de homard" car elle comporte de multiples canaux analogues aux facettes des yeux de crustacés. Ces canaux microscopiques (40 µm de côté) sont assemblées pour constituer une mosaïque de plaques contenant chacune environ 600 000 facettes. Elles sont recouverts d’iridium afin d’augmenter la transmission aux rayons X et et la surface d’entrée est recouverte d’une fine couche d’aluminium pour arrêter la lumière visible. Cette géométrie originale permet de fournir un large champ de vision de 1 degré carré (4 fois la surface apparente du Soleil), avec une sensibilité uniforme pour une surface efficace de 25 cm2 et une masse réduite d'environ 2 kg. Cette optique, analogue à la pupille de l'oeil, focalise les rayons X sur la caméra qui en constitue la rétine sensible.

Le MXT est développé en France par le CNES et le CEA-Irfu et et l’IJCLab (Laboratoire de Physique des 2 infinis Irène Joliot-Curie) sous la direction scientifique de Diego Gotz, en étroite collaboration avec l’Université de Leicester au Royaume-Uni et le Max-Planck Institut für Extraterrestische Physik de Garching en Allemagne

 
Un oeil de homard pour traquer les explosions cosmiques

Schéma du télescope MXT : L'optique multi-facettes à l'entrée du télescope a un diamètre de 24 cm et un poids de 2 kg, La structure avec une distance focale de 1,15 m est composée en fibre de carbone avec la caméra au foyer. L’ensemble complet (optique, tube, radiateur, caméra et ordinateur de bord) pèse 35 kg. Crédit : CEA/CNES

Une caméra compacte.

Le projet de la caméra a démarré en 2013 et a été réalisé en collaboration avec l'Agence spatiale française (CNES). L'instrument est basé sur l'utilisation d'un détecteur pnCCD et de son électronique de proximité (CAMEX), fournis par le  Max Planck Institut für Extraterrestische Physik (MPE). Composé de différents sous-systèmes, la caméra a été totalement construite et assemblée dans les salles blanches du Département d'Astrophysique (DAp) du CEA-Irfu, dans un environnement contrôlé pour éviter toute contamination.

Le détecteur, constitué d‘un bloc monolithique divisé en 256x256 pixels, a été intégré sur une plaque en céramique, entouré d'un blindage pour réduire l'impact du rayonnement cosmique sur le détecteur. Il a été muni d'un système de trois refroidisseurs thermoélectriques qui permet de maintenir la température du plan-détecteur entre -75 ° et -60 ° C. L'ensemble de détection est inséré dans un boîtier, qui contient une roue à filtre, utilisée à des fins d'étalonnage et de protection. Tous ces sous-systèmes de la caméra ont été conçus, intégrés au CEA et fabriqués par le CEA ou ses sous-traitants.

 
Un oeil de homard pour traquer les explosions cosmiques

L'équipe technique de la caméra en salle blanche. A droite : la caméra MXT totalement assemblée. Elle intègre un détecteur pnCCD de 256x256 éléments, son système de pilotage électronique ainsi que trois refroidisseurs thermoélectriques pour maintenir la température entre -75 ° et -60 °C) et une roue à filtre. Crédits DAP/Irfu-CEA

Pour réaliser des tests approfondis, trois modèles différents de la caméra ont été construits au fil des années: un modèle structurel et thermique (STM), un modèle de performance (PM) qui a permis de valider la chaîne de détection complète et un modèle de choc (SM) pour tester sa résistance, avant de produire le modèle final dit "modèle de vol Proto (PFM)".

Le développement de ces modèles a impliqué une équipe de plus de 20 personnes. Le dernier modèle PFM a été réalisé malgré la crise pandémique du COVID-19, grâce à la forte implication des techniciens, ingénieurs et scientifiques du projet. Les prochaines étapes en 2021 seront l'assemblage et les tests de l'ensemble du télescope MXT et son étalonnage final qui seront réalisés dans l'installation MPE X-ray Panter à Munich. L'équipe MXT du CEA accompagnera le CNES lors de tous ces tests. A l'issue de cette campagne de test en novembre 2021, le télescope MXT sera expédié en Chine pour l'intégration finale sur le satellite SVOM, dont le lancement est prévu avant la fin de 2022.

 



Vidéo en plan accéléré du montage de la caméra MXT en salle blanche
(Réalisation : D. Renaud, E. Lemaitre @Irfu)

 

Contacts : Diego GOTZ, Aline MEURIS

Voir  : MXT : Livraison du modèle structurel et thermique de la caméra (7 novembre 2018)
          Première lumière sur la caméra de MXT (26 septembre 2018)

Voir aussi : le site français du satellite SVOM

 


Rédaction : Diego Gotz, A. Meuris, J.M. Bonnet-Bidaud

 
#4922 - Màj : 17/06/2021

 

Retour en haut