Des astronomes prennent le pouls d’une étoile géante

Des astronomes prennent le pouls d’une étoile géante

Première détection des ondes de gravité dans une géante rouge

Des ondes se propageant au cœur même d’une étoile géante viennent d’être découvertes par une équipe internationale de chercheurs dont Rafael Garcia du Service d’Astrophysique du CEA-Irfu [1]. Les résultats ont été obtenus à l’issue de 320 jours d’observations du satellite Kepler, par la méthode de la sismologie stellaire. Ces ondes, dite de gravité, se manifestent à l’extérieur par de très faibles variations de luminosité. Les vibrations de l’étoile offrent la possibilité de mesurer la densité, la composition et la rotation du cœur de l’étoile autrement inaccessibles. Jusqu’ici, ces ondes n’avaient pu être mises en évidence que pour le Soleil. Celui-ci deviendra lui-même une géante rouge dans environ 6 milliards d’années. Cette découverte fournit donc un diagnostic crucial sur l’avenir de notre étoile. Ces résultats sont publiés dans la revue Science du 17 mars 2011.

Voir à l’intérieur des étoiles

Les étoiles géantes rouges constituent un stade particulier de l‘évolution d’une étoile lorsque le combustible ayant été épuisé au centre, les réactions nucléaires se déplacent vers les couches plus extérieures. L’étoile se gonfle alors et devient géante. Le Soleil subira cette transformation dans environ 6,4 milliards d’années, sa taille actuelle sera alors multipliée par plus de 60 de sorte que sa surface sera près de quatre fois plus proche de la Terre.
Des oscillations avaient déjà été étudiées pour la première fois dans des étoiles géantes, en 2009, grâce au satellite français Corot. Mais il s’agissait de vibrations pénétrant uniquement dans les couches les plus extérieures. Ces ondes dites acoustiques –similaires aux ondes sonores qui se propagent dans l’air– traversent les étoiles et voyagent des centaines de milliers de kilomètres à l’intérieur. Mais, elles sont incapables de pénétrer jusqu’aux couches où le matériel stellaire devient trop dense. Elles sont réfractées et elles reviennent vers la surface.

Les géantes rouges sont des étoiles évoluées qui atteignent des tailles plusieurs dizaines plus élevées que le Soleil pour la même masse. A l’intérieur de l’étoile, des ondes acoustiques voyagent dans la zone la plus extérieure tandis que des ondes de gravité sont produites dans le coeur. Elles se traduisent à l’extérieur pas de faibles variations de luminosité de l’étoile. Leur analyse permet de sonder ainsi jusqu’au coeur des étoiles. Crédit SAp/CEA

Les observations de l’étoile géante rouge KIC 6928997 par le satellite Kepler ont révélé pour la première fois des ondes dites mixtes, un mélange d’ondes acoustiques et d’ondes de gravité. Ces ondes de gravité –similaires aux vagues sur la surface des océans– pénètrent plus profondément dans l’intérieur des étoiles, pratiquement jusqu’au cœur. Avec cette découverte, il devient possible de mesurer les paramètres internes d’une étoile, un rêve pour les astronomes qui jusqu’ici devaient se contenter d’en analyser l’extérieur.
« C’est une véritable révolution pour la physique sellaire, cette étoile n’est que le sommet de l’iceberg, nous attendons pour très prochainement une moisson de résultats sur des centaines voir des milliers de géantes rouges et d’étoiles comme le Soleil » confie Rafael Garcia qui est membre du KASC, le consortium scientifique pour l’astérosismologie sur Kepler, avant de poursuivre « en fait nous sommes comme un médecin qui ausculte le corps d’une femme enceinte pour faire un diagnostic sur l’enfant, ou comme les sismologues qui utilisent des tremblements de terre pour sonder l’intérieur de notre planète, nous pouvons désormais grâce à la sismologie stellaire ausculter tout l’intérieur des étoiles».

Un succès européen

L’astérosismologie stellaire est une technique complexe qui consiste à analyser de faibles variations de luminosité et leurs périodicités pour arriver à isoler les différentes ondes qui composent ces variations tout comme un son peut être analysé pour extraire les notes de musique qui le composent. Les premiers résultats ont d’abord été obtenus sur la plus proche étoile, le Soleil. Cette technique de sismologie est devenue une véritable spécialité européenne, grâce entre autres aux progrès réalisés à l‘aide de l’instrument GOLF à bord du satellite européen SOHO et également à l’utilisation du satellite français CoRoT en orbite depuis fin 2006.
Le satellite Kepler lancé en mars 2009 n’était pas prévu spécifiquement pour la sismologie de étoiles mais pour la recherche des planètes extrasolaires. C’est un large groupe européen qui a alors eu l’idée de proposer à la NASA, l’agence spatiale étasunienne, son utilisation pour ces études qui sont en passe de révolutionner nos connaissances des étoiles.

Le satellite KEPLER (NASA)a été lancé le 7 mars 2009. Son objectif principal est la recherche de planètes autour des étoiles. Pour cette recherche, le satellite surveille en permanence la luminosité d’un grand nombre d’étoiles. Les astronomes européens ont proposé d’utiliser ces données pour détecter également les vibrations stellaires, des ondes qui renseignent sur l’intérieur des étoiles. Crédit NASA

Le consortium scientifique pour l’astérosismologie sur Kepler (KASC pour Kepler Asteroseismic Science Consortium) regroupe aujourd’hui près de 440 chercheurs [1]. Les observations effectuées par le satellite américain Kepler arrivent jusqu’au centre d’analyse des données séismiques KASOC (pour Kepler Asteroseismic Science Operations Center) au Danemark. Elles sont corrigées de certains effets instrumentaux par des algorithmes développés par Rafael Garcia au Service d’Astrophysique du CEA-Irfu et basés sur les procédures d’étalonnage de l’instrument GOLF sur SoHO. Les données ainsi traitées sont alors à nouveau envoyées vers le KASOC et redistribuées à tous les chercheurs du monde.
Le satellite Kepler va continuer sa mission d’exploration du ciel jusqu’à au moins 2013 et promet d’autres spectaculaires résultats en cours de publication.


Contact : Rafael GARCIA

Publications :

« Kepler Detected Gravity-Mode Period Spacings in a Red Giant Star »
P. G. Beck, T. R. Bedding, B. Mosser, D. Stello, R. A. Garcia et al.
publié dans la revue Science du 17 mars 2011 (pour une version électronique
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voir  : – le communiqué de presse de l’université de Louvain (17 march 2011, en anglais)
voir aussi  :- « Premiers résultats astérosismologiques du satellite KEPLER » (3 mai 2010)
– « Le magnétisme fossile des étoiles » (30 novembre 2010)

Notes :

[1] Le consortium scientifique pour l’astérosismologie sur Kepler (KASC) regroupe des chercheurs internationaux avec une participation importante de laboratoires européens parmi lesquels l’université de Arhus (Danemark), l’Institut astronomique de Louvain (Belgique), l’université de Birmigham (U.K.), l’Observatoire de Paris-Meudon (LESIA, Meudon) et le Service d’Astrophysique du CEA-Irfu. Le financement de la mission Kepler Mission est fourni par le département des missions scientifiques de la NASA. Les auteurs remercient toute l’équipe derrière Kepler.



Rédaction: R. Garcia, J.M. Bonnet-Bidaud