Rapport 1997 - 2000

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Phénomènes à haute énergie dans les régions de formation d'étoiles

L'emission de rayons X des jeunes étoiles

L'examen de la section efficace d'extinction du milieu interstellaire (gaz, poussière et noyaux en proportions cosmiques) montre un égal pouvoir de pénétration, tant à haute énergie (X et gamma) qu'à basse énergie (IR, mm). En conséquence, l`accès au domaine des hautes énergies s`avère être un outil puissant pour l`étude de la formation et de l`évolution pré-séquence principale des étoiles. T. Montmerle et son équipe ont développé leurs travaux dans deux directions principales: (i) caractérisation des étoiles jeunes en tant que sources de rayons X, en les étendant progressivement aux protoétoiles, et en développant l'analyse des liens entre cette émission et le magnétisme (revue par Feigelson & Montmerle 1999; thèse de N. Grosso, 1999), mais aussi dans l'IR avec ISOCAM (revue par Montmerle & Nordh 1999); (ii) effets d'irradiation X sur diverses cibles : sur la poussière (au laboratoire: thèse de S. Gougeon à l'ESRF, en collaboration avec le DRECAM, 1998), sur les disques circumstellaires (revue par Glassgold, Feigelson & Montmerle 2000) et sur le système solaire jeune (revue par Montmerle 2000).

L'équipe a utilisé la quasi-totalité des satellites X disponibles (ROSAT, ASCA, SAX, et dernièrement Chandra et XMM), pour étudier différentes régions de formation d'étoiles, aussi bien distantes (Rosette, 2 kpc : Gregorio-Hetem et al. 1998) que proches (r Oph, 150 pc), dans le domaine d'énergie de ~ 0.5 à 10 keV. 

Cette dernière région a plus particulièrement attiré l`attention par le nombre (entre 200 et 300) et la diversité des étoiles jeunes de masse comparable au Soleil qu'elle contient, à tous les stades très précoces de leur évolution, depuis les protoétoiles jusqu'aux étoiles T Tauri. C'est au cours d'une de ces campagnes qu'a pu être identifiée pour la première fois de façon certaine l'émission X d'une protoétoile (Grosso et al. 1997, Montmerle 1998).

Les conclusions qui se dégagent sont très claires : toutes les étoiles jeunes émettent des rayons X, avec Lx ~ 10-4 Lbol (Grosso et al. 2000 ; Figure 7), comme le montre l'excellente corrélation de position entre les sources X et les objets vus dans le domaine visible et/ou en IR proche. En revanche, de nombreuses sources ISOCAM (cf. ci-dessus ; Bontemps et al. 2000) ne sont pas vues en rayons X, ce qui est attribué à la sensibilité insuffisante du satellite ROSAT. La nouvelle génération de satellites X, notamment XMM, devrait permettre d'obtenir de nouvelles identifications, notamment des étoiles de masse plus faible que celle des naines brunes (soit < 0.08 M\odot).

Nuage moléculaire

 Il faut également noter que les rayons X jouent un rôle crucial pour identifier comme étoiles jeunes de type T Tauri les objets enfouis sans excès IR, c'est-à-dire pour lesquels le disque circumstellaire a disparu (Grosso et al. 2000).

Fig. 7 : Image multi-longueur d`onde du nuage de r Ophiuchi. Contours : matière dense vue en C18O. Images de fond : optique (Digital Sky Survey), et IR en avant-plan (ISOCAM). Carrés : sources X (ROSAT HRI) (Grosso et al. 2000).

