25 avril 2012
Conflit de générations stellaires
Les galaxies elliptiques forment trois fois plus d'étoiles que prévu

Dans une lettre publiée dans la revue Nature du 26 avril 2012, une équipe internationale d'astrophysiciens incluant des chercheurs du Service d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu révèle pour la première fois que les galaxies plus anciennes de type elliptique ont formé environ trois fois plus d'étoiles que ne le prévoyaient les modèles jusqu'à présent. Cette étude démontre que l'idée d'une formation initiale d'étoiles universelle, identique pour toutes les galaxies, une hypothèse qui est communément utilisée pour interpréter l'évolution des galaxies, ne correspond pas aux galaxies réelles. Ces résultats ont été obtenus dans le cadre du projet Atlas-3D, une étude multi-longueurs d'onde très détaillée de plus de deux cents cinquante galaxies elliptiques et lenticulaires proches.
 

 

Courbe de population des étoiles

Le problème de la formation des étoiles dans les galaxies est loin d'être résolu. Les galaxies sont initialement de vastes disques de gaz dans lesquels vont se former les étoiles par effondrement du gaz sous l'action de la gravité. Mais combien d'étoiles vont se former initialement et quel sera leur nombre en fonction de leur masse ? La détermination de la fonction de masse initiale des étoiles dans les galaxies est une question essentielle de l'astronomie pour comprendre notamment comme les galaxies évoluent par la suite au cours du temps. Jusqu'ici les astrophysiciens adoptaient une hypothèse très simple introduite par l'astrophysicien Salpeter dès 1955. Ils considéraient que la distribution initiale en masse des étoiles, appelée aussi IMF (pour "Initial Mass Function") était identique pour toutes les galaxies. C'est cette hypothèse qui vient d'être infirmée par l'étude détaillée du mouvement des étoiles dans plus de 200 galaxies proches de formes elliptiques ou lenticulaires.
 

 
Conflit de générations stellaires

Les deux galaxies NGC 5480 (de forme spirale à droite) et NGC 5481 (de forme elliptique à gauche) à une distance d'environ 85 millions d'années-lumière, photographiée par la caméra MEGACAM. Crédits P.A. Duc/CEA-CFHT)

Dans le cadre du projet Atlas-3D, un échantillon de 260 galaxies de formes elliptiques ou lenticulaires, à des distances de la Terre inférieures à 140 millions d'années-lumière, a pu être étudié grâce à des observations à plusieurs longueurs d'onde réalisées par différents télescopes en lumière visible (William Herschel Telescope - WHT ), en ondes radio (Westerbork Radio Synthesis Telescope - WRST), en ondes millimétriques (IRAM 30m telescope) et également grâce aux images profondes obtenues par la caméra MegaCam (Canada-France-Hawaii Telescope - CFHT) construite au CEA.

La mesure de la vitesses des étoiles permet de déterminer la masse qui peut être comparée à la luminosité émise et le rapport M/L (masse/luminosité) permet alors théoriquement de déduire la fonction initiale de masse. Mais, la mesure est rendue complexe par l'existence de la fameuse matière noire qui participe à la masse sans émettre de lumière. Comment séparer sa contribution de celle des étoiles ?  Jusqu'ici, les chercheurs n'avaient jamais réussi à résoudre ce problème de façon convaincante. C'est grâce au large échantillon étudié et à la comparaison avec différents modèles de galaxies contenant des proportions diverses de matière noire que les astrophysiciens sont arrivés à la conclusion que les galaxies elliptiques ont un contenu d'étoiles très différents des galaxies spirales. Certaines de ces galaxies peuvent produire jusqu'à trois fois plus d'étoiles que prévus par les modèles. L'impact de ce résultat va se révéler déterminant pour retracer toute l'évolution des galaxies car jusqu'ici ces différences de contenu initial entre les galaxies n'ont pas été prises en compte.
 

 

Contacts ,

Publication :

A systematic variation of the stellar initial mass function in early-type galaxies
M. Cappellari, R. McDermid, K. Alatalo, L. Blitz, M. Bois, F. Bournaud, M. Bureau, A. Crocker, R. Davies, T. Davis, P. de Zeeuw, P-A Duc, E. Emsellem, S. Khochfar, D. Krajnovic, H. Kuntschner, P-Y Lablanche, R. Morganti, T. Naab, T. Oosterloo, M. Sarzi, N. Scott1, P. Serra, A-M Weijmans & L. Young
publié dans  le numéro du 26 avril de la revue Nature
pour une version électronique: fichier PDF (3 Mo) et  arxiv 1202.3308

 

Voir aussi         : le communiqué de presse de l'université d'Oxford (26 avril 2012, en anglais)

Voir également : "Galaxies elliptiques bien plus complexes", 20 juillet 2011
                         "Le sondage de nouvelle génération de l'amas de la Vierge", 09 juillet 2010
                         " Cure de jouvence pour l’amas de la Vierge " , juillet 2010
 


Rédaction: J.M. Bonnet-Bidaud
 

 

 
#3176 - Màj : 26/04/2012

 

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