10 mars 2022
Une nova galactique détectée par H.E.S.S.
Une nova galactique détectée par H.E.S.S.

Vue d’artiste. © D. Hardy/PPARC et Physics Today 59, 17-19 (2006)

Les scientifiques de l'Irfu et la collaboration H.E.S.S. observent pour la première fois l'accélération de particules en temps-réel dans notre Galaxie. Les novæ sont de puissantes éruptions à la surface d'une naine blanche dans un système stellaire binaire, dans lequel une grosse et une petite étoile orbitent l'une autour de l'autre. Une nova crée une onde de choc qui déchire le milieu environnant, entraînant des particules et les accélérant à des énergies extrêmes. L'observatoire de rayons gamma de haute énergie H.E.S.S. en Namibie a pu observer ce processus d'accélération pour la première fois. De manière surprenante, la nova détectée semble provoquer une accélération de particules à des énergies atteignant la limite théorique. Ces résultats ont fait l'objet d'une publication dans Science.

 

Les novæ se produisent lorsqu’une vieille étoile très compacte, une naine blanche, aspire de la matière d'une étoile massive jusqu’à déclencher une explosion thermonucléaire à sa surface. Certaines novæ sont connues pour se répéter. RS Ophiuchi est l'une de ces novæ récurrentes : une explosion se produit à sa surface tous les 15 à 20 ans.  Les rayons gamma émis lors de ces explosions n’ont été détectés que depuis une dizaine d’années. « Les deux étoiles qui forment le système sont à peu près à la même distance l'une de l'autre que la Terre et le Soleil », explique Alison Mitchell, chercheuse à FAU (Erlangen, Allemagne) et investigatrice principale du programme Novæ de H.E.S.S.. « Lorsque la nova a explosé en août 2021, les télescopes H.E.S.S. nous ont permis d'observer pour la première fois une explosion galactique en rayons gamma de très haute énergie », poursuit-elle.

Le sursaut de la nova RS Ophiuchi a été vu et signalé en premier par des astronomes amateurs. Le succès de l'observation par H.E.S.S. est dû en grande partie à leur rapport initial et à la réaction rapide des chercheurs et de la communauté astronomique mondiale. « Ces observations sont un excellent exemple des avantages mutuels d'une collaboration entre les astronomes professionnels et les passionnés d'astronomie », déclare Fabian Schüssler, chercheur à l'Irfu / CEA Paris-Saclay et responsable du ‘programme transitoire’ de l'expérience H.E.S.S.. ”De nombreux phénomènes transitoires, y compris les explosions de novae, sont assez brillants et peuvent donc être observés avec un équipement relativement limité. Mais l'émission s'estompe ensuite rapidement, souvent en quelques jours. Une réaction et un échange d'informations rapides sont donc cruciaux pour recueillir le plus grand nombre d'observations possibles.” Afin de suivre ces phénomènes passionnants et d'améliorer les campagnes d’observations, Fabian Schüssler et son équipe ont d’ailleurs développé Astro-COLIBRI, une plateforme novatrice et ouverte qui a aidé les membres de la communauté à programmer des observations détaillées sur RS Ophiuchi.

 
Une nova galactique détectée par H.E.S.S.

Deux cartes issues des observations H.E.S.S. de la nova: une montrant l’émission juste après le début de l’explosion, l’autre quelques semaines plus tard. © Collaboration H.E.S.S.

L'équipe de H.E.S.S. qui a analysé les données obtenues, a réalisé que des particules étaient accélérées à des énergies plusieurs centaines de fois supérieures à celles observées précédemment dans les novæ. Cet effet avait été prédit en 2007 par Vincent Tatischeff de l’IJCLAB et Margarita Hernanz de Barcelone. De plus, l'énergie libérée par l'explosion a été transformée de manière extrêmement efficace en protons et noyaux lourds accélérés, de sorte que l'accélération des particules a atteint les énergies maximales calculées par les modèles théoriques. Selon Ruslan Konno, l'un des principaux auteurs d’une étude publiée dans Science et doctorant à DESY (Zeuthen, Allemagne), « L'observation selon laquelle la limite théorique de l'accélération des particules peut être atteinte dans les véritables ondes de chocs cosmiques a d'énormes implications pour l'astrophysique. Elle suggère que le processus d'accélération pourrait être tout aussi efficace pour leurs grands soeurs, les supernovae ».

 
Une nova galactique détectée par H.E.S.S.

Vue d'artiste de photons de très haute énergie provenant d'un GRB pénétrant dans l'atmosphère terrestre et déclenchant des gerbes enregistrées par les télescopes H.E.S.S. © DESY, Science Communication Lab

Une nova galactique détectée par H.E.S.S.

Les rayons X du GRB ont été détectés par le satellite Swift de la NASA en orbite terrestre. Des rayons gamma de très haute énergie sont entrés dans l'atmosphère et ont déclenché des gerbes qui ont été détectées par H.E.S.S. depuis le sol.
(vue d'artiste). © DESY, Science Communication Lab

Pendant l'éruption de RS Ophiuchi, les chercheurs ont pu pour la première fois suivre le développement de l'émission en temps réel, ce qui leur a permis d'observer et d'étudier l'accélération des particules cosmiques comme s'ils regardaient un film. Grâce aux télescopes H.E.S.S. hautement sensibles, ils ont pu détecter les rayons gamma de très haute énergie à partir du premier jour de l'explosion et jusqu'à un mois plus tard. « C'est la première fois que nous sommes en mesure de réaliser des observations de ce type, et cela nous permettra d'obtenir des informations futures encore plus précises sur le fonctionnement des explosions cosmiques », explique Dmitry Khangulyan, astrophysicien théoricien à l'université Rikkyo de Tokyo, au Japon. « Nous pourrions, par exemple, découvrir que les novæ contribuent à l'omniprésence des rayons cosmiques dans notre galaxie et ont donc un effet considérable sur la dynamique de leur environnement immédiat ». 

Stefan Wagner, professeur à l'observatoire régional de Heidelberg et directeur de l'expérience H.E.S.S., explique que « dans les prochaines années, les recherches menées à l'aide des télescopes du Cherenkov Telescope Array (CTA) montreront si ce type de novæ est spécial ». En outre, les chercheurs ont désormais une idée plus précise de ce qu'ils doivent rechercher. Cela ouvre un certain nombre de nouvelles possibilités pour mieux comprendre et mieux expliquer les événements liés aux novæ. « Cette mesure constitue une nouvelle avancée dans l'astronomie des rayons gamma et laisse présager que nous serons en mesure d'étudier de nombreuses autres explosions cosmiques avec H.E.S.S. et les télescopes à rayons gamma du futur. »

Contacts: Fabian Schussler; Jean-François Glicenstein

 

voir communiqué de presse CNRS du 11 mars

 

 
#5005 - Màj : 11/03/2022

 

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