02 décembre 2010
ALICE au pays des quarks et des gluons
Publication des premiers résultats des collisions plomb-plomb

Après presque une année de prises de données en collisions proton-proton, le LHC du CERN a commencé l’injection d’ions de plomb début novembre et a très vite délivré des collisions dès le 8 novembre. L’énergie dans le centre de masse nucléon-nucléon est de 2,76 TeV, environ 10 fois supérieure à celle atteinte précédement au RHIC de Brookhaven (USA). Les premiers résultats d'ALICE ne se sont pas fait attendre.

 

La très grande densité d’énergie obtenue lors des collisions plomb-plomb pourrait autoriser la formation, très brève,  d’un état de la matière extrêmement dense et chaud, tel qu’il existait probablement aux tout premiers instants de l’Univers. La Chromodynamique Quantique, la théorie fondamentale des interactions fortes, prédit une transition de phase entre la matière nucléaire ordinaire et ce nouvel état où les quarks et les gluons sont déconfinés, pour des conditions extrêmes de densité (plusieurs fois celle de la matière nucléaire ordinaire) et de température (2000 milliards de degrés). ALICE est l'expérience du LHC dédiée à l'étude de cet état, le Plasma de quarks et de gluons (QGP). Tous ses détecteurs sont fonctionnels, en particulier le spectromètre à muons dans lequel l'IRFU est impliqué. La figure ci-dessus montre les nombreuses traces produites lors d’une collision typique. Les prises de données se poursuivront jusqu’au 6 décembre.

 
ALICE au pays des quarks et des gluons

Une collision plomb-plomb avec des traces dans le bras à muons (en vert) ainsi que dans la partie centrale.

ALICE au pays des quarks et des gluons

Flot elliptique en fonction de l’énergie de la collision.

L'analyse des données a très vite donné les premiers résultats, prémices à une abondante moisson. Pour ALICE nous pouvons citer deux articles soumis à publication quelques jours seulement après le démarrage. Le premier concerne la multiplicité des particules chargées dans les collisions les plus centrales qui est d'environ 1500 particules par unité de pseudo-rapidité (lié à l'angle polaire). Ceci correspond à une augmentation d'un facteur 2,2 par rapport au RHIC. De même le nombre de particules chargées à mi-rapidité par paire de nucléons incidents est 1,9 fois supérieure à celle des collisions proton-proton à la même énergie. Ces résultats permettent de contraindre les modèles de production de particules dans les collisions d'ions lourds.  Le deuxième concerne le flot elliptique qui mesure les phénomènes collectifs de la matière chaude produite lors de la collision. Le flot elliptique des particules chargées pour des collisions semi-centrales est 30% plus élevé qu’au RHIC (expériences PHENIX, PHOBOS et STAR). Cette augmentation est compatible avec une description hydrodynamique incluant des corrections de viscosité du milieu formé. La figure ci-contre compare le résultat d’ALICE à ceux d’autres expériences à plus basse énergie.

 

 

La densité du milieu formé peut être étudiée avec le facteur de modification nucléaire qui compare ce qui se passe en plomb-plomb par rapport à proton-proton. La figure ci-contre montre ce rapport pour les 5% des collisions les plus centrales pour les particules chargées. Si les collisions plomb-plomb étaient une simple superposition de collisions proton-proton nous devrions obtenir un comportement plat et égal à 1. Nous observons au contraire une forte suppression à haute impulsion transverse, encore plus forte que celle observée par STAR et PHENIX au RHIC. Ce comportement peut s'expliquer par une perte d'énergie importante des partons (quarks et gluons) et semble indiquer que nous sommes en présence, au LHC, d'un milieu partonique avec une densité sensiblement supérieure à celle du RHIC.

 
ALICE au pays des quarks et des gluons

Facteur de modification nucléaire. Les résultats d'ALICE sont comparés à ceux de STAR et PHENIX (RHIC).

ALICE au pays des quarks et des gluons

Masse invariante des paires de muons de signe opposé en collisions Pb-Pb.

 

L'étude des résonances de quarks lourds (c et b), tels que le J/Psi est un des outils privilégiés pour sonder le QGP et en appréhender les propriétés. Le groupe ALICE de l'IRFU est impliqué dans l'étude du J/Psi dans son mode de désintégration en deux muons détectés dans le bras à muons. La figure ci-contre montre le spectre de masse invariante des paires de muons de signes opposés d’où ressort le pic du J/psi. Ce résultat montre le bon état de fonctionnement du détecteur et des programmes de reconstruction. Les analyses sont en cours actuellement et les premiers résultats issus du bras à muons devraient être disponibles prochainement. Cela devrait donner un nouvel éclairage aux mécanismes de production du J/psi dans les collisions d'ions lourds.

 
#2935 - Màj : 17/03/2011

 

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