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Les grandes stations d'essais cryogéniques

Les grands équipements pour la physique du futur requièrent des champs magnétiques intenses et des dimensions gigantesques pour les électroaimants, ou des champs électriques élevés pour les cavités accélératrices. Ces performances ne peuvent être obtenues ou optimisées que grâce aux avancées technologiques sur les supraconducteurs. On entre ici dans le domaine des très basses températures. La mise au point et la qualification de ces systèmes supraconducteurs cryogéniques exigent la construction de stations d’essai spécifiques. Deux exemples seront développés ici. Le savoir-faire du Dapnia qui réunit toutes les compétences nécessaires à ces installations - la mécanique, la cryogénie, l’électrotechnique, l’instrumentation, la conduite de grands projets - a été sollicité par l’Institut des plasmas de Garching, en Allemagne, pour prendre en charge les essais de réception des 70 bobines supraconductrices du stellarator Wendelstein 7-X (W7-X), machine européenne de recherche pour la fusion thermonucléaire par confinement magnétique. Par ailleurs, afin de tester des cavités supraconductrices dans des conditions proches de celles d’un accélérateur, l’installation Cryholab a été conçue, réalisée et qualifiée en collaboration avec l’IN2P3.

La station W7-X

Du fait même de la configuration magnétique de la machine de fusion, les bobines à tester ont une géométrie complexe : les bobines planes ont une masse de 3 tonnes et des dimensions approximatives de 3,5 m x 2,5 m tandis que les bobines non planes ont une masse de 6 tonnes et des dimensions de l’ordre de 2,5 m x 1,5 m. Le bobinage est constitué à partir d’un « câble en conduit », c’est-à-dire que les brins supraconducteurs (composites de niobium-titane et de cuivre) sont entourés d’une gaine étanche en aluminium. C’est dans cette gaine que circule l’hélium supercritique à une pression de 6 bars et à une température comprise entre 4,5 K et 7,6 K. Un contrat a été mis en place entre le Dapnia et le centre de Garching ; les tests sont aujourd’hui programmés pour l’ensemble des bobines sur une durée de 4 ans à partir de 2003. Ils mettent en œuvre des contrôles électriques, hydrauliques et thermiques à températures ambiante et cryogénique.
Pour obtenir le rythme de test requis, une station d’essai comportant deux cryostats, pouvant recevoir chacun deux aimants, a été conçue et mise en place. Des bancs d’essais ont été étudiés et construits afin d’automatiser différentes séquences de tests. À température ambiante, les principaux tests effectués concernent l'isolement de la bobine et des capteurs par rapport à la masse. À température cryogénique, la perte de charge de chaque circuit hydraulique des aimants est mesurée et contrôlée ; le courant dans l’aimant est amené jusqu’à sa valeur nominale (environ 17 600 A), puis la marge entre le fonctionnement nominal de l’aimant et le fonctionnement critique est mesurée en augmentant progressivement la température jusqu’à la transition de phase (quench) de la bobine.

Station d’essais des bobines supraconductrices du stellarator

Des tests d’isolement électrique de l’aimant devant également être réalisés à température cryogénique, il a été nécessaire de développer, pour les différentes parties de l’installation sous tension (amenées de courant, circuits hydrauliques, réservoirs des amenées de courant, etc.), des systèmes d’isolation par rapport à la masse tenant 10 kV sous vide à 4,5 K. De plus, pour assurer les connexions électriques entre les aimants et la station d’essai, des boîtes de jonctions inédites ont été conçues : elles sont réutilisables, ne nécessitent pas de soudure, sont connectées directement au câble en conduit et peuvent supporter des pressions de 30 bars à 4,5 K.
La station a fonctionné en 2003 avec une, puis deux bobines montées ensemble dans un cryostat.

Cryholab

Cryholab est un grand cryostat horizontal de laboratoire qui permet de tester des cavités supraconductrices monocellulaires et muticellulaires à la température de l’hélium liquide (4,2 K) ou superfluide (1,8 K) dans des conditions proches de celles que l’on trouve dans les accélérateurs. Un réservoir d’hélium est soudé autour de la cavité. Celle-ci, positionnée horizontalement, est équipée de son coupleur de puissance à radiofréquences et de son système d’accord à froid. En Europe, il n’existe que deux installations de ce type : Chechia en fonctionnement à Desy près de Hambourg et Hobicat (Horizontal bi-cavity test facility), en cours d’installation à Bessy près de Berlin, qui deviendra opérationnelle durant l’année 2004. Installé sur le site du CEA Saclay, Cryholab a été conçu et construit en collaboration avec l’IN2P3 et en partie financé par la région Île-de-France.
Pour assurer un fonctionnement autonome de Cryholab, un liquéfacteur fournissant l’hélium liquide nécessaire lui est directement associé. Pour des raisons d’isolation thermique, le cryostat est d’abord refroidi à la température de l’azote liquide (77 K), comme on le fait sur un accélérateur. Le processus de descente en température se fait donc lentement et dégrade les performances de la cavité car des hydrures de niobium se forment aux alentours de 100 K. Pour éviter ce phénomène, la cavité doit subir au préalable un recuit afin d’éliminer l’hydrogène piégé dans le matériau ; cette opération s’effectue à 800 °C dans un four sous vide.

Installation Cryholab destinée aux tests de cavités supraconductrices à radiofréquences dans des conditions proches de celles d’un accélérateur.

L’installation et la mise en service de Cryholab ont été réalisées en 2000 et 2001. Les premiers tests de cavités monocellulaires ont eu lieu à la fin de 2001 et au début de 2002. Le test d’une cavité à 5 cellules a été effectué au début de 2003 avec un liquéfacteur d’hélium opérationnel. Le coupleur, qui permettra d’injecter l’onde radiofréquence à 700 MHz en mode continu (avec une puissance de 80 kW) ou pulsé (puissance de crête de 1 MW) a été étudié et est en cours de réalisation.
Cryholab sera utilisé pour le test de nombreux autres types de cavités supraconductrices dans le cadre de plusieurs programmes européens concernant des développements sur les accélérateurs.