La mesure des paramètres essentiels des étoiles comme leurs masses et leurs rayons est en général très difficile à réaliser avec précision. Des évaluations sont possibles à partir de la mesure de la luminosité et de la distance des astres mais les incertitudes associées sont importantes.
Grâce à des instruments récents datant de ces deux dernières années, en particulier les satellites CoRoT (Convection, Rotations et Transits planétaires, du CNES)8 et Kepler de la NASA, les astrophysiciens exploitent les mesures d'oscillations à la surface des étoiles, des petites vibrations périodiques qui se traduisent par de très faibles variations de luminosité. Leurs fréquences permettent non seulement de sonder l'intérieur des astres mais aussi de mesurer, en connaissant la température effective, leur masse et leur rayon, de façon totalement indépendante des autres méthodes connues jusque là (Chaplin, W.J., Kjeldsen, H., Christensen-Dalsgaard, J. et al. 2011, Science); c’est ce qu’on appelle la sismologie des étoiles ou sismologie stellaire.
Le Service d'Astrophysique (SAp) du CEA-Irfu participe actuellement à l’exploitation des données de sismologie stellaire du satellite français CoRoT ainsi que celles provenant de la mission spatiale Kepler.
Pour ses recherches en sismologie stellaire, le SAp bénéficie également de son expérience à partir de l’instrument GOLF, embarqué sur le satellite SOHO (1995) de l’Agence spatiale européenne. GOLF utilise un spectromètre à résonance pour exploiter les ondes internes pénétrant jusqu’au cœur du Soleil. De fait, l’expérience acquise dans l’étude du Soleil bénéficie largement à l’étude des étoiles par sismologie stellaire. Les télescopes spatiaux permettent d’observer les mêmes étoiles pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, et d’enregistrer ainsi une multitude d'informations sur leur comportement.
Lancé en décembre 2006, CoRoT (Convection, Rotation et Transits planétaires) utilise la technique de la photométrie stellaire relative de haute précision. Ce télescope spatial ne fait donc pas d’imagerie ; sa fonction est d'enregistrer les variations lumineuses des objets célestes qu’il cible, des étoiles et surtout des exoplanètes, ces planètes qui orbitent autour d’une étoile mais en dehors du système solaire. Les techniques développées en sismologie pour le Soleil et d’autres
étoiles sont également utilisées par le satellite Kepler de la NASA, lancé en 2009. L’objectif principal du satellite Kepler est de détecter la présence de planètes telluriques, telles que notre Terre, autour d’autres étoiles. Pour cela, il mesure en permanence, avec une grande précision, la luminosité des étoiles dans l'espoir de découvrir des diminutions périodiques, traces d'une "mini-éclipse" lorsqu'une planète passe devant son étoile. Cette surveillance permanente des variations de luminosité est exactement l'objectif que poursuivent aussi les spécialistes de la sismologie stellaire pour étudier les vibrations des étoiles. Les astrophysiciens du CEA/Irfu exploitent les données issues de Kepler via un consortium scientifique pour la sismologie stellaire (KASC, pour Kepler Asteroseismic Science Consortium), l’un des plus grands consortiums en astronomie, qui regroupe aujourd’hui près de 440 chercheurs du monde entier, avec une grande majorité européenne.
En effet, la sismologie stellaire est l'étude des vibrations dans les étoiles. Au SAp, les chercheurs s’intéressent plus particulièrement aux astres qui sont analogues au Soleil et qui sont dans notre voisinage. C'est le seul moyen que les astrophysiciens ont aujourd'hui à leur disposition pour percer les couches externes des étoiles et pouvoir sonder leur intérieur. Les informations obtenues permettent de contraindre les modèles numériques de la structure d'une étoile et de son évolution. Le satellite Kepler est donc devenu aussi un observatoire privilégié des étoiles.
Lorsqu’il étudie le cœur des étoiles, l'astrophysicien rencontre un problème similaire à celui des géophysiciens quand ils veulent étudier l'intérieur de notre planète. Les sismologues «terrestres » utilisent les ondes sismiques qui traversent la Terre comme source d'informations sur sa structure interne. Ces ondes sismiques sont de même nature que les ondes sonores : elles se propagent en compressant puis décompressant tour à tour le milieu dans lequel elles évoluent. On parle d'ondes de pression, d'ondes acoustiques ou encore d'ondes sonores. Les ondes acoustiques stellaires sont aussi dénommées « ondes P ». Cependant, il n'y a pas de croûte solide à la surface des étoiles capable de craquer suite aux déformations engendrées par les séismes : la photosphère des étoiles, « de type solaire », oscille localement sous l'action des ondes qui s'y réfléchissent. Ce sont ces oscillations de la photosphère qui sont détectées. Il y a un autre type d’ondes qui se propagent dans les couches les plus profondes de ces étoiles : les ondes de gravité. Elles sont similaires aux vagues sur la surface des océans et elles pénètrent plus profondément à l’intérieur des étoiles, pratiquement jusqu’au cœur.
Cette technique de sismologie est devenue une véritable spécialité européenne, grâce entre autres aux progrès réalisés à l‘aide de l’instrument GOLF à bord du satellite européen SOHO et également grâce à l’utilisation du satellite français CoRoT en orbite depuis fin 2006.
Jusqu'au lancement de CoRoT, le nombre d’étoiles « de type solaire » analysées à l’aide de leurs oscillations était d’une dizaine. Aujourd’hui on les compte par dizaines de milliers.