L'origine de ces rayons X est éruptive, et se calque parfaitement, quoiqu'avec une intensité mille fois plus grande, sur l'activité magnétique du Soleil (reconnexion de boucles magnétiques de parités opposées) (Montmerle 1997, Feigelson & Montmerle 1999). En ce qui concerne les protoétoiles, il semble cependant nécessaire d'invoquer, au moins dans certains cas, une connexion magnétique entre l'étoile en formation et son disque d'accrétion, sur le modèle des étoiles à neutrons (Grosso et al. 1997). Cette idée s'est trouvée confortée pour la première fois, dans le cas de la protoétoile YLW15 dans le nuage de r Ophiuchi, par la découverte d'une éruption X triple quasi-périodique, mettant indirectement en évidence une rotation rapide de l'étoile centrale (Tsuboi et al. 2000, Montmerle et al. 2000 ; Figure 8). Plus généralement, les éruptions X peuvent être utilisées pour mesurer la rotation des étoiles jeunes, ce qui est souvent impossible autrement en raison de leur extinction importante (Stelzer et al. 1999).

Le magnétisme joue sans doute également un rôle important pour expliquer l'émission X de certaines étoiles massives, plus intense que ceux des étoiles jeunes de petite masse (Babel & Montmerle 1997a, b). Dans ce cas, le modèle proposé fait appel à un vent radiatif confiné par un champ magnétique stellaire dipolaire, les rayons X résultant de la collision du vent avec lui-même au niveau de l'équateur (Figure 9). Ce modèle a notamment prédit l'existence d'un champ magnétique enfoui dans le vent de l'étoile O7 q1 Ori C (une des étoiles du "Trapèze", excitant la nébuleuse d'Orion), ce qui a été confirmé depuis par l'observation de l`élargissement Zeeman des raies spectrales.

Modèle d'interaction Modèle d'émission

Figure 8 : Modèle d`interaction magnétique étoile-disque proposé pour expliquer les éruptions X quasi-périodiques (P ~ 20h) observées avec le satellite ASCA (Tsuboi et al. 2000). L`étoile en formation au centre tourne plus vite que le bord interne du disque d`accrétion (repères 1 à 4), et entraîne un « court-circuit magnétique » (reconnexion), qui libère l`énergie emmagasinée à chaque tour et déclenche une éruption X (repère 5) (Montmerle et al. 2000).

Figure 9: Modèle d'émission X pour les étoiles magnétiques de type Ap. Le vent radiatif est confiné par les lignes de champ, et entre en collision avec lui-même, ce qui le chauffe à des températures de plusieurs millions de degrés. 

La zone d'émission X est constituée par un plasma « magnétosphérique » ; la matière ainsi accumulée se refroidit en un disque froid équatorial (Babel & Montmerle 1997).

 

Par leur situation dans les régions internes des nuages moléculaires, les rayons X constituent autant de sources de rayonnements « durs », qui vont irradier le gaz et la poussière environnants, aussi bien les disques circumstellaires (Figure 10) que les nuages eux-mêmes. Les effets principaux sont l'ionisation (faible mais sur de grandes distances), qui affecte le couplage entre la matière et le champ magnétique ambiant, et les conséquences qui en résultent sur la chimie interstellaire (Glassgold, Feigelson & Montmerle 1999), ainsi que des effets de destruction ou de chauffage des grains de poussière (voir le travail expérimental pionnier de S. Gougeon à l`ESRF dans sa thèse, 1998). Ce domaine est actuellement peu développé, et sera poursuivi en collaboration avec le DRECAM. 

Irradiation

On notera enfin que l'intense émission X des étoiles jeunes implique une forte activité du Soleil jeune, et en particulier une forte irradiation par des particules énergétiques ; ce niveau élevé d'irradiation du système solaire jeune a été confirmé récemment par des études sur des anomalies isotopiques spécifiques dans les météorites (Montmerle 2000).

Figure 10 : Irradiation d'un disque circumstellaire d'accrétion par les rayons X d'une étoile jeune. Le plasma émetteur est confiné dans une boucle magnétique de grande taille (de l'ordre du rayon de l'étoile). Le disque est ainsi ionisé (faiblement), et se trouve donc couplé au champ magnétique ambiant, ce qui peut affecter le mécanisme de l'accrétion lui-même (voir Montmerle 2000).




DSM/DAPNIA/Service d'Astrophysique  mise à jour : 15/10/2001
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