15 novembre 2002
Des étoiles formées en dehors des galaxies ?
Une réserve insoupçonnée de gaz moléculaire

Détection de nuages denses dans le Quintette de Stephan

Dans les galaxies, les étoiles se forment à partir de gaz moléculaire. Ces nuages ont, jusqu'à présent, été principalement détectés a l'intérieur de disques galactiques.
Pour la première fois, une équipe internationale d'astronomes de laboratoires espagnols, mexicains, américains et français (en particulier du CNRS et du CEA-DAPNIA), vient de découvrir des réserves insoupçonnées de gaz moléculaire, en dehors des galaxies.

Les chercheurs ont observé un groupe spectaculaire de galaxies, connu sous le nom de "Quintette de Stephan", qui rassemble cinq galaxies principales dont les formes sont fortement perturbées par l'effet de leur interaction gravitationnelle.

 
Des étoiles formées en dehors des galaxies ?

Le quintette de Stephan, est un des groupes de galaxies les plus étudiés et bien connu des amateurs. Il est situé dans la constellation de Pégase, à une distance d'environ 270 millions d'années-lumière et a été découvert en 1877 par l'astronome français Edouard Stephan, depuis l'observatoire de Marseille. Les clichés spectaculaires de cette formation montrent en fait six galaxies (et non pas cinq). Crédit NASA/ESA

Pour leur observation, les astronomes ont utilisé l'antenne de 30 mètres du radiotélescope millimétrique de l'IRAM (Institut de Radio-Astronomie Millimétrique), un télescope fruit d'une collaboration française, allemande et espagnole, situé près de Grenade en Espagne. Ils ont retracé la distribution du gaz d'hydrogène moléculaire par l'intermédiaire des raies de rotation de la molécule CO. Le dihydrogène H2 qui est le composant essentiel de la phase moléculaire est en effet très difficilement détectable directement alors que la seconde molécule la plus abondante dans le milieu interstellaire, à savoir le monoxyde de carbone CO,  est facilement détectable dans le domaine des ondes millimétriques.

Les cartes ainsi obtenues montrent des concentrations de CO inattendues entre les galaxies du Quintette, alors que ces dernières n'en contiennent elles-mêmes que très peu. Une masse totale de gaz H2 équivalente à près de quatre milliards de fois la masse du soleil a en particulier été détectée dans deux régions distinctes du milieu intra-groupe, situées jusqu' à une distance 50 kpc (plus de 150 mille années-lumière) de la galaxie la plus proche. Une telle quantité correspond au contenu total en gaz moléculaire d'une grande galaxie spirale telle que la Voie Lactée.

 
Des étoiles formées en dehors des galaxies ?

Cette carte montre les deux régions du Quintette de Stephan où une importante quantité de gaz d'hydrogène moléculaire a été mesurée. Ces régions sont situées à l'extérieur des galaxies. Les cartes de la raie millimétrique CO mesurée avec l'antenne de l'IRAM sont superposées à une image du groupe de galaxies obtenue avec le Télescope Spatial Hubble. Crédit NASA/ESA/CNRS/IRAM

L'origine de ces nuages intergalactiques reste incertaine. Il est improbable qu'il s'agisse de gaz primordial, c'est à dire d'un reliquat de gaz issu du Big Bang et non encore consommé. Sa teneur élevée en éléments lourds, attestée par la présence de fortes raies de CO, indique qu'il a été enrichi au sein de galaxies. Vraisemblablement, le gaz moléculaire a soit été directement arraché au disque de l'une des galaxies de la Quintette par des forces de marée, soit il s'est formé dans le milieu intergalactique suite à la condensation de nuages d'hydrogène atomique (HI), eux-mêmes expulsés lors de collisions galactiques.

Le sort des nuages intergalactiques est prévisible. On y trouve suffisamment de matière pour former à terme une nouvelle galaxie de seconde génération. Déjà, il alimente des régions d'intense formation stellaire. L'une d'elles a d'ailleurs été mise en évidence il y a quelques années sur des images infrarouges fournies par la caméra ISOCAM (construite en partie dans le Service d'Astrophysique du CEA-DAPNIA).

 

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(*) Ces résultats sur le Quintette de Stephan viennent d'être publiés dans la revue Astronomy & Astrophysics. Ils illustrent des phénomènes de recyclage cosmique à l'échelle galactique dont l'importance commence à être appréhendée. Ils seront discutés lors du symposium IAU n°217 "Recyclage de la matière interstellaire et intergalactique" qui leur est entièrement consacré et qui se déroulera dans le cadre de la prochaine assemblée générale de l'Union Astronomique Internationale.

"Abundant molecular gas in the intergalactic medium of Stephan's Quintet"
U. Lisenfeld, J. Braine, P.-A. Duc, S. Leon, V. Charmandaris and E. Brinks Astronomy & Astrophysics, 2002, vol 394, p. 823

Cette collaboration inclue les laboratoires de l'Instituto de Astrofísica de Andalucía (Espagne), l'Observatoire de Bordeaux (France), le laboratoire URA 2052 du CNRS et le Service d'Astrophysique du CEA (France), l'Université de Cologne (Allemagne), l'Observatoire de Paris (France), l'Université de Guanajuato (Mexique) et l'INAOE (Mexique).

 
#1334 - Màj : 15/11/2002

 

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