Grace à l’excellente qualité des données à disposition, le Service d’Astrophysique (SAp) du CEA/Irfu s’intéresse aux études de la rotation des étoiles (interne et de surface), à leur champ magnétique et aux cycles d’activité associés.
Les astrophysiciens ont observé l’année dernière, pour la première fois, le cycle d'activité magnétique dans une étoile en utilisant la technique de sismologie stellaire (García, R.A., Mathur, S., Salabert, D. et al. 2010, Science). L'étude de HD49933 par le satellite CoRoT a ainsi révélé un cycle d'activité magnétique, identique à celui observé dans le Soleil mais beaucoup plus court. Ce résultat ouvre la voie de l'étude, via la sismologie stellaire, de nombreuses étoiles afin de mieux comprendre les mécanismes responsables des cycles d'activité, celui du Soleil inclus. Ces travaux sont publiés dans la revue Science datée du 27 août 2010.
Avec l’utilisation de la sismologie stellaire, l'étude d'un échantillon de 500 étoiles « de type solaire » observée pendant 1 mois par le satellite américain Kepler, a permis d’obtenir une mesure indirecte précise de leurs masses et de leurs rayons (Chaplin, W.J., Kjeldsen, H., Christensen- Dalsgaard, J. et al. 2011, Science). Cette analyse des ondes sonores qui se propagent à l'intérieur des étoiles a atteint une précision suffisante pour fournir ces paramètres essentiels qui jusqu'ici n'étaient connus qu'avec une grande approximation. Ces résultats ont été publiés dans la revue Science du 8 avril 2011.
Les observations effectuées par Kepler arrivent jusqu’au centre d’analyse des données sismiques KASOC au Danemark mais celles-ci ne sont pas complètement exploitables pour la sismiologie stellaire. De ce fait, ces données sont alors envoyées au Service d’Astrophysique (SAp) du CEA/Irfu qui corrige certains effets instrumentaux en utilisant les mêmes procédures d’étalonnage développées pour l’instrument GOLF sur SOHO (García, R.A., Hekker, S., Stello, D. et al. 2011, MNRAS). Les données ainsi traitées sont alors à nouveau envoyées vers le KASOC et redistribuées à tous les chercheurs du monde. Les méthodes employées ont été publiées dans la revue MNRAS, 2011, in press.
De plus, une équipe internationale incluant l’équipe de sismologie au SAp a réussi à sonder, pour la première fois, le cœur de plusieurs centaines d’étoiles géantes rouges (Bedding, T.R., Mosser, B., Huber, D. et al. 2011 Nature).
Les géantes rouges représentent le stade avancé de l’évolution d’une étoile. C'est le stade qu'atteindra le Soleil dans environ 6 milliards d'années. Dans un premier temps, lorsque l’hydrogène, qui constitue le combustible principal de l’astre, est totalement brulé au centre, les réactions nucléaires se déplacent vers les couches les plus externes. L’étoile se gonfle alors et devient géante et rouge car les régions les plus externes se refroidissent en se dilatant. Au même moment, les régions centrales sans source d’énergie se contractent. Dans un deuxième temps, lorsque le cœur de l’étoile devient suffisamment dense, c’est l’hélium qui peut entrer en fusion au centre.
L’accès aux couches les plus profondes de géantes rouges a été possible avec la détection des ondes dites mixtes, un mélange d’ondes acoustiques et d’ondes de gravité (Beck, P.G., Bedding, T.R., Mosser, B. et al. 2011, Science) Ces ondes mixtes ont une amplitude suffisante à la surface de l’étoile pour êtres mesurées et permettre néanmoins de sonder le cœur des étoiles.
Dans le large échantillon étudié ici, les astrophysiciens ont pu distinguer où se situaient les réactions de fusion nucléaire selon les cas : soit au cœur même de l’étoile, soit dans des couches plus externes. C’est une découverte majeure pour la compréhension des étoiles, car jusqu’ici rien ne permettait aux astronomes d’isoler ces stades qui correspondent à une étape différente de la vie d’une étoile. Les résultats sont publiés dans la revue (Bedding, T.R., Mosser, B., Huber, D. et al. 2011 Nature du 31 mars 2011.
Le futur est prometteur. La prochaine étape, pour 2011, consistera à caractériser les périodes de rotation de ces étoiles pulsantes « de type solaire ». En effet, les chercheurs du Service Astrophysique (SAp) du CEA/Irfu dirigent la réalisation d’un premier catalogue rassemblant les étoiles qui tournent vite en surface, avec des périodes de moins de 10 jours pour les étoiles « de type solaire » (3 a 4 fois plus vite que le Soleil) et avec des périodes de moins de 30 à 50 jours pour des étoiles géantes rouges. Pour ces dernières, la théorie prédit des taux de rotation externes plus lents que pour le Soleil.
De plus, grâce a la qualité des données du satellite Kepler, il a été possible de déterminer la rotation différentielle en profondeur (les cœurs de ces étoiles tourneraient plus de 2 fois plus vite que la surface) dans plusieurs étoiles géantes rouges. Ce résultat constitue un point tournant dans l’étude des intérieurs stellaires et les cœurs car les chercheurs vont pouvoir imposer de nouvelles « contraintes » aux modélisations de transport de moments cinétiques et de mélange qui ont lieu dans ces étoiles. Dès la fin de l’année 2011, le SAp espère achever la recherche des modes de gravité purs sur des étoiles analogues au Soleil. Cette recherche sous la direction du Service d’Astrophysique (SAp) du CEA/Irfu, devra permettre de mieux comprendre les processus physiques régnant dans les intérieurs et les cœurs des étoiles légèrement plus âgés que le Soleil